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Baies, linteaux et voussures... (6e épisode)

A la recherche du Nombre d’Or

Le jeudi 26 mars 2009, par Jacques Auguste Colin †

"On est toujours satisfait quand une quantité discrète quelconque peut être sentie comme un commun dénominateur de plusieurs autres quantités de même espèce dans un ensemble soumis à notre appréciation esthétique." (Critique des "pythagoriciens" dans EMH99 - La proportion)

Avertissement

Dans toute œuvre en gestation, en cours d’édification, ou finie, les constituants graphiques ont entre eux des rapports plus ou moins perceptibles, plus ou moins mesurables. Ce sont ces rapports qui en général définissent l’esthétique personnelle de l’artiste ou du constructeur.

Cet article n’est donc que la transcription de réflexions et d’études personnelles sur une proportion particulière que les mathématiciens modernes appellent "Nombre d’Or" (1,618…), mais que les artistes et bâtisseurs du Moyen âge et de l’antiquité ne pouvaient pas connaître sous cette écriture...

Je me parle donc à moi-même, sans prétention d’ « enseignement ! », mais plutôt d’incitation à la réflexion artistique. Je crois sincèrement que ceux des lecteurs qui accepteront de me suivre, trouveront ici matière à approfondir leur connaissance des Arts et manières de construire de nos ancêtres.

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Peinture de l’auteur réglée
intuitivement sur la "section dorée
" La tuilerie à l’heure du serein - collection J.Vinot - Géanges FRA.

Ce texte ne doit pas grand chose aux innombrables ouvrages modernes consacrés au nombre d’or. C’est la relation d’une longue réflexion de l’auteur, ancien projeteur et maître d’œuvre du Bâtiment, instruit de la science du "TRAIT" et de la géométrie euclidienne des "Compagnons Bâtisseurs".

Ayant choisi d’être "peintre" dans les années 70, il se passionne pour l’étude des rapports entre parties de l’œuvre et notamment pour cette "Divine proportion" chère aux artistes de la Renaissance...

La plupart des auteurs modernes font remonter la connaissance du "Nombre d’Or" à la plus haute antiquité. D’autres récemment convertis, artistes, créateurs ou architectes contemporains en ont fait la base et la règle ultime de leurs compositions artistiques (Seurat, Sérusier, Mondrian...) souvent d’ailleurs, en seule raison de considérations esthétiques de la proportion qu’il exprime, ou comme module de construction "à priori" (Le Corbusier...).

Nombre d’or et divine proportion

Léger rappel pour les non-matheux :

  • A : Quand on compare deux grandeurs entre elles, par exemple : Hauteur/ largeur, on se trouve en face d’un « rapport », qu’on écrit : H/l.
  • B : Quand on compare, entre eux, deux « rapports », par exemple : H/l= S/s on se trouve en présence d’une « Proportion ».
  • C : Quand les nombres correspondants sont des entiers, la résolution arithmétique de cette proportion, est généralement simple et intuitive. Par exemple, de : 2/1= 8S/4 on déduit facilement que S=1.

En fait, il me semble que pour les temps antérieurs au XIVe siècle, on ne devrait jamais parler de "Nombre d’or" car les anciens bâtisseurs ou maîtres d’œuvre, de l’Antiquité grecque ou égyptienne à notre Haut Moyen-Âge, ne connaissaient ni le zéro "0", ni la numération de position (la virgule), ni l’algèbre et le système décimal...

Les calculs se faisaient alors par le groupement d’unités de même nature et les RAPPORTS simples entre ces groupes. La formulation (1,618033989...) ne pouvait donc avoir de signification pour un maître d’œuvre médiéval et encore moins pour le génial concepteur égyptien des Pyramides de Gizeh (vers 2500 avant notre ère).

En réalité, ce nombre irrationnel (1,618...) est une des deux racines algébriques de la proportion suivante :

  • A / m = (A+m) / A,
  • soit A²= m2+ A
  • soit si m=1 >>>>>>> A²= A+1 >>> A²- A-1 = 0

que l’on peut décrire sans terme mathématique de la manière suivante :

Cette proportion existe quand, entre deux quantités différentes de même nature, le rapport de la plus grande à la plus petite est égal au rapport de la somme des deux à la plus grande.

