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La catastrophe de Mamers - 7 Juin 1904

Les caprices de la nature ne sont pas nés d’aujourd’hui....

Le dimanche 1er avril 2007, par René Albert

On nous parle journellement de réchauffement de la planète et des conséquences catastrophiques que celà pourrait entrainer : cylones, inondations, etc... Or, si l’on examine le passé, en de nombreuses circonstances nos ancêtres ont eu à subir des catastrophes identiques, voir pires, que nous relatent souvent les prêtres dans leurs registres paroissiaux. Le texte qui va suivre est plus récent mais il relate en détails les circonstances d’un événement météorologique qui frappa subitement la ville de Mamers, faisant de nombreuses victimes.

Le 7 Juin 1904, un cyclone, suite de violents orages, presque sans précédent dans l’ouest de la France, ravagea la Sarthe et causa d’irréparables dégâts.

La ville de Mamers perdit dix sept de ses habitants.

Le mardi, à deux heures, le temps était bas et lourd. Tout à coup l’orage éclata violemment sur Mamers. Il devint tempête et déluge, un déluge de plusieurs heures, qui allait causer d’irréparables dégâts.

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Mamers 1904 - Rue Cinq ans

A Mamers, il y a une petite rivière, la Dive, qui traverse la basse ville entre deux coteaux formant cuvette. Ce cours d’eau, à l’allure tranquille d’ordinaire, mesure deux mètres de largeur et a cinquante centimètres de profondeur. C’était du moins l’état de celui-ci à cette époque. Il était endigué entre des murs de maisons particulières et une rue, la rue des Tanneries, et quelques ponts de pierre le traversaient. La Dive se jette dans l’Orne.

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Mamers 1904 - rue des Ormeaux

Une avalanche d’eau transforma en quelques instants la Dive en un gros torrent dévastateur de plus de 120 mètres de largeur et de quatre mètres de hauteur, renversant tout ce qui se trouvait devant lui, emportant des immeubles, faisant un million de dégâts et entraînant des habitants sous les ruines.

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Mamers 1904 - rue du Hupry

Le collège, l’hospice militaire et civil, l’asile de vieillards ont subi de graves dégradations. Des moulins furent jetés bas, dont un destiné par la Ville à améliorer le service des eaux.

Aussitôt que la catastrophe se fut produite, un mouvement d’émotion étreignit tous les cœurs et la population civile fraternellement unie au 115e régiment d’infanterie, dans un commun élan de dévouement, rivalisa de zèle et d’efforts pour organiser le sauvetage des habitants des maisons emportées. Tous ces actes héroïques ne purent empêcher d’enregistrer des victimes. Voici le nom de celles-ci :

Madame RICHARD, rentière, Madame AUBRY, journalière, Madame veuve FOUQUET, journalière, Monsieur DUBOIS-SILLE, journalier, Madame REGNIER, journalière, Mademoiselle LOCHET, Madame CONTREL née FARCY, une jeune femme de dix neuf ans, noyée en compagnie de son beau-frère, Maurice CONTREL et de son père, René FARCY, trois vieillards hospitalisés, PETRONY, veuve LEMAINE, la veuve AUGAN, le cantonnier BARBIER, une jeune mère, Madame PICHON et son enfant qu’elle tenait dans ses bras lorsqu’on découvrit leurs cadavres, et enfin Madame veuve PHILIBIEN et Monsieur DESHAYES, jardinier.

Partout l’eau, trouvant un passage, pût gagner la plaine. Dans la boue, sous les maisons effondrées, au pied des arbres, enfouis sous des haies, on trouva dix sept corps. La plupart des victimes furent surprises au moment même où elles essayaient de fuir.

L’extraordinaire vitesse avec laquelle l’avalanche d’eau s’était abattue les ayant surprises dans leur course et leur ayant coupé toute retraite néanmoins quelques uns purent se sauver. Dans leur demeure même, trois vieillards de l’Asile qui étaient couchés au rez-de-chaussée furent noyés dans leur lit. Quatre autres personnes furent ensevelies sous les décombres d’une maison qu’elles n’avaient osée quitter.

Le 9 juin, les cadavres furent exposés dans une salle de la Mairie. Quatorze des corps avaient été apportés là et couchés côte à côte sur de la paille. Les familles de trois des victimes avaient demandé que les cadavres leur furent rendus.

