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Henri Guironnet, un Ardéchois réfractaire au S.T.O

Le samedi 1er novembre 2003, par Michel Guironnet

Au cours d’une discussion sur notre nom de famille, il y a de cela plus de vingt ans, l’un de nous lance, sous forme de boutade : " Il y a même une rue GUIRONNET à Annonay, en Ardèche ". L’information est vague et, sans pour autant pousser l’orgueil jusque là, ce renseignement vaut la peine d’en savoir plus. Ma lettre du 6 janvier 1980 à la mairie d’Annonay restée sans réponse, je décide, profitant du 1er mai, d’aller voir sur place.

Dans la vieille ville, je déniche la rue en question : " Rue Henri GUIRONNET 1921-1943 ", rue débouchant sur la place de la Liberté et la statue de Marc SEGUIN.

En remontant la rue vers les vieux quartiers, au N° 7, une plaque apposée sur une maison me fournit de plus amples explications :

JPEG - 17 kio
Mort pour la France
Henri GUIRONNET
Réfractaire
Première victime Annonéenne
Tombé héroïquement à l’âge de 22 ans.
Le 30 novembre 1943 A Nyons - Drôme "

( Cette plaque a du être placée là après la Libération d’Annonay, sur la maison des parents d’Henri GUIRONNET ; cette rue s’appelait " rue de la Liberté " avant de devenir " rue Henri GUIRONNET " ).

Cet Henri GUIRONNET est certainement, vu son âge, un réfractaire au S.T.O, Service du Travail Obligatoire, réquisition de la main d’œuvre française au profit de l’industrie de guerre allemande.

Quelques explications sur le STO ( Sur ces " Années noires " on se reportera au volume 6 de l’ouvrage d’Henri AMOUROUX " la grande histoire des français sous l’occupation " : " l’impitoyable guerre civile- décembre 1942 - décembre 1943 " particulièrement la première partie : " le choc du S.T.0 " ) :

L’Allemagne en guerre est en difficulté, notamment sur le front russe. Pour le travail dans ses usines d’armement, elle mobilise les hommes de 16 à 65 ans indisponibles pour le front et les femmes de 17 à 45 ans.
Pierre LAVAL, Chef du Gouvernement de Vichy, sous la pression de Fritz Sauckel nommé par HITLER en mars 1942 " plénipotentiaire au recrutement et à l’emploi de la main d’œuvre " en France, s’engage à envoyer plusieurs milliers de travailleurs français en Allemagne.

Le 22 août 1942, une ordonnance précise les conditions d’emploi des travailleurs dans les pays occupés. Pour la France, c’est la loi du 4 septembre qui s’applique :

" Toute personne du sexe masculin de plus de 18 ans et de moins de 50 et toute personne du sexe féminin de plus de 21 ans et de moins de 35 peuvent être assujetties à effectuer tous travaux que le gouvernement jugera utile dans l’intérêt de la Nation. "

Peines de prison et amendes visent ceux qui enfreignent ces dispositions.
Ces dispositions, malgré l’appui de l’administration française, ne donnent pourtant pas les résultats escomptés. A la réquisition, on ajoute les rafles aveugles à la sortie des usines, des cinémas, dans la rue. Ce n’est plus seulement une recherche de spécialistes mais une chasse à l’homme.

Le gouvernement de Vichy fait aussi, bien sûr, rechercher les réfractaires.

Une circulaire du 2 février 1943 exige des préfets un recensement général des Français nés entre le 1er janvier 1912 et le 31 décembre 1921.

Le 15 février, " en application de la loin du 4 septembre 1942 (le Conseil des Ministres décide) de créer un Service du Travail Obligatoire...ce texte législatif rend le Service du Travail Obligatoire aux champs, à l’usine, à l’atelier pour tous les jeunes gens nés entre le 1er janvier 1920 et le 31 décembre 1922 ".

Henri GUIRONNET (né le 22 décembre 1921) est concerné mais il refuse de servir l’Occupant !

Cette loi, publiée le 16 février, précise à l’encontre de ceux qui l’enfreindraient des peines de prison de trois mois à cinq ans et des amendes de 200 à 100.000 F.

Ces peines sont applicables également aux personnes ayant contribué à faire échec à la réquisition.

Malgré ces risques, Henri GUIRONNET, choisissant de devenir " réfractaire S.T.O ", " prend le maquis " et part rejoindre début 1943 la Résistance en train de s’organiser dans la région.

La loi du 11 juin 1943 sanctionne les obligations relatives au Service du Travail Obligatoire :

" Art. 2 - Sans préjudice de l’internement administratif, le préfet peut prononcer une amende administratif de 10.000 à 100.000 francs contre quiconque, y compris les membres de la famille de l’intéressé, aura sciemment hébergé, aidé ou assisté, par moyen que ce soit, une personne qui s’est soustraite aux obligations résultant des lois des 4 septembre 1942 et 16 février 1943 relatives au service du travail obligatoire. Sera passible des mêmes sanctions celui qui aura provoqué, par quelque moyen que ce soit, toute personne soumise aux lois susvisées à se soustraire à ses obligations..."