Je n’ai pas trouvé de définition plus simple pour ce que j’appelle :improprement : "un serpent qui se mord la queue..."

Nombre d’or et pyramides

On sait que le concepteur d’une des pyramides égyptiennes (3000 à 2500 ans avant notre ère) était toujours un Grand Prêtre [1] proche du pouvoir pharaonique, instruit jalousement de la première science des hommes : l’astronomie de nature religieuse (les astres sont des dieux ou des messagers des dieux...) et par conséquent de la trigonométrie, comparaison des rapports entre angles d’un trigone inscrit dans le cercle de l’univers... ou à la surface de la Terre.

Il est tentant d’imaginer que la base de ce raisonnement était le cercle (symbole du dieu soleil Rê) régnant sur le carré circonscrit (Ge : la Terre), figure géométrique à leurs yeux parfaite, ensemble duquel pouvaient se décliner, avec simple règle et compas, tous les autres polygones réguliers...

On peut donc croire que par commodité, ils accordaient au demi-côté de ce carré, Rayon du cercle, le statut de longueur unité, ayant pour valeur modulaire : 1.

C’était suffisant pour tracer à la règle et au compas, sur des tablettes d’argile ou sur un sol aplani, les épures les plus élaborées, projets d’ouvrages de grande harmonie, comme dans les exemples ci-dessous :

Pour qui possède un peu d’esprit de géométrie, on se rend compte facilement qu’en jouant avec une simple règle et compas sur un morceau de papyrus, le descendant du célèbre Ihmotep, inventeur des pyramides comme tombeau de leur dieu et maître Pharaon, avait sous les yeux, cette « proportion divine », digne étalon modulaire pour l’édification du tombeau commandé par Pharaon Kéops…

Nul besoin de savants calculs.

Nous verrons plus loin, par jeu, comment cette construction plane a pu, en toute hypothèse, induire les proportions des pyramides de Gizeh...

Pyramide et nombre d’or

Ayant lu quelque part [2] que selon Hérodote, voyageur et historien antique, dans la grande pyramide de Chéops : "l’aire du carré construit sur la hauteur était égale à l’aire d’une des faces triangulaires isocèles" , j’entrepris de vérifier le fait, à la lumière des dimensions rapportées dans différents ouvrages traitant des constructions égyptiennes [3]. Ce que j’appelle improprement le "postulat d’Hérodote" fut entièrement vérifié ( les calculs sont relativement simples... ) [4] je constatai alors avec émerveillement que :

Toutes les dimensions du volume constitué par la pyramide sont liés à cette proportion A / m = ( A+m ) / A dont la résolution est aujourd’hui appelée Nombre d’or, et que les mathématiciens modernes utilisent sous le symbole : Ø ( Phi) [5].

C’est avec une certaine fièvre que j’entrepris de rechercher comment et par quel raisonnement, avec une simple règle et un compas, et ses connaissances géométriques de l’époque, un bâtisseur du Moyen Empire avait pu en arriver à la conception de ces merveilles d’harmonie que sont les pyramides de Giseh, semblables, quelle que soit leur taille, à la plus grande : Khéops [6].

En partant de la figure élémentaire précédente : un carré quelconque dont le côté serait le module valant 1 dans le calcul, simple, des différents rapports des figures obtenues.

Attention : Je ne saurais prétendre apporter quoi que ce soit à la connaissance de quiconque.. : Essayer de rejoindre en esprit des bâtisseurs de génie mais dont la science mathématique n’excédait pas celle d’un actuel élève de 3e et par ricochet rencontrer ceux du moyen âge, non mieux armés, édifiant les merveilleuses églises romanes, ce n’est qu’un jeu auquel je convie les amoureux de la beauté et de l’harmonie :

A vos règles, crayons et compas :

Sans rien d’autre qu’une règle et un compas, construisez votre reproduction exacte de la pyramide de Khéops.

Suivez bien le guide...

Avec quelques soins, un peu de colle et de gouache assortie, vous obtiendrez sans instrument de mesure cette reproduction parfaite de la fameuse pyramide... [7].

Et plus tard :

Lorsque vous sentirez le coup de blues venir
Et le cafard maudit soudain vous envahir
Quand tout à coup le monde paraîtra si noir
Qu’il ne laisse la place au plus petit espoir
Et si le stress un jour vous plonge dans l’ennui
À ce point de vous croire au milieu de la nuit,
Désespéré de tout et des dieux et des hommes
Du rouleau de la vie étant au bout, en somme :
.................................

