« Dans une de nos Provinces méridionales, lorsqu’un enfant a une attaque de vers bien décidée qui a résisté pendant quelques jours aux secours ordinaires de la Médecine, les femmes à secrets sont dans l’usage d’étendre l’enfant sur une table, autour de laquelle elles allument neuf petites bougies ; neuf, ni plus, ni moins. Ces bougies étant allumées, la principale actrice se poste aux pieds de l’enfant, et dit avec un enthousiasme singulier, soutenu des grimaces et des gestes les plus extravagants... Ce petit job a neuf vers, il en a trop de neuf, qu’ils soient réduits à huit. On éteint successivement toutes les autres bougies, en prononçant chaque fois du même ton et avec la même cérémonie, la formule de conjuration, que nous venons de rapporter, jusqu’à ce qu’on soit parvenu à la dernière et que job n’ait plus qu’un vers. Pour lors, on finit en disant... Que ce ver qui est le seul qui reste, ait autant de pouvoir sur Job que celui qui entend la messe derrière la servante du curé a de part à ce sacrifice. » (N. BROUZET, Essai sur l’éducation médicinale des enfants, Paris, 1754 ; cité par J. Gélis, M. Laget et M.-F. Morel, Entrer dans la vie, Paris, Julliard (Archives).
Note : « Presque tout le premier âge est maladie et danger : la moitié des enfants qui naissent périt avant la huitième année », écrivait Jean-Jacques Rousseau dans ses Confessions. Ce sujet, étudié et détaillé par les travaux de l’école française de démographie historique, est résumé ainsi par l’historien Daniel Roche : Dans un couple rural, « sur les huit à dix bébés mis au monde, trois au quatre seulement arrivent à l’âge de vingt ans, pour recommencer la mécanique reproductive ». Les raisons de cette hécatombe sont bien connues. Aux accidents de grossesses, traumatismes des accouchements, maladresses des matrones et des jeunes parents, s’ajoute le long cortège de maladies diverses : coups de froid ou de chaleur, ictères, coliques, diarrhées, fièvres, typhoïdes, dysenteries, entérocolites, convulsions... On conçoit que, dans ces conditions, la mort soit constamment présente dans l’univers mental des hommes et des femmes de ce temps... et que les thérapeutiques symboliques de la médecine populaire ne soient pas d’un grand secours ! |
Sources :
- Jean-Jacques Rousseau, Les Confessions, livre VIII, éd. Pléiade, pp 259.
- J. Gélis, M. Laget et M.-F. Morel, Entrer dans la vie, Paris, Julliard (Archives).
- Daniel Roche, Les Français et l’Ancien régime, tome 2, Paris, Armand Colin, 1984.