Henri GUIRONNET meurt " héroïquement " à Nyons en novembre 1943.
J’écris donc le 18 juin 1980 (hasard de la date ?), à Monsieur le maire de Nyons, lui demandant s’il connaissait les circonstances de la mort de ce Résistant. Sa réponse ne tarde pas :

" Monsieur GUIRONNET faisait partie du Maquis, il a été fusillé par le Groupe Mobile de Défense le 30/11/1943. Pour de plus amples renseignements, vous pouvez vous adresser à Monsieur Albin VILHET, à Nyons 26110 ". Il joignait à sa réponse la photocopie certifiée conforme de l’acte de décès d’Henri GUIRONNET.

Voilà qui confirme bien les premiers éléments ; et puisque ce Monsieur VILHET en détient d’autres ; sans hésiter je m’adresse à lui.

Expliquant mes précédentes démarches, je lui indique que d’après son acte de décès Henri GUIRONNET est né le 22 décembre 1921 à Annonay, de Jean Marie GUIRONNET et Marie Joséphine JUNIQUE, est ouvrier agricole. Il décède le 30 novembre 1943 à 16h30, au quartier des Antiguans à Nyons... Peut il m’en dire plus sur cet Henri GUIRONNET, ce Groupe Mobile de Défense, les circonstances de sa mort : représailles, condamnation ?

Huit jours plus tard, sa réponse m’arrive, pleine de détails sur ce GUIRONNET, héros local de la Résistance. Plus qu’une longue explication, voici le texte de la lettre d’Albin VILHET :

" Du 7 juillet 1980... GUIRONNET était au Maquis de la Lance à La Roche Saint Secret. Il fut désigné par ses chefs pour abattre un milicien de Nyons nommé BROUDAR. Le même jour il y avait un enterrement d’un gendarme tué par les Allemands. BROUDAR se faufila dans le cortège, GUIRONNET se rapprocha de lui et lui tira une balle dans la tête.

Profitant du désarroi, il pu s’enfuir mais se trompa de rue pour aller rejoindre une voiture qui l’attendait. Il prit une impasse et franchit une clôture où il se foula le pied.

Ne pouvant plus courir, il plongea dans la rivière l’Eigue et se blottit derrière une touffe d’osier.

Il se trouvait à Nyons un groupe genre Gardes Mobiles appelés G.M.R, Groupe Mobile de Réserve, envoyé par Vichy à l’occasion des funérailles du gendarme.

Un de ces G.M.R vit GUIRONNET caché dans l’eau, il lui envoya une balle le tuant net.

Ses funérailles eurent lieu à Nyons mais j’ignore s’il a été transporté dans son pays par la suite.

Je puis également vous dire que GUIRONNET était fiancé à une jeune fille, Simone POINAS, qui attendait un enfant de lui. Simone aurait voulu que son fils porte le nom de son père ; mais le père GUIRONNET s’y opposa, je ne sais pour quels motifs. J’ignore également ce que sont devenu Simone et son fils.

Je vous joins une photo qui me reste d’un million que nous avions fait tirer.

Je reste à votre disposition pour tout ce que vous voudrez savoir. A. VILHET ".

La photo représente Henri GUIRONNET ; le profil tourné vers la droite ; avec cette légende :

" GUIRONNET Henri - Réfractaire tombé à Nyons, sous les balles de la police de Vichy, le 30 novembre 1943, à l’âge de 22 ans ".

Joseph LA PICIRELLA, ancien Maquisard, dans ses " Témoignages sur le Vercors - Drôme et Ardèche " publiés fin 1980, explique :

" Le 27 novembre (1943)... A Nyons (Drôme), une vingtaine d’allemands venant d’Orange se rendirent rue Victor Hugo, chez M. Félix Maurent, distillateur et lui passèrent les menottes. Mais quelques instants plus tard, profitant de l’inattention des soldats occupés à piller son logement, il réussit à s’évader et à se réfugier chez une personne amie.

Le lendemain vers 9 heures, pendant que deux gendarmes français venus pour " constater la disparition de M. Maurent ", interrogeaient Mme Maurent, la fille de cette dernière entendant une voiture s’arrêter devant la maison se précipita à la fenêtre et s’écria : " Mon Dieu, maman, les allemands reviennent ". Les gendarmes se regardèrent puis, en courant, s’enfuirent par le jardin mais aperçus par les allemands cernant la propriété, l’un d’eux, Charles Guy, 37 ans, fut tué et le second, Boes, blessé. Mme Maurent arrêtée fut déportée à Ravensbrück d’où elle revint éprouvée en 1945...

Le 30 novembre, à Nyons (Drôme), le jeune Henri Guironnet, 22 ans, du maquis de la Lance, abattit d’un coup de revolver, Philippe B... un retraité membre de la milice. Pendant que ce dernier atteint à la tête expirait, les G.M.R. se lancèrent à la poursuite du maquisard et tirant sur lui à la carabine, réussirent à l’atteindre mortellement près du vieux pont du 14e siècle dit " Romain " enjambant d’une seule arche de 43 mètres la rivière l’Aygues ".

Albin VILHET fut lui aussi un grand Résistant de la région drômoise. Décédé depuis, une rue de Nyons porte son nom.

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