Le spectacle de ces malheureux corps livides et gonflés, dont les silhouettes imprécises apparaissaient à peine sous l’épaisse couche de boue qui les couvrait, aspirait surtout, en même temps qu’une immense pitié, le sentiment d’un douloureux étonnement.

Le commissaire de police présidait à l’opération de la mise en bière. Il commandait aux assistants « le Père untel » et les hommes de service prenaient le « Père untel », le roulaient doucement dans un drap de grosse toile et le déposaient dans un cercueil dont ils vissaient le couvercle.... La « Mère une telle »...... et quand tous les « Pères untel » et « Mères une telle » furent mis en bière, on alluma des cierges.

Les actes de dévouement ne se sont pas comptés à Mamers. Quatre hommes, le caporal DERIF et trois soldats du 115e, PAQUET, COMOCHE et BERARD enlevèrent de terre deux immenses mâts qui avaient été élevés dans le jardin du collège Saint Paul à l’occasion d’une fête. A force de bras ils apportèrent ces deux mâts sur la rive, les inclinèrent dans la direction du moulin de telle façon que l’une des extrémités s’appuyât sur le rebord d’une des fenêtres, l’autre restant fixée à terre. Sans s’inquiéter même de savoir si cette passerelle n’allait pas céder au premier heurt, à la force des poignets, ils franchirent le vide, au-dessus du torrent, prenant à bras le corps un homme, une femme et les ramenant sains et saufs au pensionnat Saint Joseph.

Le plancher du rez-de-chaussée, soulevé tout d’une pièce était collé au plafond. Le Commissaire de Police DELAVERGNE, aidé du cantinier du 115e, le soldat DELAROCHE, et du lieutenant de réserve LOYSSET entrèrent dans l’eau. S’aidant de matériaux de toutes sortes, ils parvinrent aux fenêtres du premier étage et, un à un, sauvèrent les enfants.

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Mamers 1904
Grande Rue - Sauvetage des enfants du pensionnat Saint Joseph

Dans une prairie voisine des abattoirs, un homme qui put échapper par miracle à l’effondrement d’une maison sous les décombres de laquelle quatre personnes venaient de trouver la mort, était réfugié au sommet d’un arbre.. L’Abbé TEYSSIER, se défaisant de sa soutane, se faisant attacher une corde aux reins, se mit à la nage. Un remous, un instant, l’engloutit. Sous le choc la corde se rompit. Le Lieutenant ANTOINE s’élança. L’abbé réapparut à la surface de l’eau et, tous deux, prêtre et soldat, réussirent, avec l’aide d’un troisième sauveteur, nommé CHAUDEMANCHE, à saisir l’homme an danger.

D’abord l’eau vint battre les murs de l’Asile où une vingtaine de vieillards étaient abrités. Elle s’éleva à hauteur du premier étage rendant impossible tout accès au rez-de-chaussée où trois malheureux devaient trouver la mort. Mais le désastre eût été plus terrible encore si, sans la présence d’esprit du Sous Préfet, l’organisation des secours n’avait été assurée de façon ingénieuse.

Il se plaça au fond d’une cuve qu’il laissa filer dans le terrible courant du torrent. Tournant, tourbillonnant, il heurta le mur de l’asile et, à travers une lucarne du toit, il apprit d’une Sœur garde-malade, que toute issue praticable était hors-service. On ne pouvait songer à sauver les vieillards qu’en les aidant à passer par les fenêtres du premier étage.

Sur un radeau improvisé, on assembla des matériaux, bois et poutres. On plaça sur ses radeaux une échelle et on embarqua. Accompagné du Docteur BLONDEAU, du menuisier GENESLAY et du cimentier WENATIER, le Sous Préfet HERSANT prit le chemin de l’Asile. Au moyen de l’échelle, on descendit un à un les vieillards réfugiés au premier étage et le radeau revint à terre.

Dans un second voyage, le Sous-Préfet et son équipe de dévoués sauveteurs s’en vinrent chercher les Sœurs Gardes-Malades. Elles aussi embarquèrent sur le radeau et aussitôt se mirent en prières à genoux. Le spectacle était curieux, en particulier de voir ce fonctionnaire guidant une embarcation pleine de religieuses.

A l’Hospice, le sauvetage put se faire.

