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Léonard Rouffie et les autobus de la Marne

1re partie : Un Commis et Ouvrier d’Administration à la section de Ravitaillement en Viande Fraiche

Le jeudi 11 novembre 2010, par Michel Guironnet

Tout d’un coup, on fut hors des arbres.
Dessous, dans le bas-fond, c’était un gros village.

Il était là, écaillé, à plat dans les prés. Ça vivait comme un tas de fourmis. De longs convois d’automobiles ronflaient sous les peupliers, au bord d’un canal mort…/…

Une auto légère monta vers le bois : c’était une ambulance à la croix rouge pleine à pleins ressorts ; elle passa, montrant les souliers des blessés allongés.

Un autobus peinait dans la côte. Olivier tourna la tête pour le regarder passer : un grand quartier de bœuf, dépouillé et sanglant, était pendu, dans le jaillissement de la boue, sur la plate-forme d’arrière.

« Tu vois mes arbres, dit Regotaz, tu vois, gars ! Ils étaient là, allongés contre la scierie, avec encore leurs écorces et leurs branchillons avec des feuilles. Et puis ça, regarde ! »

C’était, dans la boue, un morceau de viande gros comme le poing, avec le sang noir et rouge et de la petite glaire blanche dans les fibres. Un morceau de gaze était encore collé sur le côté du vif.

Olivier regarda la forêt. On entendait, là-bas dedans, bourdonner les moteurs de l’ambulance et de l’autobus. II pensait à ce grand quartier de bœuf.

« Peut-être bien de la viande d’homme aussi » dit Regotaz.
« Peut-être bien. Qu’est-ce que ça aurait de tant extraordinaire que ça soit tombé du brancard, d’un en lambeaux et qui perde sa viande ? Dans les roulis, tu sais... »

Extrait de Jean Giono, Le grand troupeau.

« Le 17 (août 1914), distribution de viande à Oligi (Ardennes)… Le 29 partis à minuit du Chesne avec 142 bêtes à minuit pour Vouziers par un petit chemin… Le 3 septembre repartis de Tilloi Bellay à 3 heures et demie sous les obus avec 120 bêtes… Le 13 (octobre) à Cuperly. L’autobus à dérapé, il n’y a pas eu de mal » (extraits de l’agenda de Léonard Rouffie).

« Le 25 mars 15

Ma chère fille,

…Nous sommes toujours en route pour un pays inconnu, Quand on sera à destination, je te promets de te dire où je suis peut-être... Je te le dirais quand ce sera officiel… Hier à notre départ, le commandant a visité tous les autobus, tous ceux qui avaient des caisses et leurs effets dedans, Il a tout fiché dehors, le sac seul est autorisé. Tu peux croire qu’il est plein avec les couvertures. Il était furieux… »

« Le 18 avril 1915

Mes chères filles,

…Chères filles, voilà trois jours qu’il fait un temps magnifique. Je suis dans un pays où il ne fait pas chaud.

Ce matin, le temps était frais, mais ce soir il fait bon… Je vous avais promis des bagues, mais dans notre déplacement, avec tout ce fourbi, je les ai tombées en cherchant quelque chose dans ma poche.

Le lendemain, en descendant de l’autobus, j’aperçois une petite bague, je la ramasse. Je reconnais qu’elle était à moi. Comme elles étaient dans un papier, je me suis dit, elles sont toutes perdues.

L’autobus était passé dessus. Comme il avait plu, ça ne les a pas écrasées mais elles sont un peu abimées. Je les réparerai quand j’aurai le temps… à vous mes grosses filles, les meilleurs baisers de votre papa chéri, L. Rouffie ».

« Le 28 mai 1915

Ma chère fille,

… Notre autobus est cassé, nous sommes obligés d’aller aux vivres avec deux chevaux. Il nous faut toute la journée aussi je m’arrête. Une autre fois j’écrirai plus longuement… » (extraits des lettres de Léonard Rouffie à ses filles).

Des bêtes, un autobus ? Quelle est l’affectation de Léonard Rouffie au cours de la Grande Guerre ?

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Léonard Rouffie en janvier 1915
Léonard porte toujours la capote à deux rangées de boutons de la mobilisation, marquée au col du chiffre 12...sa barbe est encore bien taillée : au fil des mois de guerre, elle envahira son visage et gagnera en longueur !