Posez sur le bureau cette forme si pure,
Oubliez un instant toutes vos meurtrissures
Dans une ombre propice à la méditation
Rejoignez en esprit les générations
De bâtisseurs géniaux qui, sans ordinateurs,
Avec règle et cordeau, et le divin au cœur
Ont créé ces merveilles que l’on voit encor...
Et votre âme apaisée, parmi mille rapports
Rencontrera le "nombre d’or"


Tournus 29 février 2004 - JAC
Recomposé, dessiné en décembre 2008 par J.A. Colin pour www.histoire-genealogie.com


[1Le plus célèbre étant un certain Ihmmotep, concepteur des premières pyramides a degrés du Moyen Empire.

[2Selon Hérodote (vers 400 av. J.C.) dans "Le nombre d’or" de Marius Cleyet-Michaud, dans la collection "Que sais-je" (P.U.F.). Si l’anecdote est vraie, il est exclu que l’historien ait pu apprendre cette particularité, autrement que par des contacts avec les seuls « Grands Initiés » proche du pouvoir. La mesure sur le terrain etait impossible !

[3Entre autres, avec le précédent : "Les constructions du génie humain" Ed. Reader Digest.

[4Ce n’est pas ici le lieu d’exposer ces calculs mais je les tiens à la disposition de toute personne intéressée.

[5- a) La conformité à cette condition justifie la forme des pyramides, mais non le choix de leurs dimensions et orientation unique. (étoile polaire).

  • b) Une infinité de pyramides semblables répond à ces conditions, comme en témoigne la similitude de forme de toutes les pyramides de Giseh.
  • c) D’autre part il est important de noter que cette démonstration mathématique aurait été inconcevable pour un architecte égyptien, qui ne pouvait raisonner que sur des rapports entre nombres entiers, (par exemple 8/5 ou 13/8 ou encore 21/13 ou 34/21 peu différents de Ø ) la notion de nombre irrationnel et l’algèbre lui étant étrangères bien que pressentie.
  • d) D’autres rapports de dimensions, mystérieux ou remarquables ont été trouvés, qu’on n’abordera pas ici...

[6En réalité avec de très légères différences semblant résulter de l’imprécision des instruments de mesures de l’époque...

[7Si vous donnez au côté de votre grand carré une valeur sous-multiple de 440 (par exemple 22cm…), votre réalisation sera exactement à l’échelle choisie, (1/2000 dans notre exemple).

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13 Messages

  • Baies, linteaux et voussures... petit complément 28 mars 2009 08:33, par TUDEAU

    bonjour,
    je m’ y intéresse depuis quelque temps.
    de bons exemples et une formulation mathématique correcte sont ici :

    http://trucsmaths.free.fr/nombre_d_or.htm#historique

    merci pour votre article et votre tableau,
    Cordialement,
    Marc

    Répondre à ce message

    • Baies, linteaux et voussures... petit complément 28 mars 2009 14:47, par pierre 361

      Bonjour
      Je me demande depuis longtemps comment mon grand-père né en 1882 et de niveau certificat d’études pouvait ainsi tracer et réaliser des escaliers, domaine où il était réputé.
      De ses outils j’ai récupéré equerres et compas et un ouvrage en trois langues intitulé , point ! Je suppose que de son apprentissage de mécanicien en machines agricoles, il avait eu un patron formé à ce genre d’exercice.

      Répondre à ce message

    • Baies, linteaux et voussures... petit complément 3 avril 2009 19:05, par J.A.COLIN

      Bonjour,Marc

      Merci pour cet excellent état condensé des connaissances à ce jour. Un bon point de départ pour la recherche inépuisable sur ce nombre mythique..!

      Site à conseiller

      Amicales salutations-
      J.A.colin

      Répondre à ce message

  • Baies, linteaux et voussures... (5e et dernière partie) 28 mars 2009 10:09, par Max Vandermarlière, Tailleur de Pierre

    Bonjour
    On trouve le nombre d’or partout dans la nature : la structure des os de la main, les rapports entre branches successives de nombreuses plantes, notamment les ombelles, dans la disposition des grains de tournesol,... ; à cela pratiquement pas de mystère : si on pose comme postulat que la nature et les êtres vivants cherchent à se développer au maximum avec une énergie minimum, on peut penser qu’il y a un facteur de croissance à peu près identique pour tous et on s’aperçoit qu’il s’agit encore et toujours de ce divin et foutu nombre d’or. Incontournable.

