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Alexandre Cathrine

Directeur du Nouvelliste du Morbihan

Le jeudi 9 octobre 2008, par Jean-Yves Le Lan

Alexandre Cathrine naît le 7 mai 1860 à Pontivy alors appelé Napoléonville. Ses parents sont Auguste et Marie Virginie Bourdon, issus d’un milieu modeste. Ils ont eu deux enfants, à Pontivy, avant Alexandre, Auguste, déclaré le 13 juillet 1857 et Solange, déclarée le 8 septembre 1858.

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Portrait d’Alexandre Cathrine

Par la suite, le couple déménage et s’installe sur Lorient, rue de l’Hôpital au numéro 13, puis rue Duguay-Trouin au numéro 4. Le père travaille comme chaudronnier au port. Trois autres enfants naîtront à Lorient : Eugène [1] le 3 juin 1864, Virginie le 18 décembre 1865 et Charles le 3 février 1868.

Un an avant sa mort, Alexandre Cathrine est retourné à Pontivy et lors d’une promenade en longeant le quai du Couvent où il est né et où vit sa grand-mère, madame Bourdon, il s’exprime ainsi avec nostalgie « Que de fois, […], je traversais la rue au risque de me faire écraser par les voitures, pour aller m’accouder au parapet du quai et de là contempler au loin les eaux bouillonnantes du déversoir, où les soldats malades pêchaient dans le Blavet le long du mur de l’hôpital. » [2]

Très jeune, donc, il est venu à Lorient, il n’a que 4 ans à la naissance de son frère Eugène. Quand il a l’âge, il rentre comme apprenti typographe à l’imprimerie Chamaillard. Puis, il part comme ouvrier travailler à Nantes. Il revient sur Lorient en 1886 et s’installe au numéro 100 de la rue du Port comme imprimeur et fonde alors le journal lorientais « Le Nouvelliste du Morbihan ». [3]

Le premier numéro du « Nouvelliste du Morbihan » sort le 30 décembre 1886. Ce journal est la fusion du « Nouvelliste » et du « Courrier de Bretagne ». Le journal est présenté aux lecteurs par la rédaction en ces termes :

« Le programme du journal que nous présentons au public est tout écrit dans son titre : Le Nouvelliste du Morbihan, il semblerait que ce titre doit suffire, ce n’était un usage consacré de dire qui l’on est et ce que l’on veut.

Ainsi pour satisfaire à cet usage, nous dirons tout de suite que ce journal n’est point l’organe d’un parti, mais bien l’œuvre d’écrivains qui se promettent de renseigner leurs lecteurs sur tout ce qui se passe dans le département, de la façon la plus précise et la plus impartiale.

Le Nouvelliste, qui a été dans le principe une annexe du Courrier de Bretagne, l’un, des plus anciens journaux politiques et qui pendant longtemps a fait autorité dans le département a changé de propriétaire et est aujourd’hui une fusion de ces deux feuilles.
Nous avons conservé ce titre parce qu’il n’a point été mêlé aux violentes polémiques qu’a soutenues en ces derniers temps le Courrier de Bretagne et parce qu’il répond mieux à la ligne de conduite que sa nouvelle administration s’est tracée.

Son rôle est d’enregistrer tout ce qui est capable d’intéresser les lecteurs, à quelque parti qu’ils appartiennent, et ceux-ci trouvent ainsi réunis de nombreux renseignements épars dans des feuilles spéciales.

Journal des intérêts du département : il insère les arrêtés de la préfecture, des sous-préfectures, mairies, etc., les nominations dans le clergé, la douane, l’inspection d’académie, etc.

Journal des faits locaux : il publie les belles actions, incendies, accidents, états civils, tribunaux, etc.

Journal maritime : il puise aux sources officielles les nominations et les arrêtés concernant la marine nationale et la marine marchande ; il donne le mouvement des ports.

Journal agricole : il relate particulièrement le cours des céréales, le résultat des concours et des comices.

Journal industriel et commercial : il insère les adjudications du département et en donne les résultats.