Léonard Rouffie, incorporé dès août 1914, est d’abord affecté comme « Commis et Ouvrier d’Administration » (C.O.A) au 12e Corps d’Armée (C.A). Le 12e C.A fait partie de la IVe Armée.

Au service de l’intendance du C.A, il est chargé de convoyer le "troupeau de bétail" ; bêtes (vaches et moutons) sur pied destinées à être abattues pour fournir les troupes en viande.

Ensuite, il sera « Caporal ravitaillement au 12e C.O.A, 23e DI » c’est-à-dire qu’il fait partie de la 12e section rattaché au 12e Corps d’Armée, dont fait partie la 23e Division d’Infanterie (D.I).

Il est alors affecté à une section R.V.F (Ravitaillement en Viande Fraiche). Léonard est chargé de livrer aux centres de ravitaillement des régiments - en autobus, nous y reviendrons - les quartiers de viande fraiche

Le lecteur curieux d’en savoir plus sur ces autobus de la C.G.0 de Paris réquisitionnés et transformés pour le transport de la viande lira avec profit l’article du journal l’Illustration sur http://www.gutenberg.org/files/22416/22416-h/22416-h.htm

Nous consacrons un long article dans « La Charte » (N° 4 /2010 de juillet-août), revue de la Fédération Nationale André Maginot des Anciens Combattants, à l’impact de la Retraite des armées françaises et de la Bataille de la Marne sur le ravitaillement des troupes en viande fraiche. Nous y renvoyons le lecteur ci-dessous :

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Article de Michel Guironnet : Les autobus de la Marne

Le parcours de Léonard Rouffie

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Etapes
Document aimablement communiqué par Michel Dauphin, petit fils de Léonard Rouffie

Léonard Rouffie naît le 7 janvier 1881 à Saint Léonard de Noblat, en Haute Vienne, fils de Martial Rouffie et de Madeleine Caillaud.

À compter de novembre 1905, il fait son service militaire à Limoges comme soldat de 2e classe. Il est affecté à la 17e section des Commis et Ouvriers d’Administration, au Service des Subsistances.

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Livret militaire de Léonard Rouffie
Document aimablement communiqué par Michel et Marie Alice Dauphin

Taille de 1 mètre 70, les yeux gris et les cheveux châtains ; à son arrivée au corps, s’il "sait lire, écrire et compter" en revanche il "ne sait pas nager".

Léonard se marie après sa libération, le 9 décembre 1905 à Saint-Léonard-de-Noblat, avec Mélanie Pasquet, née en 1885. Il exerce la profession de peintre en bâtiment.

Le 16 juillet 1906 naît sa première fille Amélie ; que tout le monde appellera Madeleine et qu’il surnommera Loulou !

En 1913 naît sa seconde fille, Geneviève, surnommée Gévie ou Vivie.

Léonard Rouffie a 33 ans lorsque la guerre éclate.

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Mélanie Rouffie avec ses deux filles

Dans le cadre du 90e anniversaire de l’Armistice par le Magazine-web www.histoire-genealogie.com, son petit fils Michel Dauphin et son épouse Marie Alice nous ont confié l’agenda de Léonard. Il le tient régulièrement depuis sa mobilisation jusqu’à fin octobre 1914, et de façon plus épisodique ensuite.

Nous ont aussi été confiées les lettres qu’il adresse à sa fille tout au long du conflit, ainsi que son livret militaire et quelques photos.

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Agenda 1915 de Léonard Rouffie

Grâce à son "journal de route"et à ses courriers, avec l’aide d’autres documents d’archives, notamment les Journaux de Marche et Opérations (J.M.O) disponibles sur le site Mémoire des Hommes, nous allons évoquer le parcours de Léonard Rouffie durant la Grande Guerre.

Dans cette première partie, nous le suivrons de Limoges où il arrive début août 1914 jusqu’à fin octobre 1914 où il cantonne en Champagne.

En passant par l’Argonne et les Ardennes, dans la Marne et la Meuse... et même la Belgique et le Luxembourg... Nous parlerons de "la poursuite", de "la retraite" puis, bien sûr, de la Bataille de la Marne en septembre 1914.

Nous rencontrerons les Poilus du 12e Corps, et aussi ceux des 2e et 17e Corps d’Armée présents dans la région.

Dans la deuxième partie, nous serons à ses côtés jusqu’à la fin 1915, nous efforçant de situer dans leur contexte les lettres écrites à sa fille...

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zone d’évolution des IIIe et IVe