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L’officier de santé et le médecin dans la Beauce d’Aubin Denizet au XIXe siècle

Le jeudi 17 janvier 2019, par Alain Denizet

Avant d’écrire ce livre – dont la réédition est présentée par la Revue Française de Généalogie d’octobre-novembre 2018 [1] - j’ai d’abord reconstitué la généalogie d’Aubin, listé ses relations familiales et de voisinage. La connaissance de ses familiers était la garantie de sélectionner par la suite, les évènements et les affaires qu’il avait eu le plus de chance de connaître à leur contact. Les articles précédents évoquaient les disputes de voisinage, les violences conjugales et l’enfance d’Aubin marquée par les guerres napoléoniennes. Après les maîtresses de ferme, les domestiques et les journaliers, nous abordons dans une série de portraits, les notables du village. Nous avons, les semaines précédentes, décrit le rôle du curé et de l’instituteur. Intéressons nous aujourd’hui à celui de l’officier de santé et du médecin.

Dans la Beauce du premier XIXe siècle, le médecin est rare [2]. Le canton de Voves n’en a aucun et se contente de deux officiers de santé. C’est donc avec une certaine surprise que l’historien découvre les sommes dues pour « derniers soins » : évalués en travail, elles correspondent à plusieurs mois de gages d’un domestique et montrent que le recours aux hommes de l’art ne relève pas de l’exception.

Les frais de « dernière maladie » d’Aubin, paysan aisé, atteignent 100 francs. Mais le recours au médecin concerne aussi les petits revenus. En 1823, son voisin, le journalier Pichart, laisse une ardoise identique. Ces dépenses entrent dans un système d’échanges. Raimbert, de Viabon, doit 189 francs « pour soins et médicaments » à Laronde, l’officier de santé d’Ymonville, mais il affirme que ce dernier est son débiteur pour « loyers de chevaux de 1846 à 1849, fournitures de vesce et de sainfoin et raccommodage d’un fusil » ; c’est aussi « 8 francs pour journée et pâtisserie » qu’entend retrancher le journalier Brûlé des 32 francs dus au même Laronde [3]. Ces montants élevés suggèrent qu’ils couvrent des soins dispensés pour plusieurs personnes, sur plusieurs mois.

Nuançons l’appel au médecin : on le fait surtout en dernier recours. Il est loin [4], il coûte cher, ses mots sont savants et ses ordonnances sont illisibles…. C’est pourquoi, souvent, on lui préfère des « praticiens » locaux parlant la même langue et appartenant au même univers mental.

Ainsi à Viabon, le village d’enfance d’Aubin, Charles-Théodore Augé « exerce la chirurgie et les accouchements sans diplôme ». Malgré ses condamnations, il récidive, profitant des habitudes de ses patients, confiants et, au fond, peu regardants sur les titres. Son frère Paul fait de même, mais écope de huit jours de prison en mai 1839 après le décès suspect de l’un de ses patients. À Allonnes en 1843, la femme Bruneau pratique « l’inspection des urines par lesquelles elle reconnaît les maladies » avant de prescrire le traitement à suivre. C’est un sirop qu’un associé concocte dans une « pharmacie » en même temps que la note.

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Le médecin, Messager de la Beauce et du Perche, 1879

L’officier de santé et le médecin doivent aussi composer avec les pratiques ancestrales du « marcou [5] » de Vovette, du « toucheux » de Reclainville ou du berger censé guérir la maladie du charbon.

Reste enfin la concurrence des saints guérisseurs à l’instar de Saint Sébastien qui, à Baignolet, est réputé vaincre les épidémies. Le clergé compose, nolens volens, avec ces pèlerinages miraculeux quand il ne les organise pas comme en 1832 pour écarter le choléra qui endeuille le département de huit cents morts, dont deux à Germignonville, le village d’Aubin. Le médecin - et nos ancêtres - étaient dans ce monde là, à la croisée de frontières mouvantes entre science, charlatanisme, superstition et croyance.

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Un malade, Messager de la Beauce et du Perche, 1867

Mauvais chemin, ignorance des patients, impuissance devant les cas désespérés, tel est la condition du médecin de campagne : « trop tard, trop loin, trop grave », écrit l’historien Jacques Léonard.

Enfin réédité !


