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Les mémoires de Julien Pierre Soudry

Journal d’un habitant d’Ingrandes-sur-Loire (Maine et Loire), pendant la période des guerres de Vendée (1793 – 1800).

Le jeudi 19 janvier 2012, par René Albert

Nous remercions Monsieur Yves René SOUDRY, habitant en Touraine, descendant de Julien Pierre SOUDRY, de nous permettre de faire connaître le recueil des Mémoires de son ancêtre qui relate, en détails, les événements qu’il a vécus pendant cette période difficile des guerres de Vendée. Dans cet ouvrage sont cités des habitants d’Ingrandes, de Montrelais, Varades, etc… parmi lesquels vous trouverez peut-être un de vos ancêtres.

D’après Monsieur Yves René SOUDRY, l’origine de sa famille serait blésoise où il s’efforce de retrouver les générations manquantes.

Avant de relater les faits recueillis par Julien Pierre, il nous paraît bon de reprendre un bref historique des événements de l’année 1793.

La « Terreur » avait pratiquement commencé le 2 septembre 1792, lors de massacres dans les prisons parisiennes. L’année 1793 débuta par l’exécution de Louis XVI le 21 janvier 1793 suivie le 24 février par la mobilisation de 300 000 hommes dont sont exclus les bourgeois. Le 13 Mars c’est l’insurrection générale de la paysannerie, déçue des décisions gouvernementales, n’ayant pas acquis de droits civiques, voyant leurs récoltes réquisitionnées et l’effondrement de la monnaie et de l’économie. A cela s’ajoute la persécution des prêtres et la réquisition militaire.

Nous allons débuter le récit en le ponctuant de « flash » situant les événements régionaux, nationaux et internationaux du moment. Pour la bonne compréhension du texte nous avons, volontairement, transcris certain passage que vous trouverez en italique ou corrigé certains accords de verbes (pas tous volontairement), en particulier l’utilisation de l’auxiliaire avoir au lieu de celui d’être, ainsi que la ponctuation. Néanmoins la globalité du texte respecte la narration faite par Julien Pierre SOUDRY qui, de façon remarquable, nous donne l’ambiance catastrophe de cette longue lutte fratricide où l’homme a fait preuve de débordements innombrables, ne faisant aucun distinguo entre coupables et innocents.

Ces événements se déroulent « à la frontière » de la Bretagne et de l’Anjou. En effet c’est, à l’époque, une simple rue mitoyenne aux communes d’INGRANDES et du quartier du Fresne du village de MONTRELAIS qui situait la limite des deux provinces.

Bonne lecture de ce document, extrait du Journal d’un citoyen qui a voulu transmettre l’information à sa descendance.

Le 11 mars 1793 le maire de Montrelais, Monsieur MARTIN, publie le décret de la levée de 300 000 hommes, ce que refusent des jeunes gens qui se proposent d’aller à Ingrandes. Finalement ils iront à Varades. Ils cherchent dispute aux « patriotes », parcourent la campagne de Champtocé, Varades et Saint Herblon et font le projet de prendre Ancenis, chef lieu du district. Ils sont mis en déroute et cinquante d’entre eux seront tués par les habitants.

Le 13, à Montjean, ils ont plus de succès et quatre habitants sont tués. Accompagné de CHARRIER, je pars pour Angers où je dois régler des marchands à qui je dois de l’argent. A Saint Georges sur Loire, nous rencontrons des cavaliers qui nous forcent à rentrer chez nous et nous ramènent à Champtocé à l’auberge GALLOIS, qui est devant le château, et où nous buvons chopines. A priori Julien Pierre repart pour Saint Georges où il couche avec un certain CHARRUAULT. Ils y trouvent ROUQUIER l’aîné. Le lendemain, jeudi 14, partant du relais de poste de Maître LE BAFFOUR, ils se rendent enfin à Angers et, très rapidement, ils repartent pour Ingrandes où ils arrivent à dix heures du soir. Ils y trouvent un bataillon de la garde nationale d’Angers, fort de 400 hommes et de deux pièces de canon, commandé par Monsieur GROSBINET. Ils repartiront le 15.

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Ingrandes

Le 20 mars, quatre vingt habitants d’Ingrandes partent en armes pour Angers. Le lendemain, deux cent cinquante aristocrates entrent à Ingrandes vers 14 heures, brûlent les papiers de la municipalité et emportent trois fusils, une grande pique et un tambour qui était au corps de garde. On leur a donné à manger dans les rues, leur commandant leur ayant interdit d’entrer dans les maisons. Ils s’en sont allés sans faire tort à personne. Nous étions réfugiés à Champtocé, quand vers six heures du soir les habitants, qui étaient restés à Champtocé, sont arrivés avec ceux de Saint Georges (sur Loire).

Le vendredi 22, un bataillon de gardes nationaux d’Angers, commandés par LE ROULLIER, est arrivé à Ingrandes. Ils en sont sortis et se sont portés sur les mines de charbon, ont tué deux hommes, dont un travaillait dans la vigne, et fait plusieurs prisonniers. Le même jour, des gardes nationaux de Candé Pouancé sont arrivés à Ingrandes vers les neuf heures du soir. Il mouillait à verse. En passant à Saint Sigismond ils ont tué trois hommes à bout touchant qui se sauvaient sans armes et fait des prisonniers. Dans le courant de la semaine sainte, les habitants de Montrelais, Belligné, La Chapelle, sont venus déposer leurs fusils à la municipalité d’Ingrandes.

Le 2 avril 1793, dernier jour des fêtes de Pâques, à Angers, il a été guillotiné 22 hommes qui avaient été fait prisonniers du côté de la Loire et de Châteaubriant. Le bataillon des gardes nationales est arrivé à Ingrandes avec cinq pièces de canon. On a battu la générale à Ingrandes et le sergent DELACOUIDRE de La Pommeraye a été fusillé par sentence de la commission militaire siégeant à Ingrandes. On dit qu’il avait coupé « l’arbre de la Liberté ». Le lendemain, l’armée s’est portée du côté de La Meilleraie, en face de Saint Florent, pour reconnaître le terrain. Elle est rentrée le soir à Ingrandes, pour repartir au matin à La Meilleraie où elle a mis le feu et brûlé environ cinquante maisons par ordre du commandant LE ROULLIER.

Le 10 avril 1793, une patrouille d’aristocrates à cheval est venue sur la rive gauche, en face d’Ingrandes, a tiré trois coups de fusil sur des pêcheurs qui se sauvaient en barque à Ingrandes. Une partie de l’armée a passé la Loire avec un canon et on s’est fusillé de loin, sur le soir, en face de la ville d’Ingrandes, à une portée de fusil de la rivière. Le nommé BURGEVIN a été fusillé par décision de la commission militaire, séant à Ingrandes. On dit qu’il avait correspondu avec les aristocrates.

Du 22 avril au 9 juin, il ne s’est rien passé de mémorable. On coupe quantité de bois sur les bords de la Loire, qui flotte inutilement.

FLASH : Le 29 Mai les Vendéens prennent Saumur mais échouent devant Nantes.

Le 13 juin 1793, on bat la caisse vers les dix heures pour faire patrouille. Il se trouve des garçons de la mine à la Rue du Fresne (en Bretagne), dont un qui prit notre tambour. Le 14e bataillon de Paris, que nous avions en garnison à Ingrandes, pour gagner la grande armée de citoyens au Lion d’Angers, après avoir brisé quantité de bateaux et demandé à son commandant OSWALD le pillage de la ville, en prenant prétexte de visiter partout pour vérifier s’il y avait des armes cachées, voit son commandant, qui était honnête homme, pénétré d’indignation d’une telle demande, qui les a refusées nettes. C’était bien heureux pour nous car il y avait dans ce bataillon quantité de mauvais sujets. C’est la plus mauvaise garnison que nous ayons eue jusque là. Il y avait dans le bataillon une cinquantaine de femmes qu’ils avaient amenées de Paris. En s’en allant, ils ont emporté une trentaine de fusils du corps de garde et même désarmé, à la porte, la sentinelle en faction. Le curé constitutionnel d’Ingrandes, nommé LAURENT, s’en est allé avec eux et a emporté de concert, avec quelques soldats du bataillon, le Saint Sacrement et trois calices. Plusieurs habitants d’Ingrandes ont suivi la troupe.

En juin, le vendredi quatorze, l’armée catholique et royaliste est arrivée par eau à Ingrandes. Ils ont abattu l’arbre de la Liberté et ôté le bonnet du clocher. Le dix huit, l’armée catholique et royaliste, venant de Saumur, est entrée à Angers sans trouver de résistance. Le 20, le drapeau blanc (royaliste) est sur le clocher d’Ingrandes. Le 21, le comité aristocrate est établi à Ingrandes, au nom du Roi Louis XVII, pour tenir l’ordre dans la ville et l’expédition des passeports pour les voyageurs et donner des billets de logement aux « brigands » qui arrivaient à Ingrandes. Du 24 au 26 Juin, l’armée catholique et royaliste est passée à Ingrandes, venant d’Angers, au nombre d’environ 3000 hommes.

Le 28 juin, il s’est donné un rude assaut à Nort (sur Erdre), au nord de Nantes, à trois ou quatre lieues sur la route de Rennes.

Le 8 juillet 1793, à trois heures du matin, les hussards nationaux sont entrés à Ingrandes. Ils ont replanté l’arbre de la Liberté sur la place proche de l’église, ont fait ôter le drapeau blanc sur le dessus du clocher et ont fait mettre en place le drapeau tricolore ROUGE – BLEU – BLANC. Le lendemain, on a tiré le canon sur la maison où demeurait BAUGE, sur la rive gauche de la Loire, vis à vis d’Ingrandes que (où) les patrouilles de brigands venaient s’y réfugier. Mercredi 10, à dix heures, les hussards et toute la garnison, qui étaient à Ingrandes, sont partis pour Angers. Tous les habitants d’Ingrandes étaient dans la plus grande consternation ; plus de la moitié ont suivi la troupe, même plusieurs femmes et filles sont allées jusqu’à Champtoçé. On a bivouaqué toute la nuit dans la plus grande inquiétude. J’ai passé toute la nuit dans mon jardin avec deux ou trois de mes amis. Le 11, trois hommes de l’armée chrétienne ont passé la Loire en plein midi. Ils sont venus voir à Ingrandes ce qu’il se passait. Ils sont restés environ trois heures et sont retournés voir leurs camarades qui étaient de l’autre côté de la rivière au nombre de 150, tant à pied qu’à cheval. Le 13 juillet, à dix heures du soir, 200 hommes de la garde nationale d’Angers sont arrivés à Ingrandes. Le lendemain, comme il se faisait toujours des tirailleries, des coups de fusil de part et d’autre des deux côtés de la Loire, un citoyen de la garde nationale d’Angers a été blessé à la tête par une balle tirée par les brigands de l’autre côté de la rivière. Le citoyen était devant la grande porte de l’église ; la balle a frappé dans le mur et il a été blessé par contre coup.

Le vendredi 19, entre onze heures (du soir) et minuit, des citoyens d’Angers en garnison à Ingrandes, ont planté l’arbre de la Liberté sur la grève, au milieu de la rivière. Le dimanche 28, il est entré de la troupe à Ingrandes avec une pièce de canon.

Le 10 août 1793, la garnison a fait des patrouilles à Ingrandes pour empêcher tout le monde de travailler à cause de la fête de la Constitution. Ils entraient dans les maisons et les femmes qui étaient trouvées à filer, coudre ou brocher, etc… étaient emmenées par la patrouille chez le commandant.

Le 3 septembre, au soir, les aristocrates ont braqué une pièce de canon vis à vis d’Ingrandes et ont tiré plusieurs coups sur la ville sans faire aucun dommage. Le 6, l’armée de Mayence a passé Ingrandes pour aller dans la Vendée du mardi 3 jusqu’à ce jour, au nombre d’environ 15000 hommes sous les ordres du Général AUBERT DU BAYEUX. Le 12, le tocsin d’alarme a sonné dans les communes du département d’Angers pour rassembler tous les hommes au chef-lieu du district, armés de fusils, brocs, faux, pour marcher en masse contre les rebelles de la Vendée. Notre canton de Saint Georges est dispensé d’y aller parce qu’il fallait que nous nous gardions nous-mêmes sur les bords de la Loire. Le vendredi 13, il a été trouvé un homme noyé à Ingrandes, du côté du Cassoir, à une portée de fusil au-dessous de la maison appelée « les Granges ». Il avait sur lui une vingtaine de lettres anonymes, et très équivoques, avec trois ou quatre cent livres en assignats. Il y a tout lieu de croire que c’était un agent de correspondance entre les ennemis, les aristocrates du pays. Ce qui le rend plus suspect, c’est qu’il a été reconnu pour être le domestique de Monsieur MISSIE Eugène, chef des travaux des mines à charbon de notre pays, dont plus de la moitié, tant officiers qu’ouvriers ont émigré et passé de l’autre côté de la Loire avec les ennemis. On a remarqué que deux ou trois jours auparavant, sur dix ou onze heures du soir, la sentinelle en faction du côté des Granges avait entendu quelques mouvements dans un petit bateau qui était enchaîné à quelques distances. La sentinelle ayant crié plusieurs fois « Qui Vive » sans qu’on lui réponde, elle avait tiré un coup de fusil ce qui fait que plusieurs patrouilles sont accourues sur le rivage. On présume que cet homme, se voyant découvert, s’est jeté à l’eau et s’est noyé.

FLASH : Les Vendéens battent KLEBER à Torfou

Le 19 septembre, sur les huit heures, nous avons entendu une forte canonnade du côté de Montjean ; le bataillon des Pères de Famille, d’environ 800 hommes du pays qui passait à Montjean fit que les aristocrates se sont sauvés. Les patriotes ont mis le feu dans les cuisines du château, ensuite ils ont eu avis qu’un père cordelier s’était sauvé dans un petit bois ; ils l’ont entouré. Le prêtre se voyant découvert s’est présenté à eux. Il a été traîné à Montjean et fusillé sur-le-champ. Les patriotes se sont après cela amusés, les uns à boire, les autres à transporter leurs effets, linge et marchandises sur le rivage et dans la petite île de Montjean. La nuit s’est bien passée, lorsque le vendredi matin, sur les sept à huit heures, les sentinelles ont aperçu l’ennemi venir en foule du côté de Montjean, environ 2000. Aussitôt les patriotes se sont précipités pour repasser la Loire. L’adjudant général TABARY, homme faux, caractère très méprisable (c’était un ivrogne), s’était amusé à boire à Montjean et était pour lors couché, endormi dans une écurie, ivre. Il fut heureux d’être réveillé et de se sauver. Ce « digne » homme avait le commandement des citoyens depuis Angers jusqu’à Ingrandes, sur la rive droite de la Loire.

Le 10 octobre 1793, dans le courant de la nuit, on a battu la Générale à Ingrandes. C’était au sujet d’une troupe de paysans aristocrates qui enfonçaient les avant-postes des Gardes Nationaux dans la « prée » de Montrelais et qui ont passé sur la rive gauche de la Loire où étaient leurs camarades brigands qui les attendaient et qui leur ont procuré les bateaux. Ils se faisaient des signaux par des amorces brûlées. Il a été tué un aristocrate dans cette affaire là ; c’était un nommé CARON de Saint Herblon. Le mardi 15 on a encore battu la Générale à Ingrandes dans le courant de la nuit. On disait que les brigands passaient la Loire au dessus d’Ancenis ; c’était une fausse alerte.