Trois femmes, occupées à laver, étaient en danger. Les eaux montaient et, déjà, le faîte d’un petit mur qui les abritait disparaissait sous les remous. Une religieuse se dévoua. La sœur ANASTASIA, âgée et peu ingambe, n’hésita pas. Elle se plaça à califourchon sur le faîte du mur, les jambes pendant dans l’eau puis, s’aidant des mains, elle entreprit de faire, au long du faîte du mur, le parcours qui allait l’amener auprès des femmes.

Un Officier, le Capitaine DEROMME, vit l’héroïque tentative de la sœur. Il s’élança sur le mur, suivi de son ordonnance, le soldat LE HOUX, et ils rejoignirent la religieuse au moment où celle-ci tendait le bras vers l’une des malheureuses.

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Catastrophe de Mamers 4 juin 1904

En présence d’un pareil désastre, la levée des corps donna lieu à d’imposantes manifestations. Le Président de la République envoya mille francs. Le Préfet se joignit à Monseigneur de BONFILS, Evêque du Mans, pour présider aux obsèques. Elles eurent lieu le 10 Juin, au milieu d’une affluence consternée.


Les reproductions de cartes postales sont extraites d’une collection personnelle.

L’article nous a été aimablement communiqué par l’Office de Tourisme du Saosnois à Mamers et la Bibliothèque Municipale de Mamers nous a aimablement autorisé de le diffuser.

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12 Messages

  • La catastrophe de Mamers - 7 Juin 1904 13 août 2011 07:38, par Desgranges

    Bien qu’habitant la Sarthe, je n’avais jamais entendu relater cette catastrophe de Mamaes.
    Merci pour cette histoire, dramatique mais intéressante
    Lucie

    Répondre à ce message

  • Est ce que les plans d’urbanisme en particulier POS et PLU tiennent compte de ce retour d’expérience. Y a t’il un plan de prévention des risques à Mamers ?

    Répondre à ce message

    • La catastrophe de Mamers - 7 Juin 1904 13 août 2011 09:37, par Jacques

      Il suffit pour le savoir de se renseigner en mairie ; c’est aussi simple que cela.

      Répondre à ce message

    • La catastrophe de Mamers - 7 Juin 1904 2 janvier 2012 14:00, par Dutour

      Il n’y a pas de PPRI à Mamers. Ce risque n’apparaît pas non plus dans le plan départemental des risques.En un peu plus d’un siècle, les choses s’oublient. Mais depuis de nombreux sols ont été rendus étanches, les passages pour la Dive sont toujours aussi étroits (une partie est souterraine), Il est clair qu’une inondation est possible. Il faut juste souhaiter que la cinétique en sera lente et permettra l’évacuation des populations.

      Répondre à ce message

  • La catastrophe de Mamers - 7 Juin 1904 13 août 2011 16:57, par Gisèle Lameth

    Certes il y eût des période glaciaires et des phénomènes climatiques exceptionnels depuis fort longtemps, d’ailleurs un site je crois fait le recensement de ces calamités.

    Mais le problème c’est l’accélération de ses phénomènes, ce n’est plus exceptionnel, et ils mettent en péril l’équilibre de la planète :
    fonte des glaces aux pôles
    26 et 27.12.1999 deux tempêtes dévastent la France et l’ouest de l’Europe
    29 août 2005 l’ouragan Katrina dévaste la Louisiane
    12.01.2010 tremblement de terre en Haïti suite à la tempête Xynthia
    28.02.2010 Synthia dévaste la Charente et la Vendée
    11.03.2011 Tsunami au Japon
    inondations quasi annuelles au Bangladesh
    etc, etc
    Que les modèles climatiques soient exacts ou non, une chose est sûre : la terre est vraiment mal en point. L’environnement naturel, indispensable à la vie, est ravagé par la pollution, la déforestation, l’urbanisation et l’extinction des espèces, pour ne citer que ces facteurs, que nul ne peut contester.

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    • La catastrophe de Mamers - 7 Juin 1904 13 août 2011 19:58, par Gérard VERGER

      l’augmentation de l’espèce humaine et de ses besoins, donc de ses utilisations des resources qu’ils exploitent sans trop se soucier des conséqences, ne sont qu’un facteur aggravant à une évolution de la vie de la terre.

      dire que l’homme est responsable des catastrophes devrait être remplacé par " est en partie responsable" à sa modeste mesure.

