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Journal de voyage de Jean-Louis Isaac Tardy (5e épisode)

Dans l’océan indien

Le samedi 1er mars 2008, par André Vessot

L’Isère poursuit sa route avec une météo très capricieuse : vent très violent et froid puis chaleur tropicale. La nourriture est toujours aussi détestable, comme le note le rédacteur de ce journal et la discipline imposée par le commandant est très dure. Heureusement, un certain soir, le verre de punch bu dans la chambre du second maître mécanicien met un peu de gaieté.

Mardi 13 mars 1860

Vers 2 heures du matin la brise s’est levée, assez forte et nous avons bien marché. La marche a été régulièrement de 9 nœuds. Le temps était très brumeux, le ciel nuageux. Le froid a été excessivement vif. C’est bien la journée la plus froide que nous ayons eue. Le soir il est tombé une forte pluie, qui a fait mollir la brise et la marche depuis ce moment n’est guère que de 4 nœuds. Notre direction est toujours la même. Le vent était ESE, mais le soir en mollissant il est devenu Ouest. J’ai vu un spectacle assez pénible, c’est la punition d’un matelot. Cette punition consiste à l’amarrer aux haubans les bras en croix, on l’a laissé là 2 heures exposé aux vents dans cette triste position. Les albatros continuent à nous suivre. Tous les cabans et effets d’hiver sont dehors.

On a tué le mouton

Mercredi 14 mars 1860

Le temps a été très beau aujourd’hui jusqu’à 2 heures, le soleil brillait dans un ciel sans nuages, la température était assez douce mais à cette heure le ciel est devenu brumeux, nuageux et le froid a été très vif plus insupportable encore que les jours précédents. Une forte pluie s’est mise à tomber à 4 heures et ½ et n’a pas encore cessé. La mer le matin était calme tout à fait, une toute légère brise arrière nous faisait comme hier soir et toute la nuit filer 4 nœuds tout en nous faisant passablement rouler. Peu à peu la brise SSE s’est levée et vers midi elle était très bonne. Nous avons commencé à cette heure à filer 9 nœuds, cette marche quelquefois plus forte continue encore. On a largué le cacatois, le perroquet, on a pris 2 ris de chasse du hunier supérieur et néanmoins on file encore 10 nœuds. La journée a été remarquable sous plusieurs points de vue. D’abord il y a eu ce matin la prise d’un albatros. Cet oiseau qui paraît si beau en le voyant dans l’air ou sur mer est bien plus beau encore qu’il n’y paraît, il est gigantesque, 3 mètres 50 d’envergure, longueur 1 mètre 27, son plumage tigré en dessus, d’une blancheur éblouissante au dessous est d’une épaisseur extraordinaire, le doigt peut à peine pénétrer au fond, à tel point que le pourtour avec les plumes est de 90 cm… On a vu passer une bande d’une vingtaine de thons, ils ont passé assez près du navire, avec une rapidité incroyable, à nous dépassé bien rapidement, leur vitesse est certainement plus grande que celle d’un train express. On a bien déjeuné et bien dîné, on a tué le mouton.

On a mangé de l’albatros

Jeudi 15 mars 1860

La nuit dernière on a eu un vent des plus forts, un roulis effrayant qui couchait presque le bâtiment sur le côté, tout tombait dans le carré et les cabines, le bâtiment craquait, tout le monde était éveillé, il a été impossible de dormir, la nuit a donc été très agitée, la marche a toujours été de 10 à 11 nœuds avec peu de voile. Ce matin le ciel était clair, le vent était bien tombé, mais le roulis a été toute la journée très fort avec de fortes secousses par intervalles. Belle journée, ciel pur et sans nuages, vent ouest modéré, vitesse moyenne de 6 nœuds, direction du bâtiment Est pur. Ce soir le vent a paru tourner un peu et se changer en NOO direction Est avec le degré seulement vers le Nord. La température a été très douce, on a eu jusqu’à 12° C, aussi est on très bien sur le pont et même le soir on ne sent pas le froid. L’eau pénètre par mon sabord tous mes effets ont été mouillés, dans d’autres cabines les matelots ont été trempés. On a mangé de l’albatros.