Jeudi 17 octobre, un bataillon de Pères de Famille, composé des habitants de Montjean, Saint Georges et autres communes voisines, ont exécuté le projet hardi de passer la Loire vis à vis de Montjean. Ils ont surpris les sentinelles aristocrates par la trahison d’un citoyen qui était de garde avec les brigands. Les citoyens ont massacré plusieurs personnes dans le corps de garde et fait une trentaine de prisonniers et pris une vingtaine de chevaux et deux pièces de canon. Au nombre étaient deux femmes de condition qui avaient sur elles plusieurs effets précieux.

C’est ici où commencent nos plus grands malheurs. A peine venions nous à Ingrandes d’apprendre les détails de l’affaire de Montjean, l’alarme s’est répandue tout à coup que les brigands avaient passé la Loire dans la même nuit de Saint Florent à Varades par la lâcheté du Commandant qui était en garnison à Varades (on dit qu’il s’appelait HOG) avec 600 hommes et 2 pièces de canon. Ce n’était que malheureusement que trop vrai. La garnison de Varades s’était repliée à Ancenis. Dans le courant de la nuit, les brigands, qui étaient à Saint Florent, firent un tapage terrible ; pendant ce temps ils avaient préparé leurs bateaux et le passage se fit dans l’île Mocquard. Ils abordèrent en grand silence sur la rive droite de la Loire et montèrent de suite à Varades. La centaine de citoyens qui étaient de La Varenne, ont eu à peine le temps de se sauver et d’apprendre la nouvelle à Varades à la garnison. Les citoyens se précipitèrent à Ancenis.

FLASH :Battus devant Cholet, les Vendéens passent la Loire le 18 Octobre à Saint Florent le Vieil. Ils vont vers Granville où ils espèrent l’aide anglaise, puis refluent vers Pontorson.

Le passage de la Loire de Saint Florent à Varades resta libre pour les brigands. Ce n’était pas suffisant : il fallait pour eux qu’il le fut en plusieurs endroits. Ils tombent de suite sur Ancenis le vendredi 18 octobre pendant qu’une partie de leur armée était sur la rive gauche vis à vis d’Ancenis, avec une forte artillerie qui faisait un feu continuel. Les occupants de la garnison d’Ancenis sont obligés d’évacuer et de se replier sur Nantes. Monsieur BONCHAMP DE LA BARONNIERE avait été blessé mortellement à Beaupréau. Transporté à Saint Florent et désespéré de tout le monde, il demanda aux autres Généraux de l’armée catholique et royaliste, la grâce des prisonniers patriotes qui étaient prisonniers à Saint Florent et au château de la Mauvaisinière. Elle lui est accordée. Il est mort dans les parages de l’île de La Meilleraie et enterré à Varades.

TABARY, adjudant général, arrive à Ingrandes au soir du 17 octobre. Dans le courant de la journée on battit la Générale et tout le monde se mit sous les armes. La municipalité, Monsieur ALLARD, chirurgien, Maire, Monsieur LEBOEUF de la verrerie, président du comité de surveillance, et le Commandant CHEVALLIER ont donné des ordres pour faire une sortie. Aussitôt les habitants d’Ingrandes avec leurs drapeaux, tous armés de fusils, piques, brocs, et fourches et 100 hommes du Bataillon de la Sarthe, qui composaient pour lors toute la garnison, avec deux pièces de canon, et quelques gendarmes, se mettent en marche sur le chemin de la Riottière. On était arrivé ; il ne fut tenu aucun ordre militaire. L’adjudant CHEVALLIER avait envie d’évacuer tout et de partir d’ici. Plusieurs habitants d’Ingrandes lui firent des reproches, BERTAUD et Julien DUBOIS le traitant de lâche et qu’il pouvait aller se faire foutre avec ses canons, que, pour eux, ils ne désempareraient pas. Il se passa plus d’une heure sans prendre parti ; nous étions sur le grand chemin de la Riottière comme des moutons qu’on conduit à la boucherie. Les gendarmes avaient attaché leurs chevaux aux grilles de l’auberge de Saint Julien, les volontaires se répandaient dans les vignes pour manger des raisins. Les habitants et les gendarmes s’amusaient à boire, le Commandant de la Garde Nationale, Monsieur de FAYOT, l’adjudant CHEVALLIER, le procureur de la commune, Monsieur MOUNIER, chacun causait à sa guise. Enfin il fut proposé de faire deux patrouilles du côté de Varades avec la Garde Nationale de la Rue du Fresne, en Bretagne, pour aller à la découverte [1].

Les habitants furent les premiers à cheval, les gendarmes les suivirent, l’adjudant CHEVALLIER à leur tête. Ils partent sur la grand’route et à une portée de fusil de Varades, ils aperçoivent dans un fossé un pauvre volontaire, qui était parti le matin pour aller à Ancenis et qui venait d’être massacré par les brigands. Deux hommes de campagne, qui étaient dans les champs à travailler et à qui ils demandèrent s’ils avaient vu des brigands, leur dirent que le nommé LATOUR, de la mine à charbon, à la tête de plusieurs cavaliers, s’était promené dans le grand chemin et était venu jusqu’à l’Arche du Brais. C’est toute la découverte qu’ils firent et s’en revinrent à la Riottière, où nous étions toujours dans le grand chemin.

A nos côtés, la garde nationale forme un détachement et une patrouille du côté de Montrelais. Des volontaires du bataillon de la Sarthe en firent une autre, il fut distribué des cartouches, qui arrivèrent dans une voiture dans un baril, à tout ceux qui en voulurent, ensuite le restant du baril fut déposé dans une chambre à la Riottière, à l’auberge Saint Julien. Le détachement, organisé à Montrelais, au nombre de 80 hommes du Bataillon de la Sarthe, à destination d’Ingrandes, vint nous trouver à la Riottière. Après que toutes les patrouilles furent revenues, des ordres furent donnés que chacun retourne à son poste. Nous rentrons à Ingrandes sur les quatre heures du soir.

Ce 18 octobre 1793, à la pointe du jour, une patrouille de cavalerie partie d’Ingrandes, pour aller du côté de Varades, s’est avancée trop avant. La cavalerie des brigands qui les observait cherchait à leur couper le chemin. Ils se sauvèrent à la hâte, à l’exception du fils LECERF de Champtoçé, dont le cheval s’abattit, et il fut fait prisonnier par les brigands. On rapporta à Ingrandes, quand la patrouille fut rentrée, que LECERF et plusieurs autres avaient été tués, que les brigands avaient une bonne cavalerie et que nous n’étions pas en sûreté. Sur les onze heures du matin, les brigands, sur la rive gauche de la Loire, ont dirigé leur artillerie sur la ville d’Ingrandes. Ils avaient deux ou trois pièces de canon qui tiraient continuellement, un coup n’attendait pas l’autre. Ils appointaient toujours le plus du côté du Mesurage ; on ne pouvait passer sur l’Arche Dorée et la levée de l’étang sans courir les plus grands risques.

Ce jour là, Monsieur BRICE, Aubergiste à l’Arche Dorée, étant à la porte, fut blessé d’un coup de canon qui lui emporta les deux talons, CHARRIER, chapelier, eut son canon de fusil faussé par un coup de canon, en passant sur la levée de l’étang. A l’instant où j’y suis passé, j’ai vu un boulet de canon rouler près de moi au bas de la levée ; le coup avait porté dans l’empattement. Deux autres coups sont tirés de suite, les boulets ronflèrent à côté de grand nombre des habitants d’Ingrandes et de la Rue du Fresne, ainsi que de quelques femmes et enfants chargés de ballots qui sont restés jusqu’à deux ou trois heures de l’après midi. Il est arrivé à Champtoçé un détachement d’environ 800 hommes de troupe avec deux pièces de canon pour venir à Ingrandes. C’est TABARY, dont j’ai déjà parlé, qui commandait à Ingrandes et était arrivé à Champtoçé avant nous avec sa putain. Elle était là à donner des ordres au canonnier de la garde ( il y avait un canon braqué sur le grand chemin) et était habillée en homme. Nous avons erré longtemps dans le bourg de Champtoçé ; après, la troupe s’est mise en mouvement, nous avons fait la route d’Ingrandes où nous sommes arrivés vers les quatre heures. Nous n’étions pas plus tôt arrivés que le bruit se répand que l’armée, qui avait fait sa position à la Riottière, se repliait encore sur Champtoçé, et que les brigands approchaient d’Ingrandes. Quel parti prendre ? J’ai « pouint » balancé à me décider, le matin que "j’avais parti", j’avais regretté de ne pas avoir emmené ma femme et mes deux enfants, mon garçon âgé de 7 ans et demi et ma fille âgée de 3 ans. Eh bien j’assemble ma famille et leur dit le dessein que j’avais de partir et de les emmener avec moi, je n’en dis pas davantage et mon épouse me donna la preuve du sincère attachement qu’elle avait pour moi. Nous partons, nous abandonnons tout, nous prenons ma femme et moi chacun un de nos enfants par la main portant un petit pot où il y avait du beurre et un « pein » de six livres. Ma femme avait un petit ballot et nous arrivons la nuit à la Joubarderie, à un quart de lieue d’Ingrandes, sur le chemin de Champtoçé. Nous demandons le logement en payant pour la nuit à Veuve ROUAULT, fermier de ladite closerie et qu’elle nous accorde. Après que je crus ma famille en sûreté, je fus faire un tour sur le grand chemin du côté de la Villeménard. J’y trouve une partie de la garde nationale d’Ingrandes et plusieurs volontaires. Nous concertâmes ensemble pour faire la garde sur tous les chemins et bivouaquer toute la nuit pour ne pas nous laisser surprendre. Cela fut très mal exécuté, il n’y avait pas d’ordre, les uns voulaient d’une façon, les autres de l’autre, plusieurs dirent « nous voulons retourner à Ingrandes », les autres « à la Riottière », les autres « à Champtoçé », et chacun se disperse. Pour moi je reviens à la Joubarderie où je couchais dans le grenier sur la paille avec les citoyens CHENEAU, tonnelier, COUGEON, marinier.

Le 19 octobre, nous revînmes à Ingrandes où à peine nous fûmes arrivés que le bruit se répandit que les brigands étaient à la Riottière en très grand nombre et que nous n’étions pas de force à leur résister, que nous étions perdus si nous restions plus longtemps. Cela ne m’empêchait pas de dire que tout cela allait très mal, que si les brigands avaient doublé leurs forces comme ils pouvaient le faire puisque ce n’était que leur avant garde qui nous donnait la chasse, ils auraient pu, ma foi, rentrer à Angers. C’est comme l’adjudant général TABARY qui s’est très mal comporté dans cette affaire, il a été guillotiné à Angers avec sa putain. Durant cette bataille, le bonhomme SOUDRY s’est sauvé et s’est retrouvé à Angers. Le dimanche nous nous sommes retrouvés sur le port Ligny ; nous trouvâmes bien une dizaine d’habitants d’Ingrandes. Pierre BOURSIER qui était soldat, et qui avait un grade, nous procura du pain « d’amunition » ; il n’était pas commode d’en trouver pour de l’argent.

Le lundi 21 octobre, nous apprîmes ainsi, à Angers, la fâcheuse nouvelle des habitants, nos concitoyens et des soldats volontaires, qui ont été tués dans la déroute du samedi 19 depuis Ingrandes jusqu’à Saint Georges. On compte 15 habitants d’Ingrandes dont voici les noms : CHABIN père, tailleur, ROBERT père, marinier, Jacques DEFLANDRE ou DEFLANDE, POIPHETON, BODET, BOUET Serge, BOISSARD, porteur de lettres, CHOGOFSE fils, tailleur, CHARRIER, chapelier, BOUCHEREAU, marinier, POUZET de la mine, MARTIN Jean, sabotier, HAMELIN, mort de ses blessures, VERGE, PERDRIAU, huissier, et trente soldats volontaires, presque tous du bataillon de la Sarthe. "Nous ont dit" aussi à Angers que les brigands n’avaient fait aucun mal à la ville d’Ingrandes, à l’exception de quelques maisons où ils avaient pillé.

Les brigands, après avoir passé la Loire à Varades et entrés à Ingrandes le samedi 19 Octobre 1793 sur les neuf heures du matin en sont sortis le lendemain dimanche à peu près à la même heure. C’est l’avant garde qui nous avait donné la déroute le samedi après avoir poursuivi nos citoyens jusqu’à trois lieues d’Angers sur la grand’ route, qui est revenue à Ingrandes le dimanche matin pour rejoindre la grande armée. Ils sont tous partis avec grand empressement suivant la route de Candé, de sorte qu’à dix heures du matin il n’en restait pas un à Ingrandes. Ils ont fait dire la messe avant de partir ; il est étonnant la quantité de monde qu’il y avait ; le chemin, les rues et les maisons étaient plein d’hommes, de femmes et d’enfants et tous avaient l’air bien triste et bien démonté, ayant été forcés comme nous d’abandonner leur pays, la Vendée, dans la crainte de tomber au pouvoir de l’armée des citoyens qui ne faisait grâce à personne et qui tuait tout sans exception, hommes, femmes enceintes, enfants à la mamelle, vieillards, et mettait le feu partout.

J’arrivais à Ingrandes sur les cinq heures du soir, avec une douzaine de mes concitoyens. Notre armée marchait devant nous ; elle avait allumé son camp d’une immense flamme. Ils étaient à la Riottière comme nous arrivions à Villeneuve. Les vendanges n’étaient pas encore toutes faites et les soldats entraient dans les vignes et ont fait un tort considérable.

Pendant que j’étais parti à Angers, ma femme, se sauvant des brigands arrivant à Ingrandes, elle partit pour la Joubarderie avec son fils et sa fille en emportant un ballot. Tout le long du chemin elle eut peur ; elle rencontra des brigands dans un chemin mais qui la laissèrent passer. Les brigands arrivaient en foule à Ingrandes et disaient qu’ils entreraient d’autorité dans toutes les maisons qui seraient fermées et y feraient le pillage. La mère ROCHARD et ma sœur s’étaient beaucoup inquiétées pour ma femme. Enfin, notre sœur aînée, Françoise ROCHARD, eut la hardiesse de venir seule chercher ma femme et mes enfants à la Joubarderie en lui disant de revenir à Ingrandes et que les brigands ne faisaient de mal à personne. Nous logeâmes chez nous quatre hommes de l’Armée catholique et royaliste. Ma femme m’a dit qu’ils étaient très honnêtes et qu’elle n’avait pas eu à s’en plaindre. Ma sœur vint coucher cette nuit là avec ma femme et elles eurent grand peur dans le courant de la nuit, une patrouille de brigands frappait à toutes les portes en disant « ouvrez les portes, nous ne voulons pas qu’elles soient fermées ». Il fallut obéir, se lever, ils étaient les maîtres mais ils avaient bien peur d’être surpris. Ils partirent, comme je l’ai dit le dimanche au matin, et prirent la route de Candé.

FLASH : Le 12 décembre 1793 les Vendéens sont battus devant Angers et Le Mans. Le 23, c’est l’écrasement final de ces derniers devant Savenay. La valeur de l’assignat se réduit à zéro.