Journal littéraire et récréatif : il publie en feuilleton les œuvres de nos célèbres romanciers ; des variétés, facéties, bons mots, etc.

Le Nouvelliste est encore l’organe de la publicité la plus sérieuse et la plus efficace, car nous le répétons, il ne se départira pas de sa ligne de conduite qui est absolument indépendante et sera par ce fait lu par tout le monde. »

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En-tête du premier numéro du Nouvelliste du Morbihan en date du 30 décembre 1886

Ce premier numéro est imprimé par l’Imprimerie Lorientaise dont les propriétaires sont Alexandre Cathrine et A. Guyomar avec pour gérant unique A. Guyomar. Il paraît deux fois par semaine, le jeudi et le dimanche au prix de dix centimes. Ce journal est indépendant de tout organe politique et traite d’une façon impartiale de tout sujet pouvant intéresser les lecteurs ; aussi bien ceux concernant la vie pratique, que ceux donnant des informations sur les évènements passés dans la région.

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Publicité dans Le Nouvelliste du Morbihan montrant que l’imprimerie Lorientaise est détenue en co-propriété et que le gérant est A. Guyomar

Le 8 septembre 1889, pour le numéro 72 du Nouvelliste du Morbihan, ce n’est plus A. Guyomar qui est le gérant mais Alexandre Cathrine qui prend le titre de « Propriétaire - Gérant ».

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Publicité dans Le Nouvelliste du Morbihan indiquant que la propriété passe à Alexandre Cathrine et que des presses Marinoni sont installées.

Le 19 janvier 1893, Alexandre Cathrine se marie à Ploemeur avec Marie Louise Joséphine Guyomart d’origine ploemeuroise [4] . Le couple aura trois enfants, tous nés à Lorient : Alexandre né le 22 mars 1894, Georges né le 26 février 1897 et Yvonne née le 26 avril 1902. Sur l’acte de mariage, il est dit « Directeur du Nouvelliste » et sur l’acte de naissance de ses deux premiers enfants, il est déclaré comme « publiciste » et sur l’acte d’Yvonne à nouveau comme « Directeur du Nouvelliste ».

Le Nouvelliste du Morbihan est un franc succès. Le journal et les moyens d’impression subissent des évolutions. Des presses Marinoni fonctionnant à la vapeur sont installées et permettent de tirer 3600 journaux à l’heure. En 1892, les installations sont transférées au numéro 93 de la rue du Port. L’année 1898 voit l’acquisition d’une nouvelle machine – une rotative - pouvant imprimer 12000 journaux pliés. En 1904, nouveau déménagement vers la place Bisson, au numéro 18, et la parution devient tri-hebdomadaire. En 1914, un nouvel investissement dans du matériel d’imprimerie permet de tirer sur huit pages. Le Nouvelliste du Morbihan devient quotidien du soir le 22 septembre 1914. [5]

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Place Bisson 1900/1910 - Archives municipales de Lorient - 9Fi341
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Place Bisson 1900/1910- Archives municipales de Lorient - 9Fi344

En 1913, lors du lancement de la Provence, le ministre de la Marine, Pierre Baudin, décore Alexandre Cathrine des palmes académiques. Au début de la guerre, tout est désorganisé mais pour Le Nouvelliste du Mobihan, Alexandre Cathrine ne se décourage pas et bien au contraire, il sort son journal six fois par semaine au lieu de trois pour que la population lorientaise soit informée au jour le jour des évènements. Ses deux fils sont mobilisés et partent au front. L’aîné, Alexandre, officier de complément, revient après 43 mois de front, en première ligne dans l’infanterie et le second, Georges, rentre lui aussi, mais réformé car blessé gravement dans la Somme en 1917.

A cette époque, il participe aussi aux activités du tribunal de commerce de Lorient et est un membre actif de l’association professionnelle des Journalistes de l’Ouest.

En 1919, trouvant Le Nouvelliste du Morbihan trop exclusivement lorientais, Alexandre Cathrine lance L’Ouest Républicain, journal consacré aux populations agricoles et maritimes du morbihan.