Huit jours d’arrêt infligés par le commandant

Vendredi 16 mars 1860

Ciel nuageux le matin, mais la brume s’éleva de bonne heure et le soleil brilla tout le jour, à la tombée de la nuit le ciel s’est chargé et il a plu beaucoup. La température a été très douce, on a été à 14°C et même 15°C. La mer est toujours grosse et le soir quand le calme a paru survenir la mer n’a pas diminué et la houle était tellement forte qu’on a fait parer les feux pour chauffer. Le roulis et le tangage sont forts. Nous nous dirigeons toujours vers l’Est avec quelques degrés vers le Nord. Une brise forte souffle de Nord et nous donne ainsi un vent travers qui nous donne une vitesse de 9 à 10 nœuds. Le soir la brise tombe le calme survient mais cela ne dure guère que 2 heures et la brise Nord reprend peu à peu et augmente à tel point qu’à 7 heures on file 4 nœuds et à 10 heures on est déjà parvenu à 10 nœuds. On voit quelques albatros, il y a des alcyons et une foule de petits oiseaux blancs nommés pétrels. Un fait très fâcheux a eu lieu. La nourriture est détestable et maigre, chacun se plaint plus ou moins haut mais un de nous … s’est plaint et a accusé les officiers du bord. Le résultat a été une punition de 8 jours d’arrêts qui lui ont été infligés par le commandant. Et en outre, il ne doit pas manger à la table commune à moins de donner à ses paroles passées une explication satisfaisante. Cette punition est un malheur qui nous a tous touchés.

Samedi 17 mars 1860

Ciel brumeux, temps couvert, mer grosse, roulis et tangage très forts, direction toujours la même bon vent Nord qu’on prend en travers qui nous donne une vitesse de 5 à 9 nœuds. Rien de nouveau. La nourriture a été détestable. Je me suis levé de table n’ayant rien à déjeuner, le dîner a été passable. Nombreux pétrels. Température 17°C.

Dimanche 18 mars 1860

Le temps a été beau, bonne brise Nord, mer presque calme, peu de roulis, pas de tangage, température 17°C. Direction la même. Nuées de pétrels. Dîner délicieux. Rien de nouveau. Vitesse du jour 7 nœuds.

Le vent très violent souffle par rafales

Lundi 19 mars 1860

Le temps continuait à être des plus favorables, la mer assez agitée cependant peu de roulis et de tangage. Soutenus que nous étions par une bonne brise Nord qui nous donnait dans notre direction ENE une vitesse de 8 et 9 nœuds, à 5 heures du soir et sans que rien puisse le faire prévoir tout d’un coup le vent tourne à l’Est, devient d’une force énorme, fait battre les voiles contre la mature et a failli tout casser. C’était un beau spectacle que de voir le mouvement qui se fit à l’instant sur le pont, l’officier de quart courant à l’avant du bâtiment, le lieutenant sur le pont et le commandant lui-même ordonna de larguer les écoutes [1]. Un rapide coup de barre nous permit de tourner le dos au vent (en nous dirigeant vers le Nord). Immédiatement on larguait tout hors le grand hunier inférieur duquel on prit un ris, et le petit hunier. Nous nous retournâmes alors peu à peu vers notre direction primitive. Le vent est toujours très violent et souffle par rafales, la mer est très grosse, de gros nuages noirs nous donnent de temps en temps quelques gouttes d’eau. Nous roulons énormément, la marche n’est pas très rapide car le vent est au plus près (il est ESE) et nous nous dirigeons à l’Est. La température avait baissé dès le matin un peu, nous avions 15°C, le soir on était descendu à 13°C. Le vent est très frais et le ciel à l’horizon nuageux.