En décembre 1793, on me fait appeler pour aller au Comité de surveillance dont je faisais partie. C’était mon cousin ROUSSEAU, sabotier, qui me demandait. Je me rendis au comité où je trouvai le citoyen LANGEVIN, membre du comité, REVERRIER, fils aîné, commandant la garde nationale et deux hommes inconnus. Lesdits citoyens me dirent que les deux chouans (les inconnus) étaient deux brigands qui se rendaient volontairement. On les interrogea. Ils nous dirent que l’armée des brigands était dans le plus grand désordre, que tout le monde se dispersait chacun de son côté et que plus de deux ou trois mille de leurs camarades avaient abandonné ladite armée et se portaient dans les campagnes sur la route d’Ancenis à Angers avec le plus grand désir de se rendre aux municipalités et qu’ils étaient retenus par la crainte qu’on ne les fit mourir, et ceux qui formaient la masse de l’armée des brigands se portaient actuellement du côté du nord pour gagner la Basse Bretagne. Environ une trentaine de cavaliers étaient sur le chemin de la Riottière qui désiraient se rendre. C’était ceux qui étaient déjà entrés en ville et sur la demande qu’ils avaient faite s’il y avait de la troupe à Ingrandes, les femmes leur avaient dit oui et qu’il arrivait souvent des patrouilles de hussards, ce qui leur fit peur et les empêcha d’entrer en ville.

Nous ne savions ce que nous devions croire de tout cela, il ne faut pas se fier à son ennemi. Nous leur fîmes donner à boire et à manger et ils restèrent la nuit dans la chambre du Comité autour d’un bon feu. Pour moi, je m’en fus coucher dans la chambre de la citoyenne COUSSELON. Le citoyen LANGEVIN et PATRICE, le cabaretier, furent assez hardis pour aller en pleine nuit sur le chemin de la Riottière. Ils entendirent du monde et des chevaux ; ils crièrent à une certaine distance « Camarades ! rendez-vous ! venez à Ingrandes, vous n’aurez pas de mal ! ». La petite troupe de brigands s’avance, arrive à Ingrandes avec les deux citoyens susdits qui les conduisent au comité de surveillance. Ils étaient environ quarante avec armes, bagages, chevaux, valises, fusils, sabres et pistolets qu’ils déposèrent volontairement au dit comité et dirent leurs noms qui furent portés sur les registres. Les chevaux furent mis à l’écurie de l’auberge de la Fauvette, les hommes couchèrent comme ils purent, les uns dans les champs, les autres dans les greniers. Ils confirmèrent ce que les deux autres brigands avaient dit : que l’armée était foutue et qu’ils n’en pouvaient plus de misères et de fatigue. Je ne dormis presque point toute la nuit et je sortis à la pointe du jour et je me rendis trouver le citoyen LANGEVIN qui me conta ce qui s’était passé dans le courant de la nuit. Je m’en revins bien joyeux apporter cette bonne nouvelle à ma femme et aux voisins et 400 brigands se rendirent. Cela ne finissait point, il arrivait chez nous environ 400 brigands qui couchèrent dans l’église et nous en envoyons 10 à Saint Florent, par eau, au Général MOULIN sur la demande qu’il nous avait faite pour, disait-il, en tirer des renseignements.

Un homme vint le même jour d’Angers, représentant le représentant du peuple FRANC-CASTEL, pour faire partir de suite et conduire à Angers, au Comité révolutionnaire, tous les brigands qui se trouvaient sur la commune. C’est Gabriel MORIN qui en était porteur. Ce MORIN était commissaire du pouvoir exécutif ; c’était un scélérat, un homme terrible, digne agent du représentant du peuple FRANC-CASTEL. Il voulait de suite emmener les brigands à Angers pour nous donner le temps de rapporter notre procès-verbal, ce à quoi nous nous sommes opposés. MORIN était bien porteur de l’ordre du représentant du peuple mais pas nommé par ledit ordre commissaire pour l’exécution.

Il y avait avec lui plusieurs hussards qui arrêtèrent dans les chemins les brigands qui se rendaient à Ingrandes et leur ôtaient leur portefeuille, argent et montres etc… Même dans l’église, ils troublèrent nos opérations par le bruit qu’ils faisaient pour ôter les montres, portefeuilles, argent aux brigands. Il est étonnant le butin que les hussards ont fait sur les brigands qui se sont rendus à Ingrandes. Nous les fîmes cependant sortir de l’église et l’un d’eux, condamné, fut conduit au corps de garde. Le commissaire MORIN aperçut un petit bateau à terre entre les quais ; il n’y avait personne à garder ledit bateau. Ici, ledit MORIN fit un tapage du diable et dit que l’on laissait les bateaux à terre pour favoriser le passage de quelques brigands dans la Vendée et dénonçait au représentant du peuple à Angers la municipalité et le comité de surveillance d’Ingrandes. Il partit le soir même pour retourner à Angers, et, le lendemain matin il arrivait à Ingrandes avec un ordre, qui était du représentant du peuple, pour prendre les informations contre les fonctionnaires publics qui n’avaient pas rempli leur devoir de faire conduire de suite à Angers tous les brigands qui s’étaient rendus à Ingrandes.

D’après les informations faites par ledit MORIN, commissaire, sur les fonctionnaires publics de la commune d’Ingrandes, elles n’ont pu que leur être avantageuses n’ayant jamais cessé de remplir nos devoirs avec la plus grande exactitude, de sorte que cela est tombé de soi-même et n’a eu aucune suite. Quant au sujet des brigands, MORIN a emmené avec lui, ce jour là, tous les brigands qui se trouvaient à Ingrandes et les fit conduire à Angers par la garde nationale.

A compter du dix neuf décembre 1793, le commissaire MORIN fait plusieurs voyages en emmenant toujours avec lui les brigands qui s’y trouvaient. En l’espace de huit jours, il s’est rendu à Ingrandes, environ sept à huit cent brigands avec 75 chevaux et un fort mulet, qui ont été envoyés à Angers. Au nombre des brigands, qui se sont rendus à Ingrandes, se trouvait le petit CESBRON, fils de négociant à Chemillé, âgé de 12 à 14 ans. Le citoyen MONNIER, procureur de la commune d’Ingrandes, l’emmena chez lui sous sa responsabilité et écrivit au comité révolutionnaire d’Angers. MORIN, qui en avait connaissance, dit que ses pouvoirs étaient au-dessus du comité révolutionnaire et persista pour emmener le petit CESBRON et donna réquisition au comité de surveillance d’Ingrandes pour le faire partir de suite. Nous avions dans ces temps là un représentant du peuple dans nos départements, savoir, à Angers, FRANC-CASTEL, à Nantes, CARRIER. C’était deux monstres dont la conduite abominable fait horreur : ils ont fait fusiller et noyer par milliers, et sans examen des hommes qui se rendaient avec le repentir et la confiance, et dans l’espérance du pardon, des femmes enceintes, des enfants de trois mois, etc… etc…

Le dernier décembre 1793, il s’est rendu à Saint Florent environ 1200 brigands. Le représentant du peuple, FRANC CASTEL d’Angers les envoya chercher et les fit fusiller dans la plaine de Saint Gemmes, sur les bords de la Loire. Après les fusillades, les soldats les dépouillèrent tout nus pour voir s’ils avaient de l’argent caché et jetaient les cadavres dans la Loire. Il en a « baissé » jusqu’à Ingrandes. Trois ont été enterrés dans les sables le long de l’île du Mesurage. Tous les brigands qui se sont rendus ont été conduits à Nantes ou Angers, ont été fusillés ou noyés, les enfants mâles de l’âge de 12 à 15 ans ont été embarqués sur plusieurs vaisseaux pour servir de mousses.

FLASH : En janvier 1794 l’ordre d’extermination, d’incendie de la Vendée et d’exécution automatique des prisonniers, lancé par la Convention, ranime la guerre. Reprise des hostilités sous forme de guérilla.

En janvier 1794, la terreur est à l’ordre du jour dans la commune d’Ingrandes. Il n’y eut que deux femmes de dénoncées, la DESMARET et la TAROU : on ne pouvait s’en dispenser sans courir de risques, encore ne furent-elles dénoncées que comme fanatiques. Madame DESMARET est morte de maladie dans la prison et la TAROU a été renvoyée à Ingrandes. Il est beaucoup de brigands qui se trouvent maintenant dans les communes de Belligné, La Chapelle, Saint Simon ; ces brigands s’étaient sauvés après l’affaire de Savenay. Ils commettent des crimes et ont tué notamment Monsieur de LA GALERIE de Belligné, Messieurs RAVIN et CATERNEAU de Bécon (les Granits), tout cela pour chercher à manger. Ils seraient rentrés chez eux si la peur ne les avait pas retenus.

Mars 1794, la garde nationale d’Ingrandes a toujours été en activité. On a arrêté plusieurs personnes de distinction, entre autres Monsieur MISSET père, directeur des mines et chef des brigands [2], la comtesse de VEZIN, etc… etc… qui ont été conduits à Angers et guillotinés. Le jour de la décade que nous faisions la fête pour la reprise de Toulon, les citoyens volontaires ont amené, à la municipalité d’Ingrandes, un homme qu’ils avaient rencontré sur la route, suspecté par eux d’être un brigand. Sur ce l’officier municipal de la permanence leur a dit de le conduire au comité de surveillance. Chemin faisant, les volontaires l’ont fusillé sur les bords de l’eau devant La Fauvette et l’ont jeté dans la rivière. Ce jour là, il y avait à Ingrandes, une barrique dans le temple dédié à l’être suprême, dans l’église. La municipalité avait invité tous les citoyens dans l’aisance d’apporter au Temple, du pain et de la viande. Une table, dressée dans presque toute la longueur du Temple, était garnie de pains et de viandes de différentes sortes, des cruches pleines de vin étaient posées par distance, enfin tout était préparé pour faire un repas civique avec la plus grande amitié et fraternité.

Qu’arriva-t-il par le défaut d’ordres ?. C’est la confusion qui règne toujours dans les grandes assemblées. Pendant qu’une partie des citoyens étaient à chanter des hymnes et dansaient autour de l’arbre de la Liberté, plusieurs particuliers se permirent de boire et de manger ; cela devint bientôt général, on se jeta sur la viande, le pain, le vin. En moins d’un quart d’heure tout fut mangé. Quand les autres arrivèrent, ils ne trouvèrent plus rien et chacun promit bien de n’y pas être rattrapé.

Le 9 avril 1794, deux volontaires se rendaient d’Ingrandes à Ancenis. Etant sur la plaine de Montrelais, des enfants gardaient des moutons. Un des volontaires demanda, en badinant, un mouton à acheter. Peut-être courut-il pour le prendre… Quatre hommes arrivèrent du côté du Cassoir et l’un d’eux dit au volontaire qu’il avait tort de prendre un mouton. Les volontaires leur dirent que ce n’était qu’en badinant et qu’après tout cela ne les regardait pas. Ils se sont disputés. Les volontaires ont été désarmés, couchés en joue et ratés. Ils ont crié et les volontaires qui étaient leurs camarades sont arrivés. Les paysans se sont sauvés. Les volontaires courent après dans la plaine de Montrelais, ont crié à un de se rendre et de venir à Ingrandes à la municipalité. Ils ont refusé à l’appel. Les volontaires ont tiré et l’ont tué de deux coups de fusil. C’était un nommé DUPUIS de la commune de Montrelais qui était un mauvais sujet. Les brigands se tiennent toujours dans les bois et continuent à voler, piller, et massacrer aux environs de notre pays.

Le 24 mai 1794, jour de la foire d’Ingrandes, les brigands se sont portés au nombre de 50 à 60, en armes, au bourg du Louroux. Les habitants se sont sauvés dans l’église, ont fermé les portes se croyant en sûreté. Les brigands ont mis le feu dans l’église et ont tué quatre à cinq habitants qui cherchaient à se sauver. Ils en auraient tué davantage mais les femmes ont dit aux brigands qu’un détachement de cavalerie arrivait, ce qui a fait qu’ils ont abandonné et se sont sauvés, emportant avec eux une cinquantaine de fusils qui étaient cachés dans l’église.

Le ci-devant Prieur de Saint Augustin (il était marié) et un nommé AUDOUIN, en revenant d’Angers à Saint Augustin, ont été tués par les brigands en plein jour.

Le 27 mai, les habitants de Montjean et Saint Florent ont eu ordre d’évacuer la ville en trois jours, hommes, femmes et enfants. Ils n’ont pu sauver qu’une partie de leurs effets parce qu’il n’y avait pas assez de bateaux. Le reste est demeuré au pillage, à l’abandon, aux citoyens volontaires de la garnison.

Le 3 juin 1794, les habitants de la commune du Louroux et une petite garnison de citoyens volontaires se sont avisés de vouloir débusquer les brigands qui étaient dans un bois mais les brigands, qui étaient en nombre supérieur, ont mis les habitants et 12 à 14 volontaires en fuite. Le 19, Madame BATARD se promenait dans la campagne en compagnie d’un volontaire du Bataillon du Jura qui était en garnison chez elle. En arrivant à Haie Claire deux brigands sortirent du petit bois. Ils se sauvèrent mais les brigands tirèrent plusieurs coups de fusil sur eux. Le volontaire chuta et resta mort sur le chemin. Madame BATARD s’est sauvée. Le 6 juillet, dans la commune de Belligné, le bonhomme TALLANDIER, âgé d’environ 70 ans, a été massacré par les brigands. Le lendemain, le nommé TERTERAIS, même commune, a été tué par les brigands. Le nommé BRU a tué un petit enfant de 3 ans et l’a jeté mort sur le cadavre de son père. Le nommé PINEAU, de Saint Simon, était dans son champ, les brigands l’ont tué.

Du 28 juillet 1794 jusqu’au 7 août, les brigands se sont portés en plusieurs maisons de campagne des communes de Champtoçé, Villemoisan, et Le Louroux et ont tué six hommes.

Nous avons appris l’heureuse nouvelle de l’arrestation de ROBESPIERRE à Paris ; il était membre du Comité de Salut Public. Il a été arrêté à Paris la nuit du 9 au 10 Thermidor, l’An II de la République (nuit du 27 au 28 juillet 1794) avec COUTON et SAINT JUST. Ils voulaient partager la République à eux trois. La municipalité de Paris était de leur parti. Ils ont été guillotinés au nombre d’une centaine, le Maire de Paris, les officiers municipaux et le Conseil Général. ROBESPIERRE était le chef des terroristes et le premier moteur de tous nos malheurs. Après la mort de ROBESPIERRE et de ses partisans, tous les comités révolutionnaires ont été supprimés. On a fait sortir des prisons et des maisons d’arrêt tous les détenus qui ont été reconnus innocents. D’autre part, Louis ROCHARD et plusieurs autres habitants de Saint Florent étaient pour lors détenus au château d’Angers sans savoir la raison pour laquelle on les a renvoyés sans leur dire la cause de leur arrestation.

Le 1er août, une colonne républicaine est arrivée à Mont Glone (Saint Florent) au nombre de 3000 hommes et y est restée 3 ou 4 jours. Elle a mis le feu à ce qui restait des maisons dans la ville. A peine avaient-ils sortis de Saint Florent que les brigands y sont rentrés. Ce qui est remarquable et surprenant, c’est que les quatre moulins à vent situés sur le côté occupé par les brigands à Liré étaient en activité.

FLASH : Les républicains détruisaient les moulins qui servaient aux Vendéens pour émettre des signaux, selon la position des ailes.