Alexandre Cathrine meurt brusquement le jeudi 4 novembre 1920 à 7 heures et demie du matin d’une embolie. Dans le magasin du Nouvelliste du Morbihan, transformé en chapelle ardente, le cercueil est exposé jusqu’à la levée du corps. La foule est très nombreuse à rendre un dernier hommage à Alexandre Cathrine. M. Labes, maire de Lorient, vient, avec ses adjoints rendre hommage à celui qui fut très impliqué à la vie municipale de Lorient. La levée du corps a lieu le dimanche à 14 heures par le chanoine Jaffré, curé-archiprêtre de Saint-Louis assistés de nombreux autres prêtres. Le corbillard disparaît sous les fleurs et les cordons sont tenus par : « MM. Kerhuel, président du tribunal de commerce, André Degoul, agent général d’assurance, ancien rédacteur en chef du Nouvelliste du Morbihan, directeur du Clocher Breton, Le Bayon, imprimeur, juge au tribunal de commerce, Chartrain, rédacteur au Phare de la Loire, vice-président de l’Association des journalistes de l’Ouest, remplaçant M. Louis Coudurier, président directeur de la Dépêche de Brest, Ernest Bion, ouvrier typographe depuis 30 ans au Nouvelliste du Morbihan, président de la Société de secours mutuel Industrielle, docteur sauvage, ami très personnel de M. Cathrine. Le drapeau de l’Insdustrielle porté par M. Jacques Legal était cravaté de crêpe. »

Une foule évaluée à plusieurs milliers de personnes attend place Bisson et le deuil est conduit par M. Alexandre Cathrine (fils), alors directeur de L’Ouest Républicain, par Georges Cathrine, étudiant en médecine, Auguste et Charles Cathrine, ses frères, Mme Cathrine, son épouse, Mlle Cathrine, sa fille et de nombreux autres membres de sa famille.

La cérémonie religieuse a lieu à l’église Saint-Louis. Celle-ci est habillée de draperies noires et est bien trop petite pour contenir la foule. La cérémonie achevée, le cortège se dirige par la rue des Fontaines, la rue Paul-Bert, la rue de Liège, la rue de l’Assemblée Nationale, le Poteau et vers Ploemeur. Au Poteau, trois tramways avec baladeuses ont été mis à la disposition de la famille mais ne peuvent recevoir tous ceux qui souhaitent accompagner le corps à Ploemeur. Plusieurs centaines de personnes suivent à pied derrière le corbillard.

A la chapelle Saint-Anne, à l’entrée de Ploemeur, le clergé ploemeurois prend la tête du cortège et à l’église Saint-Pierre, où fut célébré 28 ans plus tôt le mariage d’Alexandre Catherine, est chanté un « Libéra ».

Au cimetière de Ploemeur, une foule considérable entoure le cercueil et plusieurs discours furent prononcés pour faire l’éloge du défunt (Textes intégrales des discours ci-après). C’est au crépuscule que se terminera la cérémonie par la présentation des condoléances à la famille.

Le fils aîné, Alexandre Cathrine, prendra la succession de son père en conservant le même esprit pour le journal : indépendance et impartialité [6] . Sur l’entête du journal du 13 novembre 1920 apparaît qu’ « Alex. Cathrine, père » est le fondateur et qu’ « Alex. Cathrine, fils » est le Directeur.

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En-tête du Nouvelliste du Morbihan montrant la reprise de la direction par le fils
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Tombe de la famille Cathrine au cimetière de Ploemeur – Photo Jean-Yves Le Lan

Textes lus au cimetière de Ploemeur lors des obsèques d’Alexandre Cathrine



Discours de M. Kerhuel, président du Tribunal de commerce

Messieurs,

Au nom du Tribunal de commerce de Lorient, je veux dire à la dépouille mortelle de notre collègue, M. Alexandre Cathrine, quelques mots d’adieu, et apporter ici l’expression de notre émotion et de nos regrets de ne plus voir désormais parmi nous celui qu tout récemment encore, collaborait à nos travaux.