[1RFG, n°238 : « Livre salué à sa parution (en 2007), il est proposé avec un texte revu et corrigé, complété par l’ajout d’un cahier de 20 pages d’illustration. Encore mieux ! ». Critique précédée d’une interview de Jean-Louis Beaucarnot. Revue de presse complète sur alaindenizet.fr

[2En 1839, l’Eure-et-Loir compte 68 médecins, dont 13 à Chartres et 35 pharmaciens. Pour 300 000 habitants.

[3L’officier de santé fait des études moins poussées que le médecin et ne peut donc pas exciper du titre de docteur en médecine. L’officiat de santé est supprimé à la toute fin du XIXe siècle.

[4Le canton de Voves, celui d’Aubin, ne compte aucun médecin avant 1850.

[5Septième garçon d’une famille sans fille intermédiaire, il a la réputation de guérir les écrouelles.

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5 Messages

  • Bonjour,Alain
    Cette distinction entre médecin et officier de santé se retrouve dans Madame Bovary paru en 1856 ,où le mari d’ Emma est officier de santé .A la fin du roman des médecins, des vrais !, le remplacent dans le petit bourg normand.
    Quant aux "rebouteux " je crois bien qu’ils servent encore !
    Bien cordialement,
    Martine

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  • le marcou "Septième garçon d’une famille sans fille intermédiaire, " est excellent ! cela montre le nombre élevé, ou pas si rare, des familles nombreuses à l’époque ! Et pourquoi 7è et pas 5è ou 8è ? et on retrouve ce chiffre 7 si mystérieux (sacré car tout bêtement dans l’antiquité les astrologues ne voyaient que 7 planètes ! et qu’il y a 7 jours dans la semaine (7 x 4 = un mois lunaire)

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  • A l’époque, le doctorat en médecine était un titre universitaire, indispensable pour poursuivre le cursus universitaire. Beaucoup d’étudiants s’en dispensaient. Bretonneau, un Tourangeau, vexé de se voir refuser ce titre par la Faculté parisienne, revint en Touraine à 23 ans où sa renommée devint nationale puis internationale. Pressé fermement par les autorités, ses amis, ses patients,il refusait de repasser sa thèse et ne l’accepta qu’à 36 ans ! Sa renommée devint internationale et il marqua l’histoire mondiale de la médecine.
    (à noter de manière savoureuse que les Parisiens qui ne l’avaient pas jugé digne d’être un de leurs docteurs, donnèrent son nom à un de leur grands hôpitaux !)

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  • Bonjour,
    à ceux qui s’intéressent au métier de chirurgien, un petit livre de Edmond GOUDEAUX relate la vie d’ Alexis BOYER ; ce dernier, né à Uzerche (Corrèze) en 1757, passa de la condition de garçon barbier de sa petite ville à celle de 1er chirurgien de Napoléon 1er.

    On y voit l’ importance de l’ entraide familiale au départ de la carrière de ce jeune homme.
    Je souris toujours quand je pense que ses ancêtres étaient soit mazeliers (bouchers), soit tailleurs. Quelle belle synthèse que de devenir chirurgien !

    Le passage du métier de barbier à celui de chirurgien se comprend : on apprend que l’ Edit de 1743 sépara les professions (donc les corporations) de barbier et de chirurgien, ce qui permit aux chirurgiens d’ être intégrés par la suite dans la faculté de médecine.

    On peut trouver ce petit livre dans les ré-éditions numériques proposées par Amazon.
    Amitiés
    Sylvie

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  • Bonjour,
    Dans la famille de mon épouse il y avait un officier de santé dans la Manche.
    Il avait fait des études à Paris il à obtenu son autorisation d’exercer vers 1833 34, ses études ont été faites sans financement du département. Les autres officiers eux l’étaient, ses parents étaient assez riches pour le faire.
    Mais la profession était plutôt du bénévolat, il a terminé sa vie sans richesses. il était payé en poules lapin et œufs ou rien si le patient était pauvre.
    Rien à voir avec ses officiers de l’Eure et Loir, je connais assez bien la vie de ces habitants ma mère est originaire de Mondonville st Jean depuis 1600 mais pas du coté laboureur plutôt coté journalier.
    Merci pour ce petit article.
    M Gock

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