Le citoyen NIZAN, qui avait été Général à Ingrandes, a été pris par les brigands du côté de Saint Herblon. On dit qu’ils l’ont attaché à un arbre et qu’ils lui ont crevé les yeux.

Le 8 août, un cavalier d’ordonnance de la garnison d’Ingrandes a été blessé du côté des mines par un coup de fusil tiré par les brigands. Le lendemain, le fils CAILLEAU de « la Duberie » de Saint Simon a été tué en plein jour par les brigands. Il était à travailler à raccommoder son aire pour battre son grain. Le 12 août, le nommé GODIVEAU, métayer et un autre homme de la commune de Champtoçé ont été tués la nuit par les brigands. Le même jour, ces derniers se sont portés dans le bourg de Saint Clément du côté du Plessis Macé, ont tué trois habitants et cinq volontaires de la garnison. Le 15 Août, trois hommes se sont noyés dans la boire de Montrelais (boire= bras mort de la Loire). Ils étaient à pécher du poisson dans la boire en « guéchant » jusqu’à la ceinture. Ils ont enfoncé dans la vase et crié « au secours ». On accourt pour les aider. Ils ont péri tous les trois. C’était DAUDIN d’Ingrandes, et RENARD père et fils de Montrelais. Le 17, il a été tué un volontaire. Les habitants et la garnison de Varades ont fait sortir un détachement, là où couchaient les brigands et ont coupé chemin : ils n’ont rien vu.

Le 5 septembre, au village de la Richardière, commune de Villemoisan, le nommé BLAIN a été tué chez lui par les brigands. Le 7, la famine s’est manifestée à Ingrandes et dans les environs ; rareté de la moulure du grain et la défense faite par les chouans aux gens de campagne, métayers, meuniers, de rien apporter à Ingrandes soit en farine, grain, pas même de bois, sous peine de mort, ce qui nous a conduit à la plus grande misère. Il a fallu avoir recours aux pommes de terre, choux, pois, pommes, etc. etc.

Le 8 septembre, sur les cinq heures du soir, dans la métairie de Landes Rondes, cinq brigands chouans sont entrés dans la maison, ont demandé si Monsieur LEGRAS d’Ingrandes, sa femme et ses domestiques y étaient. Monsieur LEGRAS était fermier de ladite métairie, bien d’émigré appartenant à Monsieur DEMONE. Les domestiques ayant répondu que Monsieur LEGRAS n’y était pas et que Madame et Jean, son domestique, venaient de partir pour s’en retourner à Ingrandes, les brigands se mirent à jurer, disant que LEGRAS, sa femme et son domestique Jean y passeraient, et qu’ils les tueraient s’ils pouvaient les rencontrer. Au même instant entre dans la maison un autre domestique à qui les brigands voulaient aussi du mal. Le pauvre malheureux ne s’attendait pas à ce qu’ils fussent dans la maison. En entendant « Te voilà sacré patriote, tu vas y passer ! » un des brigands lui donne un coup de baïonnette dans le côté et l’homme tombe. Comme le sang se répandait de tous côtés, l’un d’eux dit « sortons le à la porte », ce qui fut fait ; une fois dehors, ils lui ont tiré deux coups de fusil et le pauvre malheureux a expiré.

Le 22 septembre, sur les six heures du matin, la diligence a été arrêtée par les chouans dans le grand chemin d’Ingrandes à Champtoçé, du côté de la métairie appelée « La Rivière ». Une trentaine de brigands ont tiré sur les chevaux et la voiture, et ont blessé le conducteur, un enfant et une femme. Ils ont fait descendre les voyageurs et les ont fait dépouiller nus et en chemise, ont ôté la culotte à un, cependant lui ont laissé un manteau pour se couvrir, ont volé montres en or, assignats, etc…, ont entré dans la voiture et ont pris ce qu’ils ont voulu ; cela a été fait en très peu de temps. Ils ont abandonné la voiture et se sont sauvés dans le bois. Les deux cavaliers citoyens qui conduisaient la voiture se sont trouvés en avant au moment de l’attaque et ont galopé à bride abattue à Champtoçé pour avoir du secours. Un détachement de volontaires est venu mais les brigands avaient disparu. LANDAY, et sa fille bâtarde de 14 ou 15 ans, ont été tués par les chouans ainsi que les chevaux : ils étaient partis chercher du grain.

Le lundi 6 octobre, sur les onze heures du soir, une bande de chouans armés sont entrés chez BONAMY, au Bas Rocher, commune d’Ingrandes. Ils l’ont fait lever de son lit, l’on conduit dans un champ à quelques distances de sa maison et l’ont fusillé. Le lendemain, le cadavre a été apporté à la maison. N’ayant trouvé personne pour le porter à Ingrandes, il a été enterré dans son jardin.

Le 8 octobre, le nommé LANDAIS, boucher d’Ingrandes, est allé à la campagne chercher des moutons. Il a été tué par les chouans dans les Landes de Belligné. Le 16, le nommé GAUTIER, boucher d’Ingrandes, est allé à la campagne chercher un bœuf. Il a été tué par les chouans avec son cheval.

Le 21 octobre, nous avons fait une fête pour célébrer les victoires remportées par les troupes de la République. La garnison et la Garde Nationale sous les armes, la municipalité en écharpe, il a été distribué deux barriques de vin. Le même jour sur les 4 heures du soir, les brigands ont paru sur la rive gauche de la Loire, en face d’Ingrandes. Ils insultèrent les patriotes par leurs propos en criant « Vive le Roy ». Les matelots des barques canonnières, qui étaient des mariniers du pays qui étaient venus à la fête, animés d’ardeur républicaine, et un peu échauffés de vin, ennuyés d’entendre et de voir les brigands qui semblaient les provoquer au passage, se sont embarqués au nombre de huit et ont traversé la Loire, droit devant les brigands. D’autres matelots voyant leurs camarades partir se sont empressés de les suivre et ont passé en bateau en nombre d’environ une douzaine. Ils ont fait la chasse aux brigands qui ont pris la fuite. Ils n’étaient qu’à une portée de fusil les uns des autres. C’était assurément un coup bien hardi. Il est vrai qu’ils se voyaient soutenus par les camarades du grand bateau qui, ayant abordé, se sont un peu avancés dans les terres et ont tiré plusieurs coups de fusil. Ensuite ils ont mis le feu au retranchement où les brigands font leur poste de garde et dans le petit chemin appelé de la « Bonne Vierge », vis à vis Ingrandes ; cela étant fait, ils ont prudemment repassé du côté d’Ingrandes. Le Commandant de la place a fait arrêter l’officier et plusieurs matelots comme ayant passé la Loire sans ordre et consignés au corps de garde. Sur le soir, les brigands sont revenus dans leur poste ordinaire et ont paru au nombre d’environ une centaine et deux cavaliers.

Le 23 octobre, le père GRETEAUX, de la commune de Champtoçé, âgé de 82 ans, a été tué chez lui à coups de serpe par les chouans. C’est un nommé PETIT LOUIS, capitaine des chouans qui lui a coupé la tête. Dans la nuit du 24 au 25, les chouans ont tué un nommé PREAUBERT, aubergiste demeurant au bord d’Ingrandes, chemin d’Angers. Ils ont frappé à sa porte sur les deux heures, après minuit, se disant de ses amis ; sur le refus qu’il avait d’ouvrir, ils lui ont dit de lui parler par la fenêtre. Ce qu’ayant fait, ils lui ont tiré plusieurs coups de fusil et s’en sont allés sans entrer dans la maison. Le 28, un détachement de la garnison d’Ingrandes, avec un commissaire nommé par la municipalité, a été dans les communes de Villemoisan et Saint Simon pour quérir du grain en vertu d’un ordre du département. Ils s’en sont revenus le lendemain ayant amené avec eux 150 setiers de grain, qui ont été distribué, en payant, aux habitants d’Ingrandes, suivant la population de chaque ménage. Le 30, les habitants de Champtoçé manquant de bois, ils ont été avec un détachement de campagne sur leur commune et en ont amené douze à quinze « chartées ». Le 31, les chouans ont mis le feu à des barges de fagots de bois dans la commune de Champtoçé et en ont brûlé plusieurs dix milliers. Ils ont aussi ôté les épieux des « chaix » en plusieurs endroits.

Le 3 novembre 1794, GRIMBEAU d’Ingrandes, vitrier, cabaretier avec TREMBLAY, dit « Monte au ciel », de la Rue du Fresne, ont été à la Poitrière, sur le bord du grand chemin, commune de Montrelais, pour goûter au vin du nommé VAILLANT, métayer dans le cellier de RICHARD de la Cathelinière, à quelques distances de la Poitrière, au midi du grand chemin. Là, s’est trouvé GAUDINEAU d’Ingrandes, marchand d’étoffes. Comme ils étaient dans le cellier, à goûter du vin, sont arrivés six hommes avec habits d’uniforme, qui ont demandé s’il y avait dans ledit cellier des citoyens d’Ingrandes. Ils ont répondu « Oui ! » ; ils ont parlé de s’en venir ensemble à Ingrandes. Etant sortis de ladite maison, ils se sont trouvés 10 ou 15 dans le grand chemin, dont un ayant un « hausse-col ». Ils étaient presque tous habillés en hussards. Les habitants d’Ingrandes prenaient la route pour s’en venir chez eux mais les chouans, car s’en étaient, leur ont dit de les suivre, ce qu’ils ont fait avec quelques difficultés. GAUDINEAU feignant de ne pouvoir marcher et s’excusant de ses infirmités et comme ayant des sabots, il est resté en arrière avec trois chouans. Les autres allaient devant avec GRIMBEAU et « Monte au Ciel ». GAUDINEAU qui était resté et s’est probablement expliqué et à fait connaître aux chouans, ils l’ont laissé aller. Pour les pauvres malheureux GRIMBEAU et « Monte au Ciel », ils ont été emmenés du côté de la Chapelle et fusillés par les chouans et leurs corps jetés dans un trou d’une ancienne mine à charbon qui avait été abandonnée.

Le 7 novembre, le soldat CAVALIER, venant d’Ancenis avec son cheval, a été tué par les chouans dans le grand chemin de la Poitrière. Le nommé CAILLEAU, cabaretier, revenant d’Angers « d’ordonnance », a été tué par les chouans du côté du chemin qui conduit à Bécon. Le 8, les soldats volontaires du côté de La Chapelle ont tué trois chouans, leur ont coupé la tête, les ont portées par les mines à charbon et ensuite à Ingrandes et les ont promenées dans les rues au bout d’un bâton en criant « Vive la République ! ». Spectacle affreux ; je les ai vues, après ça ils les ont jetées dans la rivière ; il était onze heures du matin.

Le 1er décembre 1794, FAVREAU de Montrelais, marchand de fil, a été tué par les chouans en revenant de la foire d’Ancenis.. Le 3, les chouans sont entrés chez PLAISANT, au Chêne Bénit, commune d’Ingrandes, à 9 heures, et ont tué ledit PLAISANT et son fils… et un cochon et ont emmené des couettes de lit. Vendredi 5, un détachement de 28 volontaires de la garnison d’Ingrandes allant à Candé a été obligé de battre en retraite, les chouans lui ayant barré le chemin du côté de la Cornuaille et poursuivi grand train à coups de fusil. Rentré à Ingrandes, il y a un volontaire blessé à la main et plusieurs qui ont perdu leurs souliers. Samedi 6 est arrivé à Ingrandes 17 ou 18 charrettes, chargées de bois de marine, venant du Louroux escortées par 50 à 60 grenadiers de la garnison du Louroux. Arrivés à Ingrandes, ils se sont amusés à boire de façon qu’ils étaient presque tous ivres en s’en retournant à la nuit. Du côté de Beau-Chêne, sur les cinq heures du soir, ils ont rencontré les chouans ; « ils ont été faits repliés à coup de fusil » du côté d’Ingrandes ; les charrettes sont restées au pouvoir des brigands qui n’ont pas manqué de boire une barrique de vin qui était dans une desdites charrettes pour Monsieur LAIR du Louroux.

Le 7 décembre, 14 ou 15 charrettes sont parues à Ingrandes avec une vingtaine de soldats volontaires, venant de Candé, pour prendre à Ingrandes de la paille et du foin. Les chouans les ont rencontrés du côté de la Cornuaille et les ont poursuivis quasi jusqu’à la Charbonnerie. Il y a eu plusieurs volontaires de blessés. Ils sont partis pour retourner à Candé le vendredi 19 Décembre suivant avec des charrettes chargées ; un détachement de la garnison d’Ingrandes a été les conduire presque jusqu’au 2/3 du chemin.

L’amnistie décrétée par la Convention le 2 décembre pour tous les révoltés de la Vendée et les chouans, chefs et autres, enfin pour tous généralement, a été portée le mardi 16 décembre par les officiers et matelots de la barque canonnière au rivage de la partie gauche de la Loire où « étaient » (ils sont) arrivés avec leur toue bastinguée armée et pavillon tricolore. Ils ont crié aux brigands avec un porte-voix que c’était au nom de la Convention qu’ils venaient. Il y eut alors une vingtaine de brigands qui se sont approchés sur le chantier à une distance de la toue d’environ 200 pas et qui ont crié aux matelots de s’éloigner du chantier avec la toue bastinguée, et que s’ils voulaient leur parler, de venir à quatre dans une petite toue de bord sans armes et que quatre d’entre eux s’avanceraient aussi sans armes, ce qui a été fait de part et d’autre. En s’abordant sur le chantier les matelots et les brigands se sont embrassés. L’amnistie leur a été donnée, qu’ils ont reçu en disant qu’il la ferait passer à leurs chefs et qu’ils se soumettraient à leur décision : que si leurs chefs se rendaient, ils se rendraient aussi. L’amnistie portait un mois de délai à compter du 9 Janvier 1795.

FLASH : A priori la date du 9 janvier est réaliste car, semble-t-il, c’est le 2 février 1795 que l’amnistie officielle fut appliquée.

Le 24 décembre 1794, (les hostilités continuèrent) HARDY, un ancien employé qui portait des lettres de la poste, en arrivant à Ingrandes « a » (est) parti avec sa fille et un cheval chercher du grain du côté de Villemoisan. Les chouans l’ont rencontré et ont demandé à l’homme son portefeuille. Il avait 200 livres en assignats et deux lettres adressées à des citoyens du Louroux. Ils lui ont dit qu’ils faisaient correspondance (?) et qu’il fallait qu’ils les suivent pour aller parler à leur officier, ce qu’il a fallu faire sans répliquer. Ils ont aussi emmené son cheval, qui était de louage ; sa fille, ils l’ont renvoyée sans lui faire de mal. Il y avait chez elle son mari, cinq enfants et point de pain. Le pauvre homme HARDY a été tué par les chouans.