Je n’ai pas besoin de rappeler ici quelle place la personnalité de M. Cathrine tenait dans toutes les manifestations de notre vie régionale. Il y a de nombreuses années déjà, il avait occupé pendant quelques temps un siège de juge suppléant dans notre Tribunal. Mais toute son activité se trouvait absorbée par l’intérêt qu’il prenait aux besoins de notre cité dont chaque jour il s’entait s’accroître la prospérité et par le labeur qu’était pour lui la direction de ce journal dont il ouvrait les colonnes à tous et qui, grâce à son influence si largement répandue, permettait à nos concitoyens de se familiariser avec ces questions multiples qui ne cessaient de se poser dans l’existence même de notre ville de Lorient.

Cependant quand, au dernier renouvellement des Tribunaux de Commerce, les électeurs consulaires de notre arrondissement firent appel à son concours, M. Cathrine n’hésita pas à témoigner de son dévouement à la chose publique en acceptant sans marchander de s’imposer la charge nouvelle qui lui était offerte. Et depuis ce moment jusqu’à ces derniers jours notre collègue ne cessa de prendre part à nos débats, à nos délibérés, nous apportant avec ses conseils éclairés, la longue expérience qu’il avait des affaires et la droiture de son jugement. Ce mandat, hélas bien court, il l’a rempli en toute consolence et en toute impartialité, méritant ainsi la gratitude des justiciables.

Messieurs, la mort inattendue de notre collègue, en même temps qu’elle est pour nous la cause d’un sentiment de tristesse et de stupeur, porte nos méditations vers celui qui est notre Juge suprême et devant lequel nous comparaîtrons un jour, nous aussi. M. Cathrine, qui eut une vie si bien remplie, était un croyant. Puisse la Miséricorde Divine lui donner dans son sommeil éternel la paix qu’elle a promise aux hommes de bonne volonté.

C’est dans cette pensée consolatrice que j’adresse à sa famille affligée l’expression de notre souvenir attristé et l’hommage de nos sympathies.

Discours de M. André Degoul

Si nous avions oublié combien, parfois, la mort est prompte, celle d’aujourd’hui serait là pour nous le rappeler.

Mais dans ce cimetière breton, où l’on ne saurait avoir peur ni des mots, ni des choses, ce rappel ne peut-être accueilli avec des paroles de révolte, d’amertume, ou d’étonnement. Ceux qui sont, devant nous, au premier rang savent joindre à leur douleur la soumission chrétienne. Ils savent qu’ici, ce n’est qu’une part d’existence qui finit.

Je ne vous dirai pas cette part d’existence, de celui qui va désormais avoir pour demeure la tombe ouverte devant nous. Ma voix sera la voix amie qui vous en rappellera seulement quelques grandes lignes.

Les paroles que j’ai à dire sont dictées par des souvenirs dont les premiers sont bien lointains.

Vous avez tous connu le Cathrine de ces dernières années. Votre présence ici est la preuve de l’estime en laquelle vous le teniez, de l’affection que vous lui en gardiez. Depuis longtemps, famille de Ploemeur qui nous entourez, ils étaient des vôtres. Je l’ai connu auparavant encore, avant qu’à Kéryvalan, dans une famille bien bretonne, il liât, chez vous sa destinée.

C’est lui d’autrefois, lui d’aujourd’hui, qui est là.

Lui d’autrefois. Parmi vous, plusieurs se souviennent du temps – il y a maintenant bien plus d’un quart de siècle – où Lorient n’avait, pour ainsi dire pas de journal local. Les feuilles qui existaient alors étaient surtout des feuilles d’opinion, dont le rôle principal était de soutenir telles ou telles doctrines, telles ou telles personnalités. Je n’en méconnais l’utilité, ni l’influence. Dans cette conception de la presse locale, il y a eu de dépensé bien du courage et bien du talent. Le « Nouvelliste » est né d’une autre idée. Il a voulu être le journal de tous, accessible à tous, indépendant, impartial ; le journal pratique, le journal utile, et, en même temps, le journal honnête et sain.