Mardi 20 mars 1860

Le fort vent d’hier a continué une partie de la nuit, et le roulis a été insupportable et la nuit a été mauvaise pour tout le monde. Ce matin la brise était assez faible, venant de l’Est avec quelques degrés vers le Nord, aussi nous sommes obligés de marcher vers le Nord en prenant le vent au plus près. La marche est en moyenne de 4 à 5 nœuds. Nous roulons encore beaucoup. Cela est du à une forte houle car la mer est presque calme. Le froid était vif ce matin, on en ressentait beaucoup les effets cependant le thermomètre marquait 11°C. Le soir, il marque 12°C. La brise semble s’élever un peu, et tourner peu à peu vers le Nord.

On a marché à la vapeur jusqu’à 4 heures du matin

Mercredi 21 mars 1860

Hier soir la brise au lieu de s’élever, comme je le pensais, est tombée au contraire et à minuit on ne marchait plus du tout. Aussi a-t-on chauffé et la machine s’est mise à fonctionner à 2 heures du matin ce qui fait que la nuit a été assez bruyante et qu’on a généralement peu dormi, peu habitués que l’on est au bruit de la machine et que les préparatifs et le chauffage occasionnent plus de bruit que la marche elle-même. On a marché à la vapeur jusqu’à 4 heures du matin. Pourquoi a-t-on arrêté la machine à cette heure je l’ignore, car ce matin il y a calme complet, la mer est houleuse mais unie comme une glace, la brise et la marche complètement nulles, aussi reste-t-on tout le jour au même point, donc peu importe la direction du bâtiment vu qu’on ne bouge pas. La température était comme hier assez basse 11° à 12°C, le ciel a été nuageux tout le jour et le soleil ne s’est montré un peu que le soir. Le temps reste couvert, mais il n’y a pas eu de pluie jusqu’à présent. On a fait aujourd’hui pour dissiper l’ennui que cause l’indolence du vent la chasse à l’albatros. On en a tué un du premier coup de fusil, mais depuis nul coup n’a porté. On n’a pas été prendre sur l’eau cet albatros, les autres albatros sont venus le flairer et l’ont laissé tranquille, mais les cordonniers se sont jetés sur lui et en ont fait leur pâture, ce cordonnier m’a fait l’effet d’un corbeau s’acharnant sur une charogne. On n’a vu malgré le calme aucun poisson. Ce soir vers six heures la brise s’est levée un peu, on a commencé à filer 1 à 2 nœuds puis peu à peu cette brise a fraîchi et s’est définitivement fixée venant de NNE, elle nous pousse à 10 heures 6,5 nœuds, nous prenons enfin notre direction primitive EEN, car ces jours nous avons été obligés par le vent de faire un peu de Nord.

Jeudi 22 mars 1860

Beau temps, ciel nuageux mais pas de pluie, la brise était bonne, nous avons filé 5 à 6 nœuds, température 11° à 12°C. Orientation EN. La mer est on ne peut plus belle, roulis presque insensible, tangage nul. Bonne brise Nord toute la journée de la même force. On a établi une vergue au mat d’artimon ce qui fait une voile de plus, le bâtiment est ainsi carré. Fête et noce comme on n’en a pas encore vu à bord est-ce à l’occasion de la Saint Emile... On est bien mieux nourris. Rapport excellent avec les officiers du bord.

Jamais on a déployé tant de voiles

Vendredi 23 mars 1860

Le temps a été magnifique la journée des plus belles, soleil brillant et le soir ciel serein les étoiles brillent toutes. La température a été très douce 15°C aussi l’on voit que l’on s’approche des chaleurs. La mer est très belle comme hier, la brise parait assez faible dans la journée et cependant nous filons 6 à 6 ½ nœuds. Le soir la brise fraîchit peu à peu et vers 10 heures nous filons déjà 9 nœuds. Nous nous dirigeons vers le NE, la brise est SO. Rien de nouveau.