Le mardi 6 janvier 1795, jour des Roys, un détachement de 200 hommes de la garnison d’Ingrandes est parti sur les dix à onze heures du soir et fait une tournée dans le bourg et dans l’ouest des paroisses de Saint Simon et Villemoisan. Ils ont entré dans les maisons de campagne et ont trouvé la fête, qui était un ancien usage, de faire réjouissance ce jour là et un repas avec un gâteau entre famille et amis. Les soldats volontaires, sous prétexte de chercher les chouans, ont fait le pillage dans plusieurs maisons. Il s’en est effectivement trouvé dans plusieurs endroits ; il a été tiré des coups de fusil de part et d’autre ; un citoyen berrichon a été tué. Les soldats volontaires ont amené avec eux à Ingrandes, huit hommes suspects d’être du parti des chouans. Ils les ont mis en prison. C’est dans ces jours là que deux habitants de Varades ont été tués par les chouans ; l’un allait au moulin à deux portées de fusil au-dessous de Varades, l’autre en revenant d’Ancenis. Il y a eu des habitants de campagne tués chez eux par des chouans du côté de la Cornuaille.

Jeudi 8 janvier, un détachement de volontaires de la garnison d’Ingrandes, au nombre de 150, est parti avec quatre voitures de convoi militaire pour aller chercher de l’avoine en réquisition dans les paroisses de Saint Simon et Villemoisan. En s’en revenant le même jour, sur les quatre à cinq heures du soir, sur le chemin du côté de la Guêtrie, au-dessus de la maison appelée Beau-Chêne, les chouans s’étaient embusqués des deux côtés du chemin dans les bois et genêts. Ils ont fait une décharge de coups de fusil sur les volontaires et en ont tué cinq. L’officier qui commandait le détachement était un jeune homme sans expérience et était un des premiers à prendre la fuite. La déroute a été complète, les derniers criant « Halte à la tête ! » fort inutilement, ce que les chouans ayant vu et entendu, ils se sont mis en devoir de les poursuivre en grand train. Malheur à ceux qui ne pouvaient courir ! Ils étaient massacrés sans pitié. Ils étaient environ 25 hommes, soldats, volontaires au nombre desquels se trouvait un charretier, conducteur de convoi militaire. Les quatre voitures chargées d’avoine et grain et 7 à 8 chevaux sont resté au pouvoir des chouans qui ont cassé et brûlé des voitures. Le lendemain les paysans des environs ont enterré les morts qu’ils ont trouvés dans les chemins et les ont mis dans les fossés. Les volontaires étaient du 3e bataillon des Côtes du Nord.

Plusieurs habitants d’Ingrandes, voulant profiter de l’occasion, quand le détachement « a » parti, avaient donné pour mission aux soldats de ramener du petit grain, ce qui a surchargé les voitures. Tout a été perdu.

En ces jours là, un nommé LUBIN, cuisinier à Ingrandes, et JUTEAU, père et fils d’Ancenis, ont été tués par les chouans du côté d’Anetz.

En ce temps là, je couchais tout habillé et ne dormais presque point. Lorsque la générale battait, ce qui arrivait souvent, je mettais un morceau de pain sec dans ma poche, avec une petite bouteille d’eau de vie, et j’attendais l’événement à la garde de Dieu.

Le 8 janvier 1795, jour de la conversion de Saint Paul, un ancien proverbe dit « l’hiver se casse ou c’est des loups en face ». Ce jour là qui était un dimanche, il a fait un froid, mais un froid à ne pouvoir résister au grand vent bise. Ce qui a de bien surprenant, dans la nuit du dimanche au lundi, le dégel est venu tout à coup, petite pluie et le vent bas, et a continué trois ou quatre jours jusqu’à ce que la glace ait fondu et la rivière nous serve de barrière. Si le dégel était venu un jour plus tard, nous aurions été attaqués par les chouans ou les brigands mais Dieu ne l’a pas permis. Il est prouvé que l’hiver a été plus froid qu’en 1788, de quelques jours de moins long, à huit jours près. En 1788, l’hiver a commencé à la Sainte Catherine, le 15 Novembre et a fini le 12 Janvier 1789.

Le 2 février 1795, jour de la Chandeleur, le brave Sébastien MARCHAND, menuisier, âgé d’environ 80 ans, a été tué à l’entrée du chemin de la Combaudière, à venir au grand moulin ; on croit que c’est par des hussards. Le même jour, du côté de Saint Herblon, un détachement de volontaires ayant été chercher du fourrage dans la « galarne », les chouans les ont mis en déroute,, ont tué au moins une cinquantaine de volontaires, mis le feu dans les voitures chargées de fourrage et même jeté dans le feu plusieurs volontaires qui étaient blessés. En même temps à la maison de l’autre route (?) il était tué par les chouans cinq volontaires dont les cadavres sont restés dans le grand chemin. Des Volontaires de la même compagnie ont été emmenés dans les bois, à l’écart, et il est probable qu’ils ont été fusillés. Deux autres se sont sauvés. Ils étaient quinze.

Jeudi 5, au matin, plusieurs volontaires de la garnison, sur les mines à charbon, ont été dans un champ, du côté de Boilong, pour prendre des navets pour faire la soupe. Des chouans se sont trouvés de ce côté là et ont tiré sur eux ; il y a eu un volontaire de tué (c’était un tambour) et un autre blessé. Mardi 10 février, sur les quatre heures du soir, les chouans ont attaqué un bivouac de volontaires du côté de la Faucherie, à une demi-lieue du côté de Varades, sur le bord du grand chemin. Il a été tué une douzaine de volontaires. On dit que les chouans ont jeté dans le feu du bivouac plusieurs volontaires qui étaient blessés. Le même jour, il a été tué dans le grand chemin, du côté de Varades, un hussard de la garnison d’Ingrandes. Vendredi 13, Monsieur VILAIN, un fournisseur de fourrage à Ingrandes, un maréchal des logis des hussards, un officier de la barque canonnière, tous les trois à cheval s’en revenant de Champtoçé à Ingrandes sur les deux heures après midi ont été attaqués par les chouans sur le grand chemin, à l’endroit appelé Pont Thébaud, entre deux bivouacs de volontaires. L’officier de marine a été tué et déshabillé, nu en chemise sur la place ; il a été tué deux chevaux ; le hussard et Monsieur VILAIN se sont sauvés.

Les 24 et 25 mars 1795, des bataillons et détachements ont passé et logé à Ingrandes sans avoir de pain. Jamais nous n’avions eu une si grande misère. On craignait que les soldats ne se fussent portés dans les maisons des habitants pour avoir du pain qui leur aurait servi de prétexte pour faire le pillage.

Vendredi 27 mars, depuis plusieurs jours la garnison de Montrelais « avait désemparé », de sorte que les chouans allaient et venaient à Montrelais, qu’ils buvaient, qu’ils mangeaient chez les particuliers et ne faisaient de mal à personne. Les habitants commençaient de prendre confiance mais ils se trompaient. Les chouans sont entrés sur le soir dans la maison du citoyen JAMIN, officier municipal, et l’ont massacré chez lui à coups de fusil et de baïonnette. Ils se sont ensuite portés chez le nommé CAILLAUD ; après l’avoir fait sortir de chez lui, ils l’ont fusillé à la porte. Le lendemain, sur les cinq heures du soir, un détachement de volontaires, de la garnison dans les mines de charbon, étant venu à Ingrandes chercher des vivres, et s’en retournait, lorsqu’en passant à l’endroit appelé les Patis de Beauvais (Beuvas), ils ont rencontré les chouans qui se sont moqués des volontaires et leur ont dit « pauvres patauds ! vous mourrez de faim, vous feriez bien mieux de crier avec nous Vive le Roy », invitation qui n’a pas plu aux volontaires. Ennuyés de les entendre, ils ont tiré sur les chouans plusieurs coups de fusil. Le combat s’est engagé, la fusillade a été forte des deux côtés. Les volontaires étaient prêts d’être assommés lorsqu’il leur est arrivé un renfort de plusieurs garnisons voisines. Il était temps. Les chouans ont battu en retraite. On ne parle pas de personnes tuées, à l’exception d’un officier sous-lieutenant des volontaires qui avait été blessé à la cuisse d’un coup de fusil dans le commencement de l’action, comme il était sur le détachement. Ses camarades l’ont soutenu pendant quelque temps mais, étant trop pressés par les chouans, ils ont été obligés de l’abandonner dans cette cruelle extrémité. Ce pauvre jeune homme a dit à ses camarades : « je suis un homme mort, prenez mon portefeuille et ma montre et sauvez-vous ». Ayant tombé au pouvoir des chouans, il a été massacré sans pitié.

Le 30 mars, à minuit,, on a battu la générale à Ingrandes, comme une patrouille de volontaires, remontant la chaussée du côté des vignes, a entendu du bruit ; elle cria « Qui vive ?! ». On répond « Républicains, avance au mot de ralliement ! » mais, au lieu d’avancer, ils ont fait une décharge de plusieurs coups de fusil sur les volontaires qui ont été obligés de rentrer à Ingrandes. Il y a eu 2 ou 3 blessés mais du côté d’Ingrandes.

Le 9 avril, encore point de pain à Ingrandes pour les soldats, ceux des mines à charbon de la Riottière et les Berrichons, qui sont au Cassoir, qui ont couru par les campagnes par bandes de 40 à 50 hommes armés. Ils entraient dans les maisons, prenaient tout ce qu’ils voulaient, pain, beurre, lard, etc… et vidaient les armoires sous le prétexte disaient-ils qu’il y avait du pain caché. C’était pour mieux voler le linge, assignats, argent. Les chouans indignés d’une conduite aussi révoltante se sont assemblés. On a tiraillé plusieurs coups de fusil. Il y a eu deux volontaires de tués du côté de la Charbonnerie. C’était deux Berrichons. Les chouans ont fait des patrouilles pour protéger la campagne. Ils ont paru le vendredi, environ une centaine, avec de la cavalerie dans le grand chemin du côté de la Villeménard et du Bois Baudet. La garnison d’Ingrandes s’est mise sous les armes et a sorti de la ville, les chouans sont rentrés dans la campagne et nous en avons, encore cette fois là, été quittes pour la peur.

Le 21 avril 1795, le 25e Bataillon de réserve a quitté les mines à charbon. Des volontaires dudit bataillon sont restés en arrière et, suivant la coutume, ils étaient à piller dans les maisons. Les chouans leur ont donné la chasse. On dit même qu’ils en ont arrêté quelques-uns uns qui, probablement, ont été fusillés. Ce qu’il y a de vrai, c’est qu’un volontaire a été amené à Ingrandes ce jour là qui avait attrapé un coup de fusil qui lui avait traversé les deux cuisses.

Le dimanche 26 avril, au matin, à la pointe du jour, des volontaires se sont avisés d’aller frapper à la porte de TAVENARD à la métairie de la Valinière qui leur a demandé ce qu’ils voulaient. « Ont dit qu’ils voulaient du pain ». TAVENARD leur a « représenté » qu’on ne pouvait suffire à leur en donner tous les jours. Ils ont persisté et se sont mis en devoir d’enfoncer la porte, ce qu’ils auraient fait sans l’arrivée des chouans qui ont tiré plusieurs coups de fusil sur les volontaires, de sorte qu’ils ont pris la fuite ne se voyant pas les plus forts. Un volontaire ne pouvant suivre ses camarades « a » (est) tombé au pouvoir des chouans.

Le 29 avril, plusieurs volontaires du bataillon de réserve de la garnison de la Riottière, au nombre d’environ une trentaine, se sont portés à la campagne du côté des Landes et autres villages, sont entrés dans les maisons et ont emporté ce qu’ils trouvaient de pain. Les chouans leur ont donné la chasse et ils se sont repliés jusqu’à la maison du Belvédère, sur le bord du grand chemin, proche de Villeménard où lesdits grenadiers, se voyant soutenus par un bivouac de volontaires qui étaient là, et par un détachement de la garnison d’Ingrandes, se sont retournés sur les chouans qui, à leur tour, ont pris la fuite. Il y a eu un chouan de tué, on a dit que c’était un déserteur, on le croyait à cause de son habit de grenadier. Il a été reconnu que c’était un homme nommé MERCIER de la commune de Champtoçé, qui avait demeuré à la maison de LANCREAU. Il avait sur lui une montre d’or et environ 400 livres d’assignats que les grenadiers ont partagés après l’avoir dépouillé. Il avait un gilet rouge et un habit de grenadier.

FLASH : Le 17 mai, un Traité de Paix, dit de La Jaunaie, est signé entre la République et les Vendéens.

Le 23 mai 1795, veille de la Pentecôte, on a publié à Ingrandes le fameux décret de la Convention Nationale qui démonétise les assignats à face royale. Tout le monde a vu ça d’un mauvais œil, excepté quelques individus enrichis par la Révolution, qui se réjouissaient des calamités publiques. En ce jour là, la garde nationale d’Ingrandes s’est dissoute, les habitants étaient si ennuyés de monter la garde qu’il ne se trouvait plus personne.

Le 26 mai, le lendemain des fêtes de Pentecôte, la foire s’est tenue à Ingrandes et il y avait beaucoup de monde, des chouans et des habitants de la Vendée. La journée était tranquille et c’était calme lorsque sur les 9 à 10 heures du soir on a battu la générale. La cause était que plusieurs garçons, s’en revenant de la foire, s’étaient rassemblés dans un cabaret appelé Belvédère, sur les bords du grand chemin, face à Villeménard qui, étant un peu échauffés par le vin, criant « Vive le Roy » et tiraient en l’air des coups de fusil. On dit même qu’ils « contribuaient » les personnes et qu’ils avaient ôté la cocarde tricolore à plusieurs personnes. Un détachement de la garnison d’Ingrandes s’y est porté. Le rassemblement s’est dispersé ; on en a arrêté plusieurs, dont un a été conduit à Angers.

FLASH : Le 8 juin le petit roi LOUIS XVII meurt en prison. Les hostilités reprennent…

Le 21 juin, à quatre heures du matin, on a battu la générale à Ingrandes : les chouans ont tiré des coups de fusil sur les sentinelles du poste de la Riottière. Un détachement de la garnison d’Ingrandes y a été et les chouans ont pris la fuite. Dans ces jours là, il fut arrêté plusieurs chouans à Ancenis. Les chouans ayant arrêté la diligence sur la grand’route et emmené avec eux plusieurs voyageurs en disant qu’ils les rendraient que quand on leur rendrait leurs camarades. Ce qui a été fait de part et d’autres.

Le samedi 11 juillet, la nuit, les chouans ont tué, dans leurs maisons sur les mines à charbon et dans les environs, trois hommes qui se nommaient BABEAU, JOLY, CAMELOT, et trois femmes, la MINOTTE, la mère et la fille CAQUOTTE..