Toutes les difficultés matérielles et autres de cette œuvre, au milieu des intérêts de toutes sortes, des passions qui furent vives à certains moments, vous ne pouvez vous les représenter. Cathrine a réussi à vaincre, à force de persévérance, à force de ténacité, à force de rigidité dans la ligne de conduite immuable qu’il s’était tracé.

Ceci résume tout le Cathrine que j’ai particulièrement connu, et ce sont surtout les souvenirs de ce temps-là qui me reviennent à la mémoire, ces temps où le « Nouvelliste » naissait, où il grandissait, où il prenait force et vie, par l’utilité de plus en plus reconnue de son rôle, où il s’affirmait , où il se faisait, dans la vie lorientaise, une part de plus en plus grande … J’en suis témoin, je crois pas que nul n’ait pu apporter dans cette œuvre longue, laborieuse et difficile, délicate sous tant de rapports, plus de probité, plus de conscience que n’en a apporté Alexandre Cathrine. Si le succès a couronné ses efforts, ce n’est à aucune compromission qu’il l’a dû.

La presse est un rouage terrible de la société moderne. Les uns lui demandent plus de bien qu’elle n’en peut faire. Il faut souvent qu’elle résiste à d’autres pour ne pas faire du mal. Elle cause bien des joies, mais aussi bien des larmes. Cathrine aurait voulu ne causer que des joies. Du moins, il a pris sa part de larmes.

Il avait deux devises qui le hantaient : « In labore salus ». Celle-là, c’était pour son œuvre. Et il l’a observée jusqu’au dernier jour. Nul plus que lui n’a eu foi dans le travail salutaire. Toute sa réussite en ce monde, il la doit à son travail, acharné, persistant. L’autre était pour lui-même. Elle était plus belle et plus haute : « Sois sévère pour toi-même, indulgent pour les autres ». Seuls, ceux qui l’ont approché de très près, qui ont connu ses difficultés et ses peines, peuvent savoir à quel point il a appliqué cette maxime là.

Que le bien qu’il a pu faire soit aujourd’hui sa consolation et celle des siens. Lorient lui doit beaucoup. Quelles œuvres utiles, quelles infortunes, quelles catastrophes l’ont trouvé indifférent ? Depuis le jour où s’ouvrait, dans les colonnes du journal, la souscription pour la création d’un laboratoire bactériologique à l’hôpital hospice, afin d’aider à sauver de la diphtérie des petits enfants lorientais – la première œuvre où il s’essaya – jusqu’à ces derniers temps, a-t-il jamais refusé son concours, qui devenait de plus en plus puissant, à tout ce qui pouvait être utile à la cité, ou même à la région ? Faut-il rappeler combien précieux a été son appui à toutes les œuvres de guerre ? Avec quelle persévérance, quelle documentation, quelle compétence, son journal a pris, chaque fois qu’il le fallait, la défense légitime du port de Lorient menacé ?...

Au nom de la presse, dont Cathrine était, à Lorient, le doyen respect, vous allez entendre lui rendre l’hommage qui lui est dû. Je crois pouvoir, moi qui fus, pendant de longues années, son collaborateur, et son ami, m’associer particulièrement à cet hommage qu’il mérite de nous. Le voile de tristesse que tisse sa mort soudaine sur les souvenirs que je vous rappelais tout à l’heure s’éclaire du bien qu’il a fait et dont nous devons garder la mémoire. Le bien que nous avons pu faire dans la vie est la seule richesse qui nous reste, une fois la vie passée. Sous ce rapport, Cathrine n’est pas parti les mains vides. Il a de quoi charger le bon plateau de la balance.

Un dernier mot. Ce sera un mot d’affection personnelle. Ce sera une prière. Cette heure où la nuit vient – la grande nuit pour lui – est propice aux recueillements. Nous connaîtrons tous cette nuit. Voyez que de morts, déjà, sont ici. Il entre, à son tour, dans cette innombrable famille. Morts et vivants, Ploemeurois, le voilà des vôtres par un lien de plus. Qu’il soit en paix, dans la terre bretonne, et que Dieu l’accueille comme vous l’accueillez, c’est-à-dire comme un des siens.