Samedi 24 mars 1860

La journée a été belle, on a eu le soleil tout le jour, quelques nuages seulement l’ont obscurci de temps en temps. Ce soir le ciel est assez nuageux depuis 6 heures. La mer est belle, peu de roulis, tangage nul. Le temps est très doux, décidemment les chaleurs approchent, 15°C avant midi, 17°C à midi et 18°C depuis. Nous nous dirigeons vers le NE en avançant à chaque heure d’un degré vers le Nord pour décrire la grande courbe, il s’agit d’aller aboutir à la réunion du 100° de longitude et du 30° de latitude. Jamais on n’avait déployé autant de voiles, les bonnettes sont dehors, le perroquet de fougue [2], le soir on laisse le cacatois et on ne prend pas de ris de chasse. La brise a varié et de force et de direction, généralement du reste elle est SO elle prend du reste plus ou moins de l’arrière, elle nous a fait filer 7 nœuds en moyenne dans la journée, le soir elle a molli un peu on est descendu à 5 nœuds, elle parait cependant à cette heure-ci (10 heures) fraîchir un peu. Bonne marche bonne journée. Encore quelques unes comme cela et nous sommes certains (à peu près) d’une arrivée précoce. On prétend arriver du 15 au 20 avril nous verrons le résultat. Ce soir un verre de punch dans la chambre du second maître mécanicien en l’honneur de la fin des arrêts…

Nous parlons beaucoup de la France

Dimanche 25 mars 1860

Beau temps, température agréable, la même qu’hier, brise douce et favorable, 5 à 6 nœuds dans la journée, 7 à 8 noeuds le soir. Elle vient du NO et nous nous dirigeons vers le NE, la mer est très belle, jamais le bâtiment n’a moins balancé. La voilure est complète on a ajouté une voile au mât d’artimon nommée perruche. La journée s’est passée avec agréable promenade sur le pont avec G… parlant beaucoup de la France surtout de mes bons souvenirs, il a aussi été question de politique, nous avons fait une foule de suppositions bizarres. Jamais je n’ai été plus content et plus heureux dans mes souvenirs qui tout en me rendant un peu mélancolique m’ont donné du contentement.

Lundi 26 mars 1860

Le ciel était nuageux dès le matin, une pluie fine et intermittente a commencé à tomber à 11 heures, à midi elle est tombée assez forte. La température va toujours en augmentant 17° à 18°C. La mer est très belle. La pluie qui a fait tomber la brise a amené aussi le calme, aussi la mer est-elle assez unie. On ne roule guère que le soir. La brise a été NO, 6 nœuds le matin, 4 seulement à partir de midi on est même descendu à 3. Nous nous dirigeons toujours un peu plus vers le Nord.

Mardi 27 mars 1860

Le temps a été très original. Je serai en peine de dire s’il a fait froid ou chaud j’ai éprouvé une sensation de froid par moment le thermomètre marquait néanmoins 17°C. Le temps a été pluvieux, nuageux, serein… Une vraie journée à grains. Plusieurs nous ont atteints, plusieurs ont passé devant ou derrière nous sans nous atteindre. La mer a été belle elle a été agitée, quant au roulis il n’a pas paru, il y a eu quelques beaux coups de tangage. Disons toutefois que dans la journée le temps a été plus calme qu’il n’est ce soir, car la mer parait vouloir s’enfler, et le vent se fâcher. La brise est du SE tantôt forte tantôt faible, la vitesse a été de 6 nœuds en moyenne dans la journée, le soir elle est de 9 nœuds. La journée est à grains comme je l’ai dit, plusieurs menacent en ce moment-ci. Quel sera le résultat final ? Attendons ! Bel arc en ciel dans la journée (à l’Est). J’ai cru au retour du beau temps. La voilure n’a pas été beaucoup diminué, on a encore les grandes voiles (4) huniers (avec ris), perroquet, brigantine, perroquet de fougue…