La colonne, partie d’Angers au nombre d’environ 2000 hommes, a fait une tournée par Bécon, Le Louroux, Pontrond, est arrivée à Ingrandes le dimanche 12 sur les six heures du soir. Les soldats se sont écartés sur la route, à droite et à gauche, et on fait tout le mal possible, tué, pillé et volé dans les maisons tout ce qu’ils ont trouvé. Le fils POIRIER, des Brosses, avait été tué et plusieurs autres habitants des campagnes connus pour de très honnêtes gens, mais ils ont eu le malheur de se trouver sur le passage de la colonne républicaine. Les uns travaillaient dans leurs champs et jardins le samedi, les autres le dimanche en s’en revenant de la messe des paroisses voisines, plusieurs dans la cour de Pontrond. On dit que dans tous ces différents endroits il en bien été tué une douzaine. A entendre dire par les volontaires que les chouans, au nombre de quarante, étaient postés du côté de Pontrond entre un petit bois et une lande. Voyant avancer l’avant-garde de la colonne, ils ont tiré plusieurs coups de fusil, mais que, les grenadiers et chasseurs, ayant pris à droite et à gauche, lesdits chouans s’étaient sauvés et que les volontaires, qui étaient à leur poursuite, avaient tué indifféremment tous les hommes qu’ils avaient rencontrés parce que, disaient-ils, c’était tous des chouans. La colonne étant près d’arriver à Ingrandes, du côté du grand moulin, le Général BLAYE, qui la commandait, leur a fait faire halte pour faire la revue des sacs. Les pillards chargés de butin, fils, beurre, linge, les jetaient dans les haies et dans les vignes, une partie de ce qu’ils avaient volé. Ils demandaient à ceux qui étaient à les regarder si on voulait acheter leurs effets. Il n’y avait pas beaucoup de presse : l’honnête homme voyait avec peine l’insubordination du soldat, son peu de respect pour les lois, les personnes et les propriétés. Il ne faut pas se le dissimuler : l’enthousiasme de tous les soldats pour soutenir la République et leur ardeur pour détruire les brigands et les chouans n’est, dans le fond, que le désir du pillage. La réflexion que je fais n’est malheureusement que trop prouvée par ce qui s’est fait dans la Vendée, et ce qui commence à se manifester dans notre pays. Je m’écarte de mon objet, reprenons notre journal...

Le 13 juillet, un lundi matin, la colonne est partie d’Ingrandes pour retourner à Angers. Les gens, voyant le peu de forces que nous avions en garnison, ont laissé provisoirement 50 ou 60 grenadiers. Nous avons passé cette journée dans la plus grande inquiétude. Nous nous attendions à tous moments à être attaqués par les chouans. On a chargé dans les bateaux quantité d’effets, malles, linge, couettes, par précaution en cas d’événements fâcheux. Plusieurs habitants sont partis à pied, à cheval et en bateau pour Angers. La nuit du 13 au 14 Juillet, plusieurs habitants ont couché dans les bateaux, au milieu de l’eau. Mardi 14 Juillet, sur les onze heures du matin, au moment où on croyait être tranquille, on a battu la générale à Ingrandes. Un bruit se fait entendre d’un bout à l’autre de la ville : « Les voilà ! les voilà ! ». Ils ont un drapeau blanc et ils descendent en foule du côté de la Villeménard, sur le grand chemin. « Ah ! Mon Dieu, nous sommes perdus ! ». Voir les volontaires courir aux armes, le monde courir dans les rues, les enfants crier, les boutiques se fermer, tout cela se fait à la fois, on se jette avec confusion dans les bateaux qui se trouvent sur le rivage. Hommes, femmes, enfants, jamais je n’ai vu tant d’empressement pour se sauver. Depuis la Révolution, la consternation n’avait pas été plus grande.

Incertain du parti à prendre, je me réfugie dans un bateau revenu l’après midi à Ingrandes. Les chouans étaient partis. Encore cette fois, nous en sommes quittes pour la peur.

Le dimanche 19 juillet, la municipalité d’Ingrandes a fait assembler les habitants pour organiser la garde nationale conformément à un nouveau décret. Le lendemain, sur les six heures du soir, j’étais chez Antoine, mon voisin ; on a crié dans les rues « Aux armes ! Aux armes ! Voilà des chouans ! ». Je sors de chez Antoine pour aller chez nous. Ma femme venait au-devant de moi pour m’avertir. Je vois tout le monde, volontaires, hommes, femmes et enfants courir et crier tous ensembles Je vais dans notre jardin ; ma petite fille Jeanneton me suit ; de tous côtés on entend tirer des coups de fusil, la générale commence à battre, on n’a pas le temps de continuer, les chouans attaquent tous les postes à la fois. Ils se répandent dans la ville par tous les chemins, rues et venelles. La garnison n’a pas le temps de se rassembler. Il n’y avait, pour lors, de retrait que la rivière, sur les bords de laquelle se trouvaient plusieurs bateaux.

On s’est jeté dedans à corps perdu, avec tant de précipitation, que plusieurs volontaires « ont tombés » dans l’eau et manqué de se noyer. Mon fils, René François, vint me trouver au jardin en pleurant et en disant : « Mon papa,, venez donc vous embarquer ! ». J’accours mais il n’était plus temps, les bateaux étaient au large. Incertain du parti que je devais prendre, je me cachais dans notre pressoir ; je ne m’y trouvais pas en sûreté et y restais environ deux heures. La barque canonnière, placée un peu au-dessus de chez nous, faisait un feu continuel, chargée à mitraille à coups de boulets. Les chouans, au coin des maisons, et par les fenêtres, tirent des coups de fusil sur la barque et les bateaux en criant « Vive le Roy ! ». Une autre barque canonnière, placée au Mesurage, faisait la même manœuvre et les chouans ripostaient à coups de fusils. Dans les rues, les citoyens qui étaient rencontrés par les chouans, étaient fusillés. Le citoyen BAREAU, habitant d’Ingrandes, caché dans le jardin de la cure, s’étant avisé de passer par-dessus le mur pour traverser la place du Grand Louis, était (fut) aperçu par les chouans, arrêté et fusillé sur ladite place. On compte une dizaine de morts sur la levée du Mesurage dont quatre soldats, un volontaire et deux chouans. Le fils FORET, de la Chapelle, dit CALOTIN, et d’autres volontaires, ont été tué dans les vignes en fuyant ; le cheval d’un officier chouan, dit Sans Quartier, a aussi été tué au-dessus du Grand Moulin de la Riottière. Le tir du canon des barques canonnières et la fusillade ont duré une heure et demie.

Les chouans, maîtres de la ville, pouvaient faire bien du mal, s’ils l’avaient voulu. On craignait fort le pillage, mais on dit qu’ils avaient promis à leur chef qu’ils ne voulaient pas le faire et ils ont tenu leur parole. Il n’y a que chez Pierre ERAULT qu’il a été pris quelques effets. Les chouans sont restés à Ingrandes environ deux heures, de sorte qu’à six heures du soir, tout était fini. Le total des morts, ce jour là, était d’environ une quinzaine. Nous avons passé la nuit dans la plus grande inquiétude.

Le mardi 21, au matin, quantité d’habitants et de volontaires réfugiés la veille sur les barques canonnières étaient rentrés à Ingrandes pour prendre des provisions, lorsque vers sept heures du matin, on a crié « Voilà les chouans ! ». Aussitôt chacun court aux bateaux pour y embarquer. La barque canonnière, se trouvant surchargée, a enfoncé au milieu de l’eau. Malgré les prompts secours qu’on lui a apporté cela n’a pas empêché qu’il s’est noyé beaucoup de monde, on compte une dizaine de volontaires et d’habitants, le citoyen CHEVALIER, maréchal, et le petit VIGNERON… Les chouans ne sont pas venus ce jour-là… Mercredi 22, sur les une heure de l’après-midi, à Ingrandes encore une autre alerte : on dit que les chouans arrivent avec de la cavalerie…, c’était une patrouille de hussards républicains et un détachement d’infanterie de la garnison de Saint Georges.

Vendredi 24 juillet, nous apprenons à Ingrandes que les chouans sont entrés dans la maison GAUDIN, au Cassoir, et ont tué Monsieur GAUDIN, sa fille et ses domestiques.

FLASH : 26 juillet 1795, les émigrés débarquent à Quiberon. Le général HOCHE les écrasera après quatre semaines de combats.

Ce même 26 juillet, par ordre du Général et de la municipalité d’Ingrandes, on a travaillé à faire des retranchements et à boucher toutes les venelles. Le PETIT LOUIS, capitaine des chouans des environs, a été tué ce jour-là par un hussard. PETIT LOUIS était un fameux coquin, un scélérat de la pire espèce.

Le 1er août, la garnison d’Ingrandes n’avait pas de pain. Les soldats allaient en détachement par les campagnes et entraient dans les maisons pour avoir du pain, du lait, du beurre, etc… La municipalité a fait publier une invitation à s’assembler pour aller de suite travailler au retranchement. La première compagnie d’ouvriers et de commissaires, pour surveiller les travaux de la Nation, fournissait le pain et la viande. Le lundi d’avant, la municipalité d’Ingrandes a fait défendre aux habitants d’acheter à des volontaires ce qui était présumé venir de pillages.

Le 4 août, la garnison d’Ingrandes n’avait pas de pain. Les groupes de soldats se formaient dans les rues et le résultat de leurs discours et les jurements affreux étaient qu’ils allaient partir de suite pour aller fourrager à la campagne, ce qui n’a pas manqué. On a battu la générale pour les rappeler mais fort inutilement. Le 6, jour de la Foire d’Angers, la Saint Sauveur,, le citoyen MAIGRETTE, aubergiste au Lion d’Or de Saint Georges s’en revenait avec sa voiture et il a été arrêté par les chouans. Heureusement pour lui, il s’est trouvé sur la route un détachement de volontaires qui lui a sauvé la vie, mais il a perdu ses chevaux.

Le dimanche 9, environ deux cent hommes, la plupart des Allemands, étaient partis vers deux heures faire un tour du côté de Villemoisan. Ils avaient surpris des chouans et mis en fuite plusieurs d’entre eux, s’étaient emparés de ce qu’il y avait dans les camps, pain, vin, viande ; ils se croyaient les maîtres et dans cette persuasion se livraient au pillage dans toute la campagne. Les chouans les observaient et, voyant leur désordre, se sont ralliés et sont tombés dessus. Les braves volontaires ont soutenu le feu, il y a eu plusieurs blessés, entre autre un capitaine allemand et un autre officier. Les lâches pillards ont pris la fuite et la retraite s’est faite sur Ingrandes. Je les ai vus dans le champ de foire, couchés sur l’herbe changer de chemise. Ils étaient accablés de fatigue et par le plus fort de la chaleur, on a mis les blessés dans l’église. Il y en avait une douzaine, dont plusieurs blessés à mort. Dans la nuit du 9 au 10, une heure après minuit, on a battu deux fois l’ordre de rassembler la troupe. Les soldats fatigués ne se présentant point, on a battu la générale. Un prêtre qui disait la messe sur les mines a été pris, fusillé et massacré à coups de sabre. Il s’appelait PELOUSAIN, frère de Monsieur PELOUSAIN, dit Le Lion, chef des chouans, la colonne du Patis de Bauvas. Les chouans nous ont attaqués. L’affaire a été chaude, une fusillade soutenue. Nous avions ignoré quel côté avait l’avantage ; nous entendions « près de la Haie Claire » très à clair, pour la troisième fois en 24 heures. On a sonné la générale, enfin les chouans ont plié avec perte. Les volontaires les ont poursuivis – pas loin – ensuite ils sont rentrés à Ingrandes. Il y en a un qui passa avec une étole à sa ceinture.

Le 16 septembre 1795, la nuit, les chouans ont pris et emmené 120 moutons du côté de Montrelais appartenant au citoyen VOISINE, boucher d’Ingrandes. Le vendredi 18, la garnison d’Ingrandes, souvent en détachement, a été plusieurs jours sans pain. On leur a donné du riz.

Le 22 septembre, les hussards de la garnison d’Ingrandes, ayant été à la découverte, ou pour mieux dire au pillage, du côté du village de la Malnoue, ont surpris quatre chouans dans une maison. Trois se sont sauvés, le quatrième a été pris, amené à Ingrandes et conduit à la barque canonnière. Il s’appelle Jean LEBLANC, de la paroisse de Saint Léger ou des Essarts. Il était déserteur des troupes de la République. Il a été conduit à Angers.

FLASH : Le 2 octobre le Comte d’Artois, frère du Roy, débarque à l’Ile d’Yeu.

Le 4 octobre 1795, un dimanche au matin, la nouvelle s’est répandue dans la ville que plusieurs habitants d’Ingrandes étaient en arrestation. J’ai trouvé du nombre Messieurs RELME, BOURNEUF, de la Charbonnerie,, ainsi que Françoise BELLANGER, domestique au Bois Baudet, et la femme NICOT. On dit que c’est Jean LEBLANC qui les a dénoncés. Ils ont été conduits à Angers, mais le chouan s’était sauvé de prison. La dénonciation était nulle. Ils ont été renvoyés.

Le mercredi 7, et les jours suivants, on a fait les vendanges à Ingrandes. Les chouans se sont portés dans les vignes du nord du Grand Chemin, ont arrêté les hommes de vendanges en plusieurs endroits en disant aux vendangeurs que la dîme leur appartenait. Ils n’ont fait de mal à personne. Moi, SOUDRY, j’étais avec mon fils, René François, et mon vendangeur. J’étais dans les vignes de la Bizelière. On m’a dit « sauvez-vous ! Voilà les chouans ! ». Je les voyais venir à nous ; quel parti prendre ? Si j’avais couru pour m’en aller, ils m’auraient tiré des coups de fusil. J’ai (je suis) resté. Les chouans étaient à cinq dont l’un qui était probablement officier, ayant un plumet noir à son chapeau, que j’ai reconnu pour être ROBIN, dit « Mademoiselle ». Il demanda à qui appartenait la vigne que nous vendangions. Je lui dis qu’elle était à moi et, prenant la bouteille, je lui demandais s’il voulait boire un coup, ce qu’il accepta. Ensuite il nous dit : « Il faut nous payer la dîme »… « Je veux bien… ». L’accord fut fait pour quinze francs. Je n’avais alors que trois livres que je lui donnais à compte. Il fut convenu que je donnerai douze francs à MERCIER, mon closier de la Charbonnerie, pour leur remettre. J’ai tenu parole.

NOTA : C’est par erreur de date que l’anecdote des vendanges qui m’est personnelle est portée ici, elle n’a eu lieu que le 6 novembre 1799 [3].

Le 12 octobre, la nuit du lundi au mardi, les chouans ont enlevé 52 barriques de vin du pressoir de Beaubuisson, appartenant au citoyen Jules GAUDIN, comme fermier. Le 15, au même (GAUDIN), un cheval et quatre tonnes de vendanges.

FLASH : Le comte d’Artois rembarque pour l’Angleterre.

Dans la nuit du 10 décembre, deux sentinelles, en faction au poste de la Bastille, ont déserté. Le 11, sur les quatre heures de l’après-midi, un détachement d’environ cent hommes de la garnison d’Ingrandes, s’en revenant de Saint Georges où ils avaient été pour faire charger du bois avec le citoyen DELAITRE, fournisseur, le détachement escortant deux caissons chargés de pain pour Ingrandes, ont été attaqués par les chouans dans le grand chemin, en arrivant du côté de la Créchette. Les chouans étaient embusqués derrière les haies et fossés à la montée de l’arche à la rivière, de ce côté ci d’Ingrandes. L’avant garde des républicains était de neuf hommes, qui allait en avant, le détachement étant à très grande distance. Ils se croyaient rendus en sûreté lorsque tout à coup les chouans, qui étaient embusqués, ont pris l’avant garde entre deux feux. A la première décharge, il est tombé trois citoyens, les autres se sont sauvés dans les vignes. Huit d’entre eux sont restés au pouvoir des chouans. Le détachement, qui était pour lors au bas de la montée, a essuyé une forte fusillade et riposté avec la même ardeur, mais les chouans avaient l’avantage étant sur la hauteur en tirailleur. Le feu a été très vif de part et d’autre et a duré une forte demi-heure.