Discours de M. Chartrain du « Phare de la Loire »

Mesdames, Messieurs,

J’aurais voulu qu’une voix plus autorisée que la mienne, celle de notre président, vint redire en quelle haute estime les membres de l’association professionnelle des Journalistes de l’Ouest tenaient celui qui vient, ici dormir à l’ombre du clocher ploemeurois, son dernier sommeil.

Mais notre ami Coudurier est en voyage, il ignore même encore à cette heure la fatale nouvelle, et c’est pourquoi me voici venu à sa place rendre au bon camarade, si brutalement enlevé à l’affection des siens, le salut profondément attristé de tous ses collègues.

M. Cathrine avait appartenu longtemps au comité de l’association ; il était parmi ses membres, le plus fidèle et c’est toujours avec fruit que ses avis étaient écoutés. D’autres diront tout à l’heure sa bonté ; je veux moi, dire sa modestie, la cordialité et la sûreté de ses relations, son souci des intérêts de la collectivité organisée à laquelle, des premiers, il avait apporté son concours, concours aussi précieux que réfléchi.

Oui, Cathrine était un modeste et ce n’est certainement pas sa faute si ses pairs ; un jour le désignèrent pour faire partie du tribunal qui avait l’honneur de le compter parmi ses juges ; je suis convaincu qu’il n’avait rien fait pour cela – rien, hormis se montrer dévoué aux intérêts de la cité, dévoué aux intérêts des commerçants et des industriels qui devaient l’appeler par la suite à la magistrature consulaire. C’était un modeste, mais tandis que d’autres manifestent leur activité en des paroles vaines, le plus souvent, lui les réalisait.

Et réaliser, mesdames et messieurs, c’est autrement méritoire que parler. Témoin de cette initiative qu’il avait prise de développer, autour de lui, l’affiliation des travailleurs à la Caisse nationale des Retraites pour la vieillesse afin de détourner leur attention du fonctionnariat et de les rattacher plus étroitement à leur profession. Besogne ingrate, ah ! Oui, mais combien méritoire et de quelle haute portée économique, de quelle haute portée sociale !

Messieurs, j’ai le pénible devoir – et je ne veux point m’y dérober – d’adresser à notre regretté confrère Cathrine, l’ultime salut confraternel des membres de l’association professionnelle des Journalistes de l’Ouest ; qu’il repose en paix, comme le bon ouvrier, qui au soir d’une journée, particulièrement bien remplie, s’endort satisfait du labeur du jour.

Je comprends pour l’avoir éprouvé moi-même qu’il est des douleurs qu’on ne peut alléger. La douleur de la veuve de notre ami, de ses enfants, de ses frères, de tous les siens, est de celles-là. Qu’ils me permettent de m’incliner devant eux sans plus de phrases, simplement en leur disant : nous sommes de tout cœur avec vous.

Discours de M. Louis Le Gal de l’« Ouest-Eclair »

La mort implacable semble frapper ses coups les plus soudains et les plus imprévus dans le milieu lorientais.

Au deuil du représentant de Lorient, grand serviteur du Pays, succède celui d’un homme qui, dans une sphère plus modeste avait su prendre une bonne place dans les rangs de ceux qui suivant l’expression du rédacteur de sa nécrologie ont bataillé pour Lorient plus beau, plus grand, plus prospère.

Alexandre Cathrine restera dans la mémoire des journalistes lorientais au nom desquels je prends la parole, à cause de son dévouement aux intérêts généraux de la ville et du département, mais surtout comme un exemple de travail obstiné, de prudence et d’esprit de suite.

Son succès incontestable dans la presse est la résultante de toutes ces précieuses qualités. Combien d’autres à sa place, emportés par la fougue de la jeunesse auraient conduit à l’écueil la barque du Nouvelliste, qu’il conduisait avec une sûreté maîtresse depuis qu’il y a 34 ans, il en avait décidé la fondation.
Ayant en mains un instrument puissant de propagande, l’impartialité, qui était au fond de l’âme d’Alexandre Cathrine lui fit un devoir de ne s’en servir jamais en faveur d’un Parti.