    La fameuse suite de Fibonacci (exposée dans le lien de Marc)est la seule suite mathématique dont la raison (le mode de croissance) est à la fois arithmétique (addition) et géométrique (multiplication).

    Répondre à ce message

    • Attention tout de même de ne pas voir des nombres d’or partout ... En fait, l’œil du citoyen moyen, non entraîné, ne voit guère de différence entre des rapports allant de racine de 2 (1,414) à 2 : un rectangle dont le rapport longueur/largeur est inférieur à racine de 2 est perçu presque comme un carré et si ce rapport est supérieur à 2, il est perçu comme un rectangle long inesthétique. Entre les deux, tout paraît harmonique et certains n’hésitent donc pas à étendre la notion de nombre d’or à toute valeur entre ces extrêmes. Ainsi le format télé 16 / 9 = 1,777 sera considéré comme nombre d’or.
      Évidemment, je suis conscient que ma réflexion pourrait détruire le si bel ésotérisme associé à ce nombre magique qui nous vient de la nuit des temps ... mais dénoncer les abus n’empêche pas d’apprécier la haute valeur symbolique de ce nombre.

      Répondre à ce message

  • Baies, linteaux et voussures... (5e et dernière partie) 28 mars 2009 12:14, par JC.Berthelier

    bonjour,
    dans l’esprit de cette étude, je suggère la lecture du livre de Jean-Paul LEMONDE
    "Le code de Cluny" et le tracé de l’Apocalypse.
    editions Dervy brd Raspail Paris 14e

    Répondre à ce message

  • Baies, linteaux et voussures... (5e et dernière partie) 28 mars 2009 18:48, par Françoise Leroy, ancien maître de conférences à l’Université de Paris I.

    Monsieur,
    J’ai lu avec intérêt votre article dont j’apprécie la clarté et la réserve. Mais, je crois que le rapport que l’on traduit par l’expression "nombre d’or" n’était pas le seul rapport utilisé pour la construction au Moyen Age. En effet, le rapport V2 servait également en architecture ainsi qu’en menuiserie, et peut-être aussi en peinture. J’ai soutenu ma thèse en histoire de l’art sur ce sujet (Paris I, 1991) : je n’ai pas trouvé le nombre d’or comme système permettant la construction harmonieuse des polyptyques siennois du XIVe siècle ; en revanche, la relation entre le côté du carré et sa diagonale a été systématiquement utilisé par les artisans pour trouver rapidement et à coup sûr les dimensions permettant l’assemblage rigoureux des nombreux volets les composant.

    Je n’ai jamais eu la possibilité de publier en détail cette manière de faire, mais j’en ai donné un exemple dans un QSJ ? dont je suis l’auteur, sur la "Peinture italienne du moyen âge". Il semble que les sculpteurs utilisaient aussi cette relation particulière unissant le côté et la diagonale du carré.

    Bien à vous,

    Françoise Leroy

    Répondre à ce message

    • Baies, linteaux et voussures... (5e et dernière partie) 29 mars 2009 00:38, par Jacque Auguste Colin

      Cher Maître
      je souscris totalement à vos observations comme à celles de la plupart des intervenants qui précédent, que je salue en même temps.

      Je vous remercie d’avoir compris que mon essai n’était que la transcription de la rèverie poètique d’un bâtisseur amateur, adepte du compas et de l’équerre, et, (un peu tout de même..!) nourri des "Eléménts d’Euclide" et des développements mathématiques de la Renaissance...

      Pour ce qui est du rapport K = 1/racine² 2 je vous renvoie à l’article précédent "Petite contribution....Salle Capitulaire" dont je signale l’implantation au cordeau par ce rapport que j’appelle d’ "harmonie". Par ailleurs dans le deuxième article de la série je fais état de la sorte de parenté entre les rapports visuels et les rappors musicaux...tierce, quarte, quinte justes...etc. ce qui est encore à démontrer...