Encore une journée à grain

Mercredi 28 mars 1860

La journée ne l’a cédé en rien à celle d’hier au point de vue des incidents. Nous avons encore eu une journée à grains, seulement beaucoup plus menaçants que ceux d’hier. Dès le matin la pluie a tombé, pluie abondante, serrée ne cessant qu’à de rares intervalles. A tout instant à l’horizon paraissaient une épaisseur considérable de nuages les plus noirs le vent soufflait par moment avec violence, pas de soleil de tout le jour. Le froid a paru s’être ranimé ou du moins y était-on plus sensible. Le thermomètre marquait 17°C et cependant j’ai remis et les bas de laine et le paletot d’hiver. La mer agitée un peu dans la journée est devenue très grosse ce soir, nous avons peu roulé dans la journée, ce soir il y a fort roulis et beaucoup de tangage. Le vent souffle assez fort mais il est Est et pour l’avoir grand large nous sommes obligés de faire du NE, par suite il ne nous pousse que 5 à 6 nœuds le soir 7 nœuds dans la journée. Whist [3]. En somme mauvaise journée.

Jeudi 29 mars 1860

Ce matin on était vraiment étonné après la journée d’hier de voir un ciel pur et sans nuages, un beau soleil nous chauffer de ses rayons et faire monter la température à 18°C. La mer était assez grosse. Peu de roulis pas de tangage, tandis que ces deux mouvements nous ont tourmenté toute la nuit. Une brise assez forte (Est) souffle, elle nous prend au plus près, car nous allons au NE. Notre vitesse est de 6 à 7 nœuds tout le jour. A 9 heures et ½ l’horizon se charge on craint un fort grain bientôt après il tombe une pluie abondante, le vent cependant n’augmente pas beaucoup de force, ce soir le ciel est assez clair.

Samedi 31 mars 1860

Même temps que les jours derniers, seulement pas de pluie malgré les quelques nuages qui ont passé de temps en temps et qui ce soir sont assez épais et nombreux. La température va en augmentant 22°C et même 24°C. La mer est assez grosse moutonneuse, mais belle cependant, le roulis est assez fort. La même brise qu’hier souffle (ce sont bien les vents alizés). Nous nous dirigeons au NNE avec une vitesse moyenne de 7 nœuds. Rien de nouveau. Bonne journée.

Chaleur forte, nous avons passé le tropique

Dimanche 1er avril 1860

Le temps est toujours très beau, le vent alizé va toujours en augmentant aussi avons-nous une très bonne marche … le roulis et le tangage sont assez forts. La mer est grosse, vitesse moyenne 8 à 9 nœuds. Direction NNE. Chaleur forte 25°C, nous avons passé le tropique aujourd’hui.

Samedi 2 avril 1860

Décidemment nous sommes favorisés. Le temps est de toute beauté par moment quelques nuages filant rapidement nous envoient quelques gouttes de pluie, mais c’est rare et presque constamment on a un beau soleil. Seulement la chaleur est forte, on sue dans le carré mais sur le pont et sur la dunette, une bonne brise bien fraîche nous rend la température (27°C) très supportable. La mer est grosse le roulis et le tangage sont très forts. La brise (alizé SE) continue mais plus forte et nous avons une vitesse de 11 nœuds par moments mais 9 nœuds en moyenne. Nous allons toujours quelques degrés de plus vers le Nord.
On a vu ces jours derniers (j’ai omis de le dire) un oiseau blanc assez joli au bout de la queue duquel est une longue plume, c’est le paille-en-queue [4]. Les poissons volants commencent à reparaître, un est tombé hier soir sur le pont et est resté vivant quelques instants.