Il fit un égal accueil aux théories et aux programmes de chacun à la condition de n’être pas subversifs de l’ordre ni agressifs contre les personnes. Il sut rester le maître de son journal en bornant son rôle à l’information pour laisser au public nombreux de ses lecteurs le soin de tirer les conclusions d’exposés et de doctrines insérés sans parti pris.

…………pouvaient trouver matières à ……… dans cette neutralité voulue. Elle pourrait être la règle de tous les journalistes qui ont le réel souci de l’information pure, impartiale, abondante ou sobre dans les détails suivant l’importance des faits. Et c’est là, dans sa vie de publiciste, directeur d’un important organe, un trait d’ordre et de fermeté de caractère tout à l’éloge de notre confrère regretté de ne s’être, en aucune occasion, laissé entraînée par la passion politique à des polémiques irritantes et souvent décevantes.

Ce que nous exprimons ici devant ce cercueil n’est pas pour diminuer par l’hommage rendu à la sagesse et à la pondération d’Alexandre Cathrine, le mérite des journalistes de doctrine voués à la défense passionnée d’idées économiques ou politiques. Chacun choisit son rôle dans cette carrière de publiciste qui a pour maître sévère le grand public. Cathrine avait laissé celui de doctrinaire et de polémiste qui lui eut permis de faire du bien et du mal pour celui d’informateur qui présenta aussi ses dangers mais où le mal inséparable de toute traduction de la pensée est involontaire et imputable à l’évènement plus qu’à l’homme.

Aussi bien ceux qui l’ont connu, non seulement comme journaliste, mais à ses titres privés, déplorent avec nous la disparition de cet homme affable et bon, de ce père de famille modèle adoré des siens qu’il adorait.

Au nom des journalistes lorientais dont il était l’un des membres les plus dévoués et les plus sympathiques, j’adresse à la famille d’Alexandre Cathrine sui cruellement frappée, à la rédaction du Nouvelliste et à ses typographes, qui perdent un directeur pénétré de justice et de bonté, l’expression de la part sincère que nous prenons à leur commune douleur.

Discours de M. Perthuis du « Nouvelliste du Morbihan »

Madame, Mademoiselle,

Mes chers amis, Mesdames, Messieurs,

Au nom de tous ceux qu’il appelait ses collaborateurs, apprentis, typographes, linotypistes, employés ou rédacteurs, je viens adresser un suprême adieu à celui dont la dépouille mortelle va dormir dans la paix du petit cimetière de Ploemeur.

C’est là qu’il a désiré que son corps reposât sous le calme des fleurs ; trop tôt, hélas ! Pour tous ceux qui l’entouraient.

On vous a dit quel homme de bien, de bon conseil fut Alexandre Cathrine.

Jamais personne ne saura tous les trésors de tendresse et de bonté qui se cachaient derrière la sérénité de son visage calme, dont la mort n’avait fait qu’accroître la douceur.

Sa douceur ! Elle était proverbiale et sa bienveillance était à peine tempérée par une fermeté dont personne n’eut jamais à se plaindre.

J’en appelle à tous ceux qui le servirent ; J’en appelle au témoignage d’un de ses anciens ouvriers qui peu avant la guerre, quitta la maison du Nouvelliste et dont je m’en voudrais de ne pas lire les lignes émues adressées à Madame Cathrine à l’annonce de la mort subite de notre directeur.

Madame,

C’est avec une douloureuse émotion que j’apprends la mort de M. Cathrine qui m’a toujours manifesté dans bien des circonstances de la vie ses sympathies et son amitié. Dernièrement encore, lors de son passage à Rennes, dans un mutuel entretien des années vécues ensemble, oublieux du passé, M. Cathrine ne laisse pas passer l’occasion de me montrer une profonde estime, doublement partagée.