      Gérard de la Sarthe

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    • La catastrophe de Mamers - 7 Juin 1904 14 août 2011 11:52, par Shabd

      Bonjour Gisèle,
      J’aimerais vous soutenir avec ces quelques mots concernant
      la situation actuelle de notre monde et de notre planète.
      Nous observons d’années en années dans notre métier ces
      changements dans la nature et dans notre environnement.
      Nous avons une entreprise maraichère dans le sud de l’Alle-
      magne et nous pouvons démontrer qu’à cause de ces modifica-
      tions extrêmes dans le climat cette branche comme tous les
      métiers qui sont en rapport avec la nature deviennent de plus en plus difficiles à exercer. La nature est confrontée à chaque instant avec des situations extrèmes qui sont parfois difficiles à reconnaitre à l’avance. Si on ne prend l’exemple que des rayons solairs, c’est une énorme différence entre les 2 ou 3 dernières années et l’an 2005. En temps q’être humain nous le ressentons déjà ;que pensez vous comment les plantes ressentent ce changement ? Ce printemps, en mai nous avions encore 30° dans la journée. Une nuit avec -8°C a suffit pour faire d’énormes malheurs.
      J’ai observé que les maladies dans les cultures se développent également différement en comparaison aux années passées Il faut vraiment accepter que nous sommes pour au moins 80% responsables. Notre société veut toujours plus et n’accepte pas que nous sommes en train de nous ruiner et de détruire ce que nous devions normallement entretenir : LA TERRE.
      Une bonne journée à tous,
      Bruno

      Répondre à ce message

    • La catastrophe de Mamers - 7 Juin 1904 12 septembre 2011 10:12, par Don Jacques

      En ce qui concerne le Bangladesh, la fréquence des inondations n’a pas changé. En revanche l’explosion démographique qui fait que la densité de la population dépasse maintenant 1000 habitants au Km2 (alors qu’au début du 20° siècle la population ne dépassait pas 15 millions d’habitants) laisse croire à l’augmentation des évènements climatiques, alors que ce qui a augmenté considérablement c’est le nombre de personnes (et d’habitations) soumises au risque. Si nous avions la même densité de population en France nous serions 556 millions d’habitants et nul doute que nos inondations feraient beaucoup plus de victimes. En définitive les aleas ne changent pas, mais les risques augmentent automatiquement avec la population.
      Le site dont vous parlez montre qu’en France depuis 4 siècles au moins les tempêtes ne sont ni plus nombreuses, ni plus violentes.

      Répondre à ce message

  • La catastrophe de Mamers - 7 Juin 1904 15 août 2011 15:22, par Lucide

    Ces brusques variations climatiques dégradent directement et proportionnement la production de tout ce qui est source de vie (favorable à l’homme) il est tout à fait simple de comparer le potentiel des climats extrèmes à ceux des pays tempérés c’est malheureusement vers ces premiers que l’on s’achemine sans le temps d’adaptation ! Nous agriculteurs (bio) qui mettons tout en oeuvre pour favoriser les acteurs naturels pour optimiser les productions, nous constatons une dégradation constante des équilibres indispensables, et la résignation d’espérer retrouver une certaine maitrise en milieu fermé (serre) est encore pire, les auxiliaires n’y vivent pas (trop artificiel) ! malheureusement il n’y a pas d’autres planètes.

    Répondre à ce message

  • La catastrophe de Mamers - 7 Juin 1904 7 avril 2014 20:27, par CHARTIER JANINE

    Quelles sont les références d’archives pour cet article, en particulier, le sauvetage des trois laveuses ?
    merci

    Répondre à ce message

  • La catastrophe de Mamers - 7 Juin 1904 8 avril 2014 08:54, par André Vessot

    Bravo et merci pour cet excellent article et ce travail de mémoire sur la catastrophe de Mamers en 1904.
    Vraiment impressionnant.
    Bien cordialement.

    André Vessot

    Répondre à ce message

  • La catastrophe de Mamers - 7 Juin 1904 18 juillet 2014 18:41, par Camusat

    Merci pour cet excellent article sur la catastrophe de Mamers en 1904.
    J’en ai pris connaissance par hasard en effectuant des recherches sur la rue du Plat d’étain ! que je ne situe toujours pas, il se trouve que l’un de mes ascendants l’a habité en 1790 :
    Pierre Camusat était juge dans cette ville, je viens de le découvrir, son frère était avocat Camusat de la Frémonière !
    J’en suis le dernier du nom en ligne directe
    Cordialement.

    Thierry Camusat

    Répondre à ce message

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