On a battu la générale à Ingrandes, le détachement de la garnison court au secours de leurs camarades ; les chouans se sont écartés, les républicains sont entrés à Ingrandes sur les cinq heures du soir, après avoir perdu trois ou quatre hommes morts qu’ils ont rapportés jusqu’à l’entrée du Mesurage, ensuite jetés à la rivière par ordre des officiers. Il y a eu plusieurs citoyens de blessés dont deux, emmenés dans une voiture, sont morts dans la nuit. Les autres furent conduits en bateau à l’hôpital d’Angers. Il y eut aussi trois chevaux de tués et les caissons, chargés de pain, renversés dans le grand chemin.

Le 18 décembre, ce jour là, mon fils René François, âgé de 9 à 10 ans, n’avait pas d’école. Il était allé, avec trois de ses camarades à peu près du même âge, dans la prairie du côté de la Combaudière pour couper les osiers pour faire des hottes pour prendre des oiseaux. Ils ont aperçu des chouans à vingt pas d’eux dans le petit chemin qui conduit au grand moulin et d’autres qui descendaient de la vigne de la Bizelière. Les pauvres enfants ont fui et ont eu grand peur et ont accouru de toutes leurs forces à Ingrandes. Ils arrivaient lorsque le premier coup de canon, tiré par les citoyens, est parti. Heureusement les chouans n’ont pas tiré sur eux ; ils ont même entendu dire « ce sont des enfants ! », mais ce qui faisait le danger plus grand pour eux, c’est qu’il y avait deux ou trois volontaires qui se promenaient dans la prairie. Il faisait très beau…

Le 31 décembre 1795, les volontaires ont fait du pillage. Le lendemain plusieurs habitants de la campagne, hommes et femmes, chez qui on avait fait le pillage, sont venus se plaindre au commandant de la place d’Ingrandes qui a fait assembler toute la garnison. Plusieurs volontaires ont été reconnus et mis en prison. Les effets ne sont pas retrouvés. J’ai entendu des volontaires qui faisaient des menaces terribles contre les habitants des campagnes, à cause qu’ils étaient venus se plaindre.

Le 14 janvier 1796, à deux heures de l’après-midi, il faisait très beau, Madame MONNIER, femme du notaire, et sa grande sœur, MERCIER, étaient à se promener, suivant leur coutume, dans le grand chemin du côté de la Riottière. Une vingtaine de chouans les ont emmenées jusqu’au village de la Douère, à environ une demi-heure, suivant le grand chemin qui conduit à Candé. Les uns disaient : « Il faut les emmener à notre camp ! », les autres « Il faut les embrasser ! ». On dit que Madame MONNIER s’est assise dans la boue au milieu de chemin en disant qu’elle ne pouvait plus marcher. Enfin les chouans les ont renvoyées sur le soir. Il a couru un bruit à Ingrandes, que les chouans donnaient le fouet à toutes les femmes d’Ingrandes qui se trouvaient dans la campagne mais que personne n’osait s’en vanter.

Dimanche 17 janvier, la « rote » de l’emprunt forcé est arrivée à Ingrandes. C’est un appel de fonds à forme d’emprunt sur le quart des plus riches contribuables de la France, de la force de 600 millions de numéraires. La première part est de 50 francs en numéraires et en augmentant toujours suivant la fortune du citoyen. Le paiement se fera en numéraires, blé, froment, orge, seigle, ou en assignats au cours d’un pour cent, c’est à dire que celui qui sera imposé à la première classe, qui est de 50 livres en numéraires paiera, si mieux aime, 5000 livres en assignats. On n’a pas oublié que grâce à la protection du citoyen LANGEVIN, Pierre TOURMEAU père, GUILLET et MONNIER d’Angers, à leurs caprices, sans équité ni justice, et sans examen des fortunes, puisqu’ils ont imposé artisans ou ouvriers bien au-dessus de leurs facultés en comparaison des propriétaires de 5000 à 10000 livres de rente qu’ils ont mis la même classe, et même au-dessous. Les autres, et d’autres citoyens de leurs amis, dont la fortune est connue, ils n’ont point compris (n’ont pas été compris) audit rôle, tel que ROBERT, perruquier, POILPRE, HORMEAU, perruquier, GANDET ou LANDET dit Beauséjour, le citoyen Jean ROULLIER, Madame de la GALLERIE et lui-même, LANGEVIN, qui ne s’y sont point mis. L’administration municipale d’Ingrandes a « improuvé » leur conduite à cet égard par une pétition adressée au département d’Angers qui n’a rien servi. Il a fallu payer.

Le Général en Chef HOCHE est parti avec une escorte à Angers. Sur la route, en plusieurs maisons, ils ont pris dix bœufs, qu’ils ont pris sur la commune de Montrelais. Il y en a quatre à PITON, métayer, quatre à ALBERT [4]) et deux à un autre. Ils sont venus se plaindre au Général à Ingrandes, mais cela n’a de rien servi.

Le rôle des personnes ayant payé l’impôt :
Louis ROULLIER, René DELAUNAY, Pierre ERAULT, Veuve MAUPOINT, René BRIAND, fermier, Pierre TOURMEAU père, tous 80 (livres ?), PIGEAU, tailleur, 30, HORTODE, Veuve NOUET, Julien TOURMEAU, AUBER, boucher, GUILLEMIN, tous 50. François ERAULT n’a pas payé.. Ont payé aussi 50, REINE père, Richard DUVERNAY, Simond BOULANGE, PATRICE, et ALLARD, chirurgien. VERRY, BERNARD, cabaretier, ont payé 30. MENARD, vendangeur, Louis MAUPOINT, VERGE, cabaretier, Nicolas TOURMEAU, la veuve CATHELINAIS ont payé 50, tout comme LEPRETRE (probablement un marchand de chevaux), BELLEOEUVRE, charbon. Georges BRIAND du Roché a payé 30. Quant à BRIAND, maréchal, GAUDINEAU, la veuve BRISSE, NORMAND DESFORGES (peut-être des Forges), HUET, taillandier, EDELIN, VARENNE de l’Aître, les filles ROCHARD, Pierre ROBERT, ils ont payé 60. LEBOEUF, de la Verrerie [5], LEGRAS Fils, MOREAU, tanneur, DE FAYEAU et enfin ALBERT, marinier, furent taxés à 100 [6].

JPEG - 16.1 kio
EXx-voto exécuté par Jacques ALBERT
Exposé dans l’église du Fresnes-sur-Loire.

Le 22 février 1796, au matin, 400 hommes de la garnison d’Ingrandes sont partis pour aller dans la « galerne ». Après avoir fait des contremarches, ils ont été coucher à Saint Simon. Ils ont fait le pillage dans plusieurs endroits et des abominations dans l’église, insulté les femmes dont une a été violée ce jour-là. Le nommé RETUREAU, meunier au moulin de la Louettière, a été tué dans son moulin par les volontaires après avoir été forcé de dire où était son argent.

Le même jour, 200 chasseurs à pied sont arrivés à Ingrandes avec une centaine d’autres volontaires. Ils s’y sont fort mal conduit, insultant les habitants dans les rues à six heures du soir, volant, camouflant quatre « mouchoirs » chez Madame NOUET, marchande, bu et mangé dans les cabarets sans payer, éteint la chandelle chez Madame URSEAU, cabaretière,, pris du linge, arraché par force le mouchoir du col de Mademoiselle FOURE, lingère, qui était à travailler chez ladite URSEAU, se promènent la nuit avec un violon en chantant des chansons indignes, juré et cassé les impostes au-dessus des portes. Le journal continue ainsi : des viols, des vols, des assassinats…

Le 17 mars, le vendredi, le citoyen « DELAIRE » VARANE ( ?), maquignon, est arrivé à Ingrandes. Il a dit qu’en compagnie de VERGER, cabaretier de la rue du Mesurage, MOINET d’Ingrandes, le petit MASSE du Mesnil, MARTIN du Regranneau, tous à cheval, ils ont pris le chemin sur la rive gauche de la rivière pour venir à Ingrandes, dans la persuasion que la Vendée était tranquille, quand, en passant du côté de Bouzillé, ils « ont » entré dans un cabaret, qu’ils ont rencontré sur leur chemin une quinzaine d’hommes qui leur paraissaient très suspects et les suivaient. Causant avec eux, ils leur faisaient bien des questions, d’où ils étaient, d’où ils venaient, que lesdits particuliers ont entré avec eux et, que sur les propos qu’ils tenaient, il était aisé de voir que c’était des brigands. Les voyageurs se regardaient entre eux, disant « Mon Dieu, nous sommes perdus ! » », ce que voyant ledit VARANE, ayant trouvé une porte de côté, il s’est sauvé à travers champs, la haie, le fossé, abandonnant son cheval et les pauvres camarades qui ont été inhumainement massacrés. On dit que les brigands leur ayant fait abandonner leurs chevaux dans le cabaret où ils étaient les ont emmenés à une certaine distance sous prétexte de les conduire dans leur chemin et les ont assommés à coups de bâton.

Le 22 mars 1796, le mardi, à quatre heures du matin, s’est tenu à Ingrandes un conseil militaire présidé par un officier général en tournée pour rétablir l’ordre, l’insubordination et la discipline militaire.. Deux volontaires de la garnison d’Ingrandes ont été condamnés aux fers et si celui qui a tué une fille en passant dans la commune de Champtoçé le 18 mars avait été reconnu, il aurait été fusillé. Un détachement d’Ingrandes se déployait en tirailleur dans les champs du côté de Beau Chêne. DELAUNAY, du Rocher, commune d’Ingrandes, MENARD, de la Bazilière, un autre de Saint Germain (des Près) ont été tués. On dit que les chouans embrassaient les volontaires, leur demandant grâce en les priant de ne pas les faire mourir, mais ce fut inutilement. Ils ont été fusillés avec une cruauté qui tient de la rage et de la barbarie. A MENARD, les yeux ont été arrachés avec une baïonnette, il vivait encore. Un volontaire nettoyait son fusil, un gosse le prit et visa un de ses camarades. Le fusil était armé, le coup parti et le gosse GARNIER a été tué.

FLASH : Le 23 mars 1796, CHARRETTE est pris et fusillé, ainsi que STOFFLET. La guerre de Vendée cesse mais la chouannerie continue au nord de la Loire.

Le 9 mai 1796, les volontaires de la garnison se sont battus à coup de sabre du côté de la Verrerie. Trois ont été blessé, dont un a eu deux doigts de coupés. Même jour, un volontaire blessé du cantonnement des mines de charbon a été apporté à Ingrandes. On lui avait donné un coup de sabre dans le ventre.

Ainsi s’achève la premiere partie de journal traitant de cette période guerriere qui marqua la region. Mais les hostilités n’étaient pas finies pour autant et en 1799, le 26 octobre, l’insurrection est générale. Julien Pierre SOUDRY, dès le 24 Mai, narre déjà les péripéties qui marquent à nouveau la vie des habitants d’Ingrandes.

Le 24 mai, qui était le vendredi, s’est présenté à Ingrandes une grande affluence de monde avec du bétail en quantité. Les barrières ont été fermées et la municipalité a empêché d’entrer en disant que la foire ne devait se tenir que dans deux jours. Les marchands de bœufs de la Normandie se sont concertés avec les métayers et tout le monde s’est replié jusqu’au grand chemin de la Riottière, dans la partie de Bretagne. La foire s’y est tenue. Elle a été considérable et la journée a été fort tranquille. Le bruit se répandit dans la commune d’Ingrandes qu’environ 200 chouans étaient cachés à très peu de distance pour protéger la foire en cas d’empêchement. Le dimanche 26 Mai, se devait tenir la foire à Ingrandes, conformément à l’Arrêté du département. Il y avait très peu de monde puisque presque pas de bétail. Sur les 10 heures du matin, les chouans ont paru dans le grand chemin du côté de Villeneuve, au nombre d’environ quatre vingt. On a crié « Aux armes ! » à Ingrandes, battu la générale ; il n’y avait pas de garnison. Les Chouans sont venus à la Riottière, ont pris les chevaux des gendarmes. Le petit METRANE, fils du brigadier, a trouvé celui de son père, il l’a amené à Ingrandes. Les habitants ont sorti et ont fait plusieurs patrouilles sur le grand chemin, pendant que les gens de la colonne mobile, poursuivaient les gens près de la Douère, sur le chemin de Candé. Plusieurs coups de fusil ont été tirés de part et d’autre, mais hors de portée donc sans effet.

En juin, à Montjean, une centaine de chouans sont entrés sans aucune résistance, ont resté deux ou trois heures et sont repartis sans faire de mal.

En juillet, la diligence a été arrêtée plusieurs fois sur la route d’Angers, du côté de la Roche et sur la route d’Ingrandes à Varades. On dit que les chouans ne prennent rien aux voyageurs, qu’ils ne volent que l’argent et les effets de la République.

Les citoyens volontaires de la garnison d’Ingrandes, arrivés de la veille avec un détachement, qui nous avait laissé 25 hommes de garnison, a eu un blessé d’une balle au genou. Il a été conduit à l’hôpital d’Angers. Un jeune homme d’Ingrandes, fils de la femme à Nicolas TOURMEAU, a été blessé d’un coup de fusil à la fesse. On dit qu’ils étaient plus de cent chouans. La fusillade, avec différentes reprises, a duré environ deux heures.

En août, un certain jour, sur les neuf heures, les chouans ont été à Saint Germain, ont entré dans les maisons de Messieurs BRAULT et TUDOU, ont emmené les demoiselles BRAULT et Madame TUDOU à ce que l’on dit, qui ont été maltraitées parce qu’elles voulaient crier. Les chouans ne les ont laiser aller qu’après leur avoir volé 25 louis d’or (600 francs).

Courant mois d’Août, un sergent major de la garnison de Saint Georges, venant d’Angers, a été arrêté par les chouans. Il lui ont pris son argent, 200 francs, qu’il apportait pour payer les autres soldats et le renvoya après avoir donné plusieurs coups de crosse de fusil.

Les chouans forcent les garçons de la campagne d’aller avec eux. Un nommé CARY, du côté de Villemoisan, les avait quittés. Ils sont allés le chercher chez lui, l’ont emmené dans les bois de son patron où il a été fusillé.

Du côté de Saint Herblon, les volontaires arrêtent dans une maison Monsieur TOINE, négociant d’Ancenis et de Nantes, et son cousin, Monsieur TERRIEN père et FLORIOT vu qu’ils avaient beaucoup d’argent sur eux. Ils promettaient (les otages) une somme considérable si les volontaires avaient voulu les laisser aller. Les prières et les promesses, tout a été inutile, ils ont eu à faire à des républicains inexorables qui les ont fusillés.

En octobre, un détachement de la garnison d’Ingrandes est allé dans la maison MOSSET, commissaire de la Chapelle, sur la réquisition de Madame BARRE, propriétaire de ladite maison et dépendances pour acquisition nationale. Il appartenait à Monsieur MICET. En arrivant, ils ont vu quatre chouans qui ont pris la fuite mais un des quatre, qui ne pouvait plus courir, a été amené à Ingrandes et conduit à Angers par bateau. Ledit détachement a amené à Ingrandes tout le grain pour Madame BARRE, à qui le métayer doit, à ce que l’on dit, plusieurs années de ferme.

FLASH : Le 26 octobre 1799, nouvelle insurrection générale.

Le 14 novembre, la nouvelle est venue que le Directoire de Paris était supprimé et le corps législatif dissous [7].

Le 3 janvier 1800, proclamation accordant l’amnistie aux Chouans.