Homme de travail par excellence, car avec une persévérance et un courage que ne se démentirent jamais, il arriva, dans une imprimerie qu’il avait su rendre prospère par son opiniâtre labeur à une des situations les plus honorées.

Pendant les quinze années passées à son service, je ouis dire que jamais aucun patron, pour employer ce mot, ne fut meilleur que lui pour ses ouvriers. Il les considérait comme ses collaborateurs, leur inspirait les sentiments de solidarité humaine qu’il professait partout. Souvent, au milieu de nous, non pas pour nous surveiller mais pour encourager. Il prenait part à toutes les douleurs. Les précieuses qualité de l’homme comprend les misères humaines et qui cherche par tous les moyens à les consoler et à les apaiser, on les retrouvait tout naturellement dans les relations qu’il avait avec les industriels lorientais et aussi, et surtout avec ses amis, qui avaient pour lui l’estime la plus profonde et le plus sympathique respect.

Sa modestie était sa qualité dominante, et il était difficile de faire l’addition du bien qu’il faisait le plus souvent sans en rien dire.

Je ne parle pas de sa piété filiale, ni de sa profonde affection pour sa famille.

Dans l’impossibilité de pouvoir assister aux obsèques, malgré mon désir exprimé, je vous prie, Madame, ainsi que vos chers enfants et toute votre famille, d’agréer mes sentiments de vive et profonde douleur. Le souvenir de M. Cathrine ne sera jamais perdu en ma mémoire et je le conserverai comme un exemple à donner à tous ceux qui aiment le travail, qui aiment leur famille et ont la noble ambition de faire honneur à leur pays.

Je m’incline respectueusement par la pensée devant la tombe qui va bientôt se refermer.

Il n’est pas un de nous qui n’eût voulu écrire ces lignes reflétant si exactement la pensée de tous.

Oui, M. Alexandre Cathrine fut un directeur sincèrement juste, profondément bon, dont le souvenir restera à jamais gravé dans nos mémoires, dans nos cœurs.

Oui, tous, nous nous rappellerons des enseignements.

Oui, tous, nous aurons à cœur de suivre les voies qu’il a tracées.

Madame,

La foule émue et recueillie qui est venue en si grand nombre, hier et aujourd’hui rendre un suprême hommage à celui que vous pleurez prouve à quel point le compagnon chéri de votre vie était estimé, aimé dans « son Lorient », et, cela doit être pour vous un adoucissement à votre douleur immense.

Mademoiselle, mes chers amis,

Depuis quatre jours, vos yeux ont versé tant de larmes que nous avons vu couler, qu’il est difficile que vous pleuriez encore.

Et, cependant, vous ne pleurerez jamais trop celui qui fut pour vous le père le plus tendre, le père le plus aimant.

Mesdames, Messieurs,

Avec vous tous, en mon nom et au nom de tous mes amis du Nouvelliste du Morbihan, j’adresse le dernier à dieu, hélas, à M. Alexandre Cathrine, le meilleur des patrons.

Mon cher Directeur, dormez en paix votre dernier sommeil.
Adieu.

Tous mes remerciements aux Archives municipales de Lorient pour l’autorisation d’afficher les photographies de la place Bisson à Lorient.


[1Décédé à Lorient le 7 août 1864.

[2Le Nouvelliste du Morbihan, N° 205 du 9 novembre 1920.

[3Le Nouvelliste du Morbihan, N° 204 du 6 novembre 1920.

[4Archives municipales de Ploemeur.

[5Le Cam, Gaby, Site Internet de la Société d’Archéologie et d’Histoire du Pays de Lorient.

[6Le Nouvelliste du Morbihan, N° 208 du 13 novembre 1920.

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  • Alexandre Cathrine 14 octobre 2008 17:08, par Caderon Alexis

    Je remercie monsieur Le Lan pour le plaisir à lire avec beaucoup d’intéret les articles relatifs au passé de la ville de Lorient et de la marine .Je ne puis que le féliciter pour cet important travail de recherche .je réalise plènement la patience et le temps passé à la construction de ces articles .

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