      Ne m’en veuillez pas de n’avoir fait aucune référence livresque dans cet essai ; La littérature sur le sujet est surabondante, parfois conflictuelle, et j’ai limité mon ambition à l’indication de quelques pistes de reflexion
      pour les amateurs d’Art, issues de ma modeste expérience personnelle.

      Si la direction de Histoire Généalogie Magazine l’accepte, il y aura prochaînement une sixième partie à cette série

      Voir en ligne : http://pages-perso.orange.fr/jacque...

      Répondre à ce message

  • Baies, linteaux et voussures... (5e et dernière partie) 29 mars 2009 13:43, par Christian Dupin de Saint Cyr

    Permettez-moi de rétablir la vérité en ce qui concerne vos calculs sur les pyramides. Il serait temps qu’enfin les conditions de la construction de ces monuments soient rétablies.
    Pharaon se grattait le pschent, signe pensif et révélateur de son état de réflexion.
    Dieu sans doute, mais tout du moins homme réfléchi et si penché sur son passé qu’il se demandait parfois quel en serait l’avenir.
    Les guerres qu’il avait subies et surtout celles qu’il conduirait peut-être n’ajoutant plus rien à sa gloire, il était grand temps de s’occuper de son tombeau.
    Passons sur les réflexions qui l’animèrent, toujours est–il qu´il se réveilla un matin sûr de lui et dominateur et bien décidé surtout à posséder ou à être possédé par un caveau particulier à sa mesure. Quelque chose de simple mais de grandiose. Pas la peine d’être pharaon pour finir dans un trou visité par les chacals. Encore que ce cher Anubis, quoiqu’il n’en eut que la tête pouvait passer, mais en tout état de cause, il fallait un endroit décent où le recevoir.
    Nul ne fermerait la porte à une visite d’Anubis encore fallait-il qu’il fût reçu selon son rang.
    Simplement pour dire les choses, Pharaon, voulait un tombeau.
    Pas une tombe, un tas de cailloux mal posés.
    Quelque chose qui marque les générations futures au point que quarante siècles après, un général puisse dire à ses troupes : « j’y étais et elle vous contemple. »
    Comme qui dirait, mais moins poliment : « on en a chié un coup, les gamins mais on l’a fait et on est là », c’était ainsi qu’il finissait ses discours.
    Pas Pharaon, le général.
    Le lendemain, le général en question, se foutait le camp, c’est une autre histoire.
    « Je veux un mausolée » dit Pharaon.
    Le premier problème, inattendu pour Pharaon lui-même était que pour construire un mausolée, il fallait que le mot existât ………. Ou alors éventuellement attendre la mort du roi Mausole…
    Seulement celui-ci ne se portait pas si mal, à ceci près qu’il n’était pas né encore.
    Certes, l’on craignait quelques affections du côté des bronches, mais comme celles-ci n’affectaient, du moins sérieusement, que les vivants, Mausole non encore « in utero » en était préservé et son mausolée restait en puissance seulement.
    Pharaon, un peu déçu quand même, réunit donc un tas de prêtres et de voyous titrés et leur dit.
    « Je veux un tombeau à ma gloire » Le ton sur lequel il le dit laissait à tous le soin de mesurer l’imprudence d’évaluer sa gloire à l’aune d’une économie de boutiquier, et aujourd’hui encore, j’hésiterais à le faire.
    « Pas question d’une croix, pas question d’un croissant, pas question d’une étoile sur ce tombeau. Je veux quelque chose de neuf, quelque chose d’imposant, pas une tombe d’épicier, au moins un parallélépipède rectangle…. ».
    Si vous aviez vu la tête des assistants……Il semblerait même que deux ou trois d’entre eux se seraient regardés interrogatifs car les dimensions que semblait indiquer le pharaon étaient considérables.
    Songez qu’aujourd’hui avec les moyens actuels, un mètre fait environ deux coudées de l’époque.
    A l’époque donc, le nombre de coudées envisagé par Pharaon était impressionnant, invraisemblable, voire même pharaonique.
    D’autant plus démentiel dans ses dimensions qu’il s’agissait d’un parallélépipède rectangle de base carrée. En d’autres termes la longueur, la largeur et la hauteur étaient les mêmes ….