Le 10 janvier, marché à Ingrandes comme dans l’Ancien Régime, jour de décade ; plusieurs ouvriers ont travaillé ce jour là…


[1La Rue du Fresne était un quartier éloigné du bourg de Montrelais, bordant la Loire, mais limitrophe d’Ingrandes. C’est une rue qui en faisait la limite et par-là même celle de la province de Bretagne et celle d’Anjou. Cette frontière fut longtemps très importante pour l’imposition de la gabelle les conditions de la Bretagne étant très avantageuses par rapport à l’Anjou, d’où la contrebande.

[2Il faut savoir qu’à l’époque on exploitait des mines de charbon sur Montjean sur Loire et Montrelais, ainsi que des carrières de chaux.

[3Volontairement nous avons respecté la chronologie du récit.

[4Peut-être au hameau de la Peignerie dans une famille n’ayant pas de rapport avec la famille de René ALBERT, inspirateur de cet article.

[5Il y avait une fabrique de bouteilles.

[6Ce dernier est probablement le quadrisaieul de moi-même, René ALBERT, signataire de cet article. Il s’agissait de François Blaise ALBERT, marinier marchand chaufournier, demeurant au Mesurage, originaire de Montjean sur Loire qu’il avait dû quitter vraisemblablement le 27 Mai 1794, contraint forcé. Il mourra dans la misère, criblé de dettes. Un de ses enfants, mon trisaïeul Jacques ALBERT, né en 1795, le 20 décembre, en pleine bagarre, résidera au quartier de la Rue du Fresne où il fera don d’un ex-voto (un superbe trois-mâts) exposé dans l’église du Fresne.

[7Coup d’Etat du 18 Brumaire

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17 Messages

  • Les mémoires de Julien Pierre Soudry 20 janvier 2012 18:54, par barnovil

    Excellent article qui m’a d’autant plus intéressé que j’ai des ancêtres qui ont vécu à Ingrandes à cette époque. Comment peut-on se procurer le recueil intégral des mémoires de Julien Soudry ?

    Christian REMY.

    Répondre à ce message

    • Les mémoires de Julien Pierre Soudry 21 janvier 2012 09:45, par René Albert

      Bonjour,

      Le texte de cet article reprend pratiquement l’intégralité du récit dont je détiens une copie dactylographiée. Donc il n’y a rien de plus à ajouter ou si peu.

      Toutefois je me tiens à votre disposition pour toutes infos complémentaires ou recherches sur Ingrandes, Montjean, Montrelais dont je possédes une bonne documentation. mon email :

      enertrebla chez orange.fr

      cordialement

      René ALBERT

      Répondre à ce message

      • Les mémoires de Julien Pierre Soudry 21 janvier 2012 17:24, par blaisoise

        bonjour,, bravo pour cette publication qui me touche beaucoup je n’ai pas trouvé de LEBIGRE mais, mes ancêtres ont dûe vivre cette période, meunier à Retiers (ille et villaine) leur moulin a été détruit pendant la révolution et ils sont venus habiter à Montjean,merci d’avoir permis à tout le monde d’avoir accès à ce récit Nicole Lebigre originaire de Blois

        Répondre à ce message

      • Les mémoires de Julien Pierre Soudry 21 janvier 2012 22:24, par annellec

        Merci pour ce témoignage que j’ai précieusement enregistré.

        Il y a derrière la basilique Notre-Dame-du-Marillais, à 2 km à l’ouest de Saint-Florent-le-Vieil (49) le Champ des Martyrs où ont été assassinés un soir de Noël de cette période (j’ai oublié l’année exacte) 2000 femmes, vieillards et enfants de la région, vraisemblablement royalistes.

        L’un de mes ancêtres, Julien VOISINE de la Rouxière, canton de Varades 44), a été porté disparu en 1795 et déclaré décédé par décision de justice en 1805. Il a sans doute été tué au cours de ces Guerres de Vendée, mais il devait plutôt être du côté républicain.

        Enfin, il y avait aussi une mine de charbon en exploitation à la Rouxière. Il y en avait plusieurs dans cette région.

        Cordialement,
        annellec

        Répondre à ce message

      • Les mémoires de Julien Pierre Soudry 22 janvier 2012 14:05

        Bonjour René,

        Pour tout dire cela ressemble étrangement à la mise en page que nous avions fait sur le site http://cousinsdelamarquise.free.fr , suite ua texte que vous nous aviez confié.Même les images que l’on avait ajouté on les retrouve....

        Sébastien RAVACHE
        Président des Cousins de la Marquise

        Voir en ligne : http://cousinsdelamarquise.free.fr/...

        Répondre à ce message

        • Les mémoires de Julien Pierre Soudry 23 janvier 2012 08:31, par René ALBERT

          Bonjour,
          Oui et alors... Il me parait essentiel qu’un texte intéressant puisse être communiqué à un très large échantillon de public ce qui est le cas par le biais d’HISTOIRE ET GENEALOGIE qui est lu par un grand nombre de personnes.

          Répondre à ce message

      • Les mémoires de Julien Pierre Soudry 26 janvier 2012 14:53, par Jean Paul LELU

        Bonjour,
        Je redécouvre grâce à vous le précieux texte de Julien Pierre Soudry, dont la mairie de Montrelais avait publié une version voici une trentaine d’années.

        Je signale simplement ici que l’on peut trouver aux Archives départementales de Maine-et-Loire les registres du Comité de surveillance d’Ingrandes, dont Julien Soudry fut président du 16 au 30 ventose an II (6 au 20 mars 1794) et secrétaire du 1er au 15 prairial (20 mai au 3 juin 1794) : voir la cote 1 L 1132. Les compte-rendus écrits de sa main complètent son journal.

        Bien cordialement
        Jean Paul LELU

        Répondre à ce message

        • Les mémoires de Julien Pierre Soudry 26 janvier 2012 15:27, par ALBERT René

          Bonjour,
          Merci pour cette info. Par ailleurs peut_être ne connaissez vous pas le site :
          http://www.tourisme-culture-patrimoine.fr
          Je vous invite à le consulter et à prendre connaissance des diverses monographies réalisées par Monsieur Jean MENAGER dans la rubrique HISTOIRE. J’y ai appris que mon trisaieul, Jacques ALBERT, outre la réalisation de l’ex-voto, a participé à la construction de l’église du FRESNE SUR LOIRE.
          Ce site qui regroupe les communes d’INGRANDES et du FRESNE est fort intéressant.
          René ALBERT

          Répondre à ce message

  • Les mémoires de Julien Pierre Soudry 21 janvier 2012 09:33, par Michel LEHIS

    bonjour

    je connais cet ouvrage depuis fort longtemps et je peux vous apporter quelques précisions

    saint Simon est la commune de SAINT SIGISMOND (49)

    la Chapelle est la commune de LA CHAPELLE SAINT SAUVEUR (44)

    la Meilleraie est un village au bord de Loire de la commune de Varades (44)

    le Cassoir commune du FRESNE SUR LOIRE (44)

    le prieur de saint Augustin est la commune de SAINT AUGUSTIN DES BOIS (49)

    "En arrivant à Haie Claire" lieu dit de SAINT SIGISMOND

    "Le 8, les soldats volontaires du côté de La Chapelle ont tué trois chouans, leur ont coupé la tête, les ont portées par les mines à charbon et ensuite à Ingrandes et les ont promenées dans les rues au bout d’un bâton en criant « Vive la République ! ». sur la commune de la Chapelle Saint Sauveur on appelle une rue "le chemin de l’enfer" d’ou peut étre l’origine de ce massacre

    "du côté de Boilong" nom d’une maison et puit de charbon sur la commune de Montrelais

    "les Patis de Beauvais (Beuvas)" = Beauvais est un lieu dit de la commune de Montrelais direction la Chapelle St Sauveur

    "poste de la Bastille" est sur la commune du Fresne sur Loire (ancien tribunal de justice)

    Michel LEHIS

    Répondre à ce message

    • Les mémoires de Julien Pierre Soudry 13 février 2012 22:04, par pierre

      Bonsoir
      Mon ancêtre (LAUNAY André) est décédé, suivant l’acte de mariage de sa fille(Renée Andrée),

      " ........décédé au Manu, lors de l’invasion des Vendéens, l’an mil sept cent quatre vingt treize ............"

      Connaissez vous cet endroit ?

      LAUNAY André est né en 1749 à St Georges sur Loire.

      MAILLARD Louis x LAUNAY Renée 1812 Trélazé.

      Répondre à ce message

  • Les mémoires de Julien Pierre Soudry 23 janvier 2012 12:35, par Bernadette Vrignon

    Je suis très intéressée par cet article,mes ancêtres étant de champtocé,montjean st germain des prés .Parmi eux figurent un couple nommé Le Conte de Champtocé ,boulanger,conduits à Angers et fusillés à Avrillé .Ils ne figurent pas sur la liste des Martyrs d’Avrillé ,sans doute jetés dans une fosse commune,leurs enfants ont pu se sauver de la colonne (le fils)et la fille avait été cachée chez une tante et a épousé plus tard mon ancêtre à Champtocé.
    Bernadette vrignon -dehais

    Répondre à ce message

  • Les mémoires de Julien Pierre Soudry 29 mars 2012 20:49, par Jean

    Bonjour,

    Merci de ces mémoires très instructifs.
    Je cherche à avoir plus d’information sur la famille Lebeuf : le père François (1766-1843) et le fils Eugène ; de la verrerie.
    De tradition familiale, le père fut agent municipal durant tous les régimes de la Révolution à 1820. Un de leur ouvriers était le fameux Cathelineau, voiturier de son état.
    Il fut souvent entre Cholet et le côté breton où il s’installa à Nantes dès 1820.

    merci par avance

    Répondre à ce message

  • Les mémoires de Julien Pierre Soudry 21 décembre 2014 16:57, par Monique Lens

    Bonjour Monsieur,

    Je lis tardivement mais avec intérêt votre article sur les guerres de Vendée.
    J’ai des ancêtres dans le sud Vendée qui n’ont apparemment pas participé ni souffert de ces guerres.
    Toutefois j’ai du mal à suivre entre les multiples dénominations sur les belligérants
    Qui sont les brigands , les volontaires, la garde ...
    En histoire je n’ai retenu que les royalistes et les soldats de la République, il semble que c’était plus compliqué que cela.
    Merci de me répondre si vous le pouvez.
    Cordialement

    Monique Lens

    Répondre à ce message

    • Les mémoires de Julien Pierre Soudry 9 décembre 2015 12:06, par VERGEREAU

      Pour répondre à Monique, a propos des bélligérant il lui faut
      considérer que les guerres de Vendée sont des guerres civiles franco-françaises.
      Elles ont un caractère de barbarie inexpiable. Certains sont allés jusqu’à parler d’un génocide vendéen. D’abord entre les républicains (les bleus) et une armée catholique et royale régulièrement constituée (les blancs).
      La chouannerie est quand à elle une guerre d’embuscade pour suppléer à un rapport de force défavorable.
      Les brigands de vendée ne sont autres que ceux qui ne sont pas favorable aux républicains. Car il faut être en mesure de prouver son attachement à la république.
      Il n’y a pas de liberté pour les ennemis de la liberté !
      Les volontaires sont ceux qui répondent à la conscription républicaine. La garde républicaine est quand à elle composées de civils en armes.
      Comme toutes armées mal encadrée, les exactions sont la règle et appellent haine, vengeance et représailles.
      Je ne suis pas un historien, mais pour ma part, je m’interroge encore à savoir comment ont pu être réconciliés les parties puisqu’il est certain qu’il fut écrit de massacrer " tous les vendéens" pour un repeuplement par des patriotes !
      Et que les colonnes infernales du général républicain Turreau qui ne faisaient aucune distinction de village en village en traversant la vendée en y massacrant indistinctement y compris les patriotes, pillant, incendiant villages entiers et cultures, violant femmes et filles et jetant les victime dans les puits pour les empoisonner ... après avoir embroché les nourrissons à la baîllonette... sont en autres responsables de la perte définitive des registres paroissiaux des dits villages.

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  • Les mémoires de Julien Pierre Soudry 12 décembre 2015 14:53, par Marquenet

    Bonjour et merci de ce beau témoignage.
    Lors d’une généalogie de la famille du côté de Gonnord aujourd’hui Valanjou dans les mêmes lieux de ce texte, je suis tombé sur une histoire de la mère Onillon qui a rendu le château et le domaine aux du Verdier de Genouillac, domaine acheté comme biens nationaux.
    voir internet : La mère Onillon. La famille du Verdier de Genouillac et le château de la Grüe.
    La mère Onillon se trouve être Jeanne ALBERT seriez-vous de la famille ?
    Cette région a souffert mille exactions il est bon d’en parler afin que cela ne recommence pas.
    Bien à vous. GM

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  • Les mémoires de Julien Pierre Soudry 13 décembre 2015 23:02, par Michelle Schott

    Je reprend le commentaire de Mr.Vergereau

    " Je ne suis pas un historien, mais pour ma part, je m’interroge encore à savoir comment ont pu être réconciliés les parties puisqu’il est certain qu’il fut écrit de massacrer « tous les vendéens » pour un repeuplement par des patriotes !
    Et que les colonnes infernales du général républicain Turreau qui ne faisaient aucune distinction de village en village en traversant la vendée en y massacrant indistinctement y compris les patriotes, pillant, incendiant villages entiers et cultures, violant femmes et filles et jetant les victime dans les puits pour les empoisonner ... après avoir embroché les nourrissons à la baîllonette... sont en autres responsables de la perte définitive des registres paroissiaux des dits villages")

    Je suis choquée par ce que je découvre aujourd´hui avec ce texte de mémoires et aussi après avoir lu le livre " Histoire de la Vendée " de Armel de Wismes, que la fameuse Révolution Française, admirée dans le monde entier jusqu´à aujourd´hui, n´est pas exactement ce que le monde croit.

    Je vois que c´était comme toujours, des personnes qui veulent prendre le pouvoir et non pas ce qu´elles proclament " Pour le bien du peuple !!!
    Cette révolution a été fratricide d´une façon abominable, pour garder le pouvoir aux révolutionnaires. Les Vendéens (Chouans), surtout décrits dans le livre, se sont révoltés surtout parceque les républicains voulaient dominer la France en renvoyant tous les petits curés de campagne (un peu pères du village disont !) , pour y mettre leurs prêtres choisis, en plus de confisquer leurs moissons. Un génocide comme dit M. Vergereau.
    Merci à Thierry Sabot d´avoir publié les Mémoires de Julien Pierre Soudry.
    Michelle ( Brésil)

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  • Les mémoires de Julien Pierre Soudry 21 décembre 2015 16:15, par mireille mathieu tomasini

    merci pour ce texte
    j’ai été très intéressée comme professeur d’histoire et surtout comme descendante d’un soldat républicain Jean Baptiste Michaux(sosa 38) revenu des guerres de Vendée avec une fille du Maine et Loire Lucrèce Joubert, rebaptisée Lucie Jaubert(famille de Candé et Saint Georges sur Loire).
    Il la présenta comme sa femme légitime. Ils furent heureux(?)
    et eurent beaucoup d’enfants..
    Et ils finirent par se marier le 07 Février 1812 à Couches(71)
    en légitimant les enfants.
    rigueur napoléonienne ou perspective de pension ?
    je veux penser à une histoire d’amour en marge de la guerre.
    M.Mathieu

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