Mardi 3 avril 1860

Quelle chaleur mon Dieu ! La nuit a été lourde on a mal dormi on suait à grosses gouttes aussi tout le monde a-t-il eu mauvais réveil. La chaleur lourde a continué le jour (29°C). Journée à grain, une pluie abondante a tombé à plusieurs reprises et a rendu impossible la promenade sur le pont. Sur le pont il fait cependant un vent frais. A peine a-t-on un bon vent il vient de plus en plus de l’Est et mollit jusqu’au soir, ce qui n’empêche pas la mer d’être très grosse, le roulis et le tangage d’être insupportable. On a peu marché la journée a été mauvaise sous tous les rapports. Ce soir on ne file guère que 3 à 4 nœuds aussi en prévision d’un calme les feux ont-il été parés. La pluie battante continue, c’est un vrai poteau noir (pas de point, vu que le soleil était invisible à midi).

Nous mouillons les chemises sans bouger

Jeudi 5 avril 1860

Vraiment c’est à décourager quelle triste journée que celle d’hier et celle d’aujourd’hui. Une chaleur étouffante, un temps lourd, on ne sait réellement pas si l’on est bien éveillé on est dans une espèce d’ivresse on ne mange plus on boit comme des trous et encore l’eau est chaude. On ne peut pas se tenir sur la dunette, car à chaque instant le soleil disparaît et survient une pluie abondante. Dans le carré et surtout la nuit dans les cabines on est réellement au supplice, nous mouillons chemises et effets sans bouger. Journée à grain et qui plus est calme complet, on ne bouge pas de place, on a pas chauffé, on a un roulis insupportable. Jamais on a autant roulé. Que dire ? Depuis que je suis à bord je n’ai pas encore passé d’aussi mauvaise journée, on souffre réellement. Hier et aujourd’hui nous avons avec nos couvertures installé sur la dunette une espèce de tente au moyen de laquelle nous bravons et les ardeurs du soleil et la pluie, nous pouvons là au moyen d’un sommeil réparateur au grand air nous reposer de nos nuits d’insomnie. Barrat en s’amusant avec moi s’est donné un coup à la tête sur la claire-voie [5] il s’est fait une plaie assez large qui a saigné beaucoup ; le sabord ayant été ouvert j’ai embarqué de l’eau.

Samedi 7 avril 1860

Je dirai de la journée d’hier et de celle d’aujourd’hui ce que j’ai dit des 2 précédentes, c’est-à-dire qu’elles sont insupportables, vraies journées de souffrance. On ne mange plus on ne fait que suer et boire. On a allumé les feux hier on marche donc à la vapeur mais à peine 4 nœuds contrariés que nous sommes par une houle des plus fortes et aussi par un vent debout. Dès ce matin on apercevait à l’horizon la terre, c’est l’île Christmas [6]. Cette île parait assez grande on en a passé près, on la dit inhabitée. Nous l’avons laissé à notre ouest ce qui fait que nous avons été obligés de prendre une direction NE. Nous perdons cette île de vue le soir seulement et cela à cause de l’obscurité et non de l’éloignement. Un assez grand nombre d’oiseaux nouveaux nous entourent, ce sont des frégates, oiseau de grosseur moyenne assez joli, noir, ils voltigent autour du bâtiment. On a envoyé un mousse au sommet du grand mât (à la girouette) dans le but de les attirer avec du pain et de les prendre. C’est le moyen généralement employé, nous n’avons pas réussi, mais nous avons pu nous convaincre que ce moyen était très praticable et devait réussir souvent…

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Sources :

  • Archives familiales.
  • L’Univers Illustré (1860).

[1Manoeuvre courante servant à orienter et régler les voiles par rapport au vent.

[2Le perroquet de fougue est envergué sur le mât qui surmonte le mât d’artimon.

[3Jeu de cartes, d’origine britannique, ancêtre du bridge.

[4Nom usuel des oiseaux du genre phaéton.

[5Petite galerie ajourée surmontant une ouverture du pont.

[6Île isolée de l’océan indien au sud de Java dépendant de l’Australie, 3200 habitants, gisement de phosphates.

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