    Eut-il voulu étonner ses interlocuteurs, Pharaon ne s’y serait pas mieux pris.
    Un tombeau en forme de dé, lui paraissait raisonnable à la condition qu’il fut grand, énorme, monumental et simple tout à la fois.
    Jamais il n’eut accepté une vulgaire mastaba de cailloux brûlés comme l’avaient fait ses prédécesseurs.
    Un énorme dé, recouvert de marbre blanc, soigneusement poli journellement au blanc d’Espagne, lui paraissait à la fois simple, digne et sans ostentation.
    Anubis lui-même n’y trouverait rien à dire.
    Encore fallait-il trouver un architecte.
    Pharaon, voulait promouvoir les jeunes talents mais néanmoins conserver un certain classicisme bien que son projet fut très révolutionnaire.
    Un dé blanc, parfait somptueusement poli constitué de blocs de pierre ajustés au millimètre, millimètre de coudée s’entend, quoique cela soit moins précis, il faut le faire.
    Trouver un architecte, restait donc une gageure.
    Par hasard, puisque celui-ci fait parfois bien les choses, Pharaon qui passait devant la maison de son scribe préféré, Putiphar, vit sortir, poussé dehors par les serviteurs, un jeune homme frêle, qui tenait dans les bras et plus encore sur son cœur des rouleaux de papyrus.
    Pharaon n’était pas un cœur tendre mais il lut dans les yeux de ce jeune homme un tel désarroi qu’il fit arrêter sa litière pour lui demander ce qu’il se passait.
    Imoteph, car il faut bien appeler ainsi les gens par leur nom quand bien même cela déflorerait-il le suspens à venir de savoir déjà qu’il s’agissait de lui. Imoteph donc qui ne savait pas à qui il parlait, lui dit que n’ayant pu payer Monsieur Putiphar avec des espèces sonnantes et trébuchantes et se trouvant de même démuni pour répondre aux désirs de son épouse, il était, comme l’on dit vulgairement : « foutu à la porte ».
    Imoteph était alors un jeune homme malingre, passant ses jours et ses nuits sur des algorithmes, des inconnues, ou des modèles mathématiques dont le sujet dépassait de loin la vertu de Madame Putiphar. A la décharge de celle-ci, il faut reconnaître quelle avait cru de bonne foi auparavant trouver dans un jeune homme vigoureux, nommé Joseph, un partenaire à la taille des désirs que Monsieur Putiphar ne comblait plus. Mais Joseph, douzième d’une fratrie un peu brutale, puisqu’il avait fallu que tous ses frères aînés se liguassent contre lui pour l’enfermer dans une citerne afin de protéger le troupeau, n’avait jamais pu abandonner ses chèvres. Autrement dit ce n’était pas une demi-mesure que ce Joseph. Malheureusement pour Madame Putiphar, les goûts de Joseph étaient éloignés de ses appétits.
    De ce fait notre malheureux Imoteph était livré à la voracité de celle qui l’avait recueilli, disons le, pour être honnête, sans aucune arrière pensée, quand il avait 5 ans. Seulement, il avait grandi, et les arrières pensées, comme les cinq ans s’étaient envolées tandis qu’en apparaissaient d’autres avec les dix huit ou vingt ans d’Imoteph. Aujourd’hui, elle enrageait surtout après l’épisode de Joseph et de son troupeau de n’avoir chez elle que ce gamin malingre plongé dans des calculs et des dessins.Elle l’avait donc mis dehors reportant ses espoirs sur un jeune garçon, presque un nourrisson qu’une servante avait sauvé des eaux alors qu’il flottait sur le Nil. Consciente néanmoins qu’il lui faudrait attendre et sure qu’elle n’en ferait ni un chevrier ni un architecte car le nourrisson semblait vigoureux et vif et, déshabillé, plein d’espérance.
    Quelle idée saisie Pharaon ? Est-ce son Père qui l’inspira ? On le dit.
    Quand on n’est pas dieu soit même il est difficile de se mettre à la place des autres et je ne saurais le faire.
    Pharaon lui fit signe de monter. Il n’était pas si lourd, ses papyrus ne pesaient guère et les porteurs étaient vigoureux. Ne me demandez pas ce qu’il fut dit. Une heure après, le rose aux joues, Imoteph descendait de la litière.
    C’est par erreur que j’ai écrit Imoteph descendait de la litière. C’est Immoteph avec deux m que je devais écrire maintenant.
    Tous les architectes à l’époque avaient un nom Imoteph.
    En fin linguiste qu’il était, Pharaon avait adorné d’un m supplémentaire le nom de son protégé. Fin linguiste car nul ne savait mieux que lui comment un malencontreux coup de marteau peut conduire à refaire un obélisque. Donc ce m supplémentaire était là comme une promotion, il signifiait qu’Immoteph était devenu ainsi l’architecte du Pharaon. Il suffit d’une lettre.
    Pas de n’importe quelle lettre sans doute puisque nulle ne donne cette impression de majesté comme le « m ». Supposons en effet que majesté, majestueux, magnifique, se fussent écrits avec un P ou un D, ou encore n’importe quelle lettre. Quelle allure aurait celui à qui le terme s’adresse ? Je n’ose penser à celui qui serait affublé du terme pajestueux ou rajestueux ou gagnifique. Quelle considération pourrait-il alors obtenir de ses concitoyens ?
    Dire que Immoteph, que Madame Putiphar avait ridiculisé pendant des semaines n’a pas eu la grosse tête après ce « m » aussi inattendu qu’imposant, serait mentir.
    Il en eut même une gloriole qui, comme nous le verrons, le conduisit à des erreurs d’appréciation qui faillirent lui coûter la tête et disons le franchement la lui eussent coûté s’il n’avait pas trouvé en Pharaon un Mécène, quoique celui-ci ne fut pas encore né non plus, un homme possédant un sens artistique et novateur surprenant pour son époque.
    Immoteph se mit donc au travail, pour réaliser un parallélépipède rectangle d’environ 438,095238 coudées égyptiennes, sans compter l’épaisseur des joints et interstices permettant d’arriver précisément à 440 coudées. Immoteph, toujours lui, estima qu’il lui faudrait 19 ans et 242 jours pour réaliser son projet. Les 242 jours correspondants exactement au temps de gestation du chameau et de celui de la femme égyptienne. A vrai dire, il ne connaissait pas de femme d’autre pays ni même de chameau et bibliquement aucune. Prudent, il arrondit à 20 ans avec 200 000 personnes le temps de la confection de l’ensemble ainsi que la création des parcs et jardins de l’environnement. Parmi ces 200 000 personnes, 5 % étaient des cuisiniers, il fallait bien nourrir ce monde. 1 % des médecins, les grippes étaient rares, les rhumes aussi et les coups de fouet remplaçaient avantageusement les arrêts de travail, donc ils n’intervenaient que rarement. Des fonctionnaires et des prêtres, 10 %, soit au total 16 % d’improductifs. Temps bénis qui lui laissaient quand même 168 000 travailleurs ……………..
    Tout fier de ses calculs, il courut demander audience à Pharaon afin que celui-ci voulût bien agréer son plan.
    Je l’ai déjà dit, fusse à coups de burins, Pharaon était plus littéraire que mathématicien, il le savait et fit confiance aux calculs d’Immoteph d’autant plus facilement que la règle de Troie n’était pas inventée.
    Ceci n’est pas une faute d’orthographe mais juste une digression, pour une fois on peut bien en faire une.
    Par un abus de langage l’on a traduit Règle de Troie par Règle de trois, comme si le chiffre trois avait quelque chose à voir dans ce terme. En réalité, à Troie, mais beaucoup plus tard puisque, comme cela été dit la règle n’était pas encore inventée à l’époque dont nous parlons, il existait un instrument de mesure destiné essentiellement aux musiciens qui, comme chacun le sait, jouaient des valses à trois temps. Lorsqu’ Hélène chante « on m’appelle Hélène la blonde …. », lorsque Pâris chante « ce n’est qu’un rêve … » qu’est ce d’autre que des valses à trois temps ?
    La question était alors à Troie : « si pendant une heure, j’ai dansé la valse, combien aurai-je dansé de temps ? Certains faisaient des calculs mais les plus malins disaient une heure ».
    D’où cette expression de « Règle de Troie ».
    Revenons donc à l’Histoire.
    En deux temps, trois mouvements, les 200 000 participants furent trouvés, réunis. L’on mit tout le monde au travail, sauf bien sûr les fonctionnaires et les curés ce qui faisait quand même beaucoup de monde.
