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L’haguinanleu entre Anjou et Bretagne

Le mercredi 1er mars 2006, par René Boiteau

La vieille coutume du "marguillage".

La charmante petite commune du Pin au nord de la Loire-Atlantique se trouve aux confins de la Bretagne et de l’Anjou, dans un pays autrefois de landes et de forêts.

On trouve dans les comptes de la Fabrique la preuve d’un usage qui va perdurer jusqu’au XXe siècle : la tournée annuelle du « marguillage ». Pendant l’Avent les nouveaux marguilliers nommés parcourent les hameaux pour récolter les dons en nature de chaque famille : du beurre et des œufs, mais encore des cravates et chapeaux dont ils s’affublent comme des conscrits en ribote.

Les dons sont d’abord déposés devant la crèche monumentale bâtie par le sacristain, puis vendus aux enchères sur le porche le dimanche après Noël. De plus, au XVIe siècle, les dons se font également lors de l’adoration de la croix le vendredi saint.

Voici la liste des choses vendues en 1571 :

« une mèche de poys [1], une mèche de febre [2], une tête de pourceau, un jambon, une troschée d’oignons, une arblaise [3], de l’avoine, du lin, un cochon, du beurre, un oyason [4], un toueson [5], de laine, des pesches, des mesles [6], de la fouasse [7], des navaulx, des porreaulx, de l’ail, des choux, des bégasses [8], des panais [9], des brebis ».

Cette tradition ancienne a persisté au moins dans les mémoires jusqu’au XX°siècle.

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L’église de Rochementru datée du XI° siècle
Elle est habitée depuis sa vente comme bien national.

Arrêtée pendant la guerre en 1917, elle est remise en valeur par le curé Durand en 1936 lorsqu’il s’agit de trouver de l’argent pour construire une école catholique pour les garçons.

La quête du « gui l’an neuf » subsiste de nos jours dans la paroisse voisine de la Chapelle-Glain. Pourtant un arrêt du Parlement de Bretagne l’avait prohibée en 1732, il faut croire qu’il ne fut pas suivi d’effet dans nos campagnes : « l’usage d’ailleurs inoffensif était pourtant charmant : les marguilliers accompagnés d’une douzaine de paroissiens garnis de lauriers, s’en allaient au premier de l’an quêter par les rues en faisant danser au son d’une musette les femmes et les filles »... [10]

A la visite épiscopale de 1755 à Rochementru, paroisse annexée au Pin en 1831, le prieur nous donne des précisions : « On fait dans les paroisses voisines ou celle de Rochementru tous les ans a la nativité de Notre Seigneur Iesus Chrit ainsi qu’à l’épiphanie une queste pour les besoins de l’église qu’on appelle haguinanleu. Les aumosnes que donnent par chacun an les personnes charitables peut ordinairement monter avec les denrées qui se vendent a la porte de l’église l’office divin fini les dimanches au matin a la somme de 24 à 30 livres quelquefois plus ou moins. Je dis ordinairement a cause que trop souvent il se trouve des années si mauvaises que a peine par chacun an la vente de l’haguinanleu des denbrées monte a 15 ou 18 livres... [11] ».

On devine par le terme employé par le curé qu’il s’agit d’une tradition locale si ancrée qu’on n’en sait plus l’origine. La coutume remonte à l’époque des druides aux serpes d’or. Le gui se fixe mystérieusement sur le chêne, arbre sacré symbole de masculinité, vient-il du tonnerre ? L’imaginaire celte en fait une plante adulée. Ainsi donc par cet usage légendaire de l’haguinanleu de Rochementru nos ancêtres perpétuent sans le savoir un reste mythique de culture celtique.

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Banniere classée de St-Lambert

Les marguilliers arborent de grandes piques décorées, sortes de hallebardes, qu’ils fichent dans les poutres en entrant, on leur donne une cravate à rajouter à la pique, des denrées à vendre, et puis on arrose le passage -un peu trop au goût du curé Codet qui fait lui-même la dernière tournée vers 1950 avant de supprimer la coutume.

Les marguilliers distribuent le pain bénit dont la coutume s’est perpétrée au Pin jusqu’au début du XX° siècle, ils feront aussi passer la tabatière à priser !

Ils doivent porter croix et bannières aux processions de toutes les fêtes, aux rogations à travers toute la paroisse, aux chemins de croix, aux Rameaux autour de l’église, à la Toussaint jusqu’au cimetière, à la mi-août au calvaire, à la Fête-Dieu dans les rues décorées du bourg et chaque dimanche pendant le chant de l’Introït [12] pour solenniser l’entrée du célébrant avec ses choristes...

Les marguilliers gèrent les revenus de la Fabrique, des fondations et des confréries. Ils font la quête à chaque cérémonie -en faisant passer la « boeste » dans l’église. De ce terme viendrait, dit-on, le nom de « bouesteau » qui a donné BOITEAU, à l’époque où François Ier décide de fixer les patronymes.


Extrait de « le Pin, lande bretonne et douceur angevine » disponible chez l’auteur :
http://perso.wanadoo.fr/r.boiteau


[1La poix est à base de résine ou goudron de bois.

[2Peut-être des fibres de chanvre, cela fait penser aux « queues de rats » bien connues des choristes pour allumer les cierges.

[3Un rôti de porc.

[4Petite oie.

[5Une toison.

[6Fruits du néflier qu’on trouve toujours sur la commune.

[7Fouace : galette cuite au four ou sous la cendre.

[8Les bécasses, on se rappelle la cantilène enfantine locale : quand le roi va-t-a la chasse il en tue il en fricasse...

[9Sorte de carotte blanche que les amis de la nature continuent d’utiliser.

[10André Perraud-Charmentier Essai sur le Général de Paroisse en Bretagne, Plihon édit., Rennes 1926 p.81.

[11AD44 G703

[12Le chant de l’Introït se situait, sous ce terme, dans la célébration liturgique catholique de la messe au début de l’office et était propre, s’exprimant en latin, à chaque dimanche ou office particulier. Vatican II a changé tout cela et maintenant en langue nationale il s’agit du "Chant d’entrée" ou "antienne d’ouverture". Son rôle, sans peut-être avoir le même cérémonial qu’autrefois, reste en fait de mettre le participant dans l’atmosphère spirituelle spéciale à l’office célébré, tout en permettant au célébrant et à ses acolytes de se mettre en place pour la célébration de l’office divin. Il faut ajouter que ce chant d’Intröït est audible encore aujourd’hui dans certains offices en latin toujours autorisés ou par certaines églises et rites dits "intégristes".

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