    Dire que le chantier avançait prêterait à rire, il avançait même si vite que de mauvaises langues disaient qu’Immoteph voulait vite enterrer Pharaon..
    Cette allégation était dépourvue de sens et l’on s’en aperçut bien vite lorsque des ouvriers du départ de 168 000, il n’en restât plus au bout de l’an que 159 600 car 5 % étaient morts en chemin ou au mieux tout à fait inutilisables.
    Que faire ? Rester sur cette idée de parallélépipède à base carrée et en prenant en compte la fuite des jours et la mort du temps, prendre le risque de ne finir jamais ou au contraire tenir compte des impératifs.
    Immoteph choisit de tenir compte des impérieux éléments qui restreignaient les temps de travail par la disparition des ouvriers. Donc il réduisit d’autant la longueur et la largeur de l’étage supérieur puisque l’une étant la même que l’autre, de toute façon, le résultat était identique, et réciproquement.
    L’année suivante, il en fut de même et 8 400 ouvriers périrent, l’année d’après aussi, et je me tairai sur celles qui suivirent.
    Clair que si Pharaon venait, il serait difficile de lui dissimuler que son parallélépipède rectangle à base carrée se transformait chaque jour en tronc de pyramide.
    Difficile mais c’est un peu ce qui sauva notre, maintenant ami, Immoteph.
    Certes, le parallélépipède rectangle à base carrée était difficile à justifier mais nul encore n’avait vu un tronc de pyramide et chacun se doutait qu’en continuant ainsi, jusque en haut, on pouvait même obtenir une pyramide entière, toujours à base carrée mais tout aussi imposante qu’un autre monument.
    Pharaon vint donc enfin un jour et dans son premier courroux divin pensa un instant à la décollation d’Immoteph.
    Seulement, fin lettré, nous l’avons dit, amoureux des arts et des lettres, soucieux aussi de laisser aux quarante premiers siècles d’abord puis ensuite aux suivants un éternel message à sa gloire, il l’invitât à une collation.
    Je ne m’avancerai pas jusqu’à dire qu’elle fût un moment heureux pour Immoteph.
    Certes ce n’était ni une Croix, ni une Etoile, ni un Croissant mais ce n’était pas non plus le parallélépipède rectangle à base carrée souhaité. Reconnaissons-le
    Toutefois déjà des pèlerins en foule venaient au pied de ce futur tombeau se recueillir en prenant des postures énigmatiques, ce qui faisait marcher le commerce.
    Pourtant Pharaon n’était pas pleinement heureux il y tenait diablement à son parallélépipède rectangle à base carrée et enrageait qu’Immoteph se fut ainsi trompé. Aussi l’une des autres raisons de sa clémence, je veux bien le croire mais sans certitude, serait qu’il eut l’illumination que non seulement Immoteph était un grand architecte mais aussi le premier sociologue du monde. Il avait découvert et expérimenté à la fois l’existence et la réalité de la pyramide des âges.
    Sentiment fugace, mais néanmoins heureux puisqu’il sauva la vie provisoirement à Immoteph. Ce ne fut que provisoire hélas car celui ci est mort au jour où nous écrivons dans des circonstances que notre respect de la vérité et notre ignorance interdisent de rappeler.
    Plusieurs années plus tard Immoteph, le dernier moellon posé regardait pourtant son œuvre appuyé sur l’épaule de son dernier ouvrier avec le sentiment d’une réussite tandis qu’au fond de son tombeau reposait Pharaon attendant Anubis.

    Cette communication remet sans doute en cause tant de connaissances oubliées mais néanmoins admises que vous en êtes peut être troublés. Rassurez vous, je vous expliquerai un jour comment la guerre de cent ans a pris fin en raison de l’âge des protagonistes.

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  • Baies, linteaux et voussures... (5e et dernière partie) 1er avril 2009 05:15, par claire Laforest

    J’AI ADORÉ VOUS LIRE ,
    JE ME SENS ENRICHIE,
    JE SUIS DESCENDANTE DES GRANDS BÂTISSEURS , ET J’AI APPRIS À BATIR UN SIMPLE MUR AVEC UNE RÈGLE , UN COMPAS ET UN FIL À PLOMB , AUJOURD’HUI , JE SCULTE LA PIERRE ET MA VIE PREND UNE AUTRE DIMENSION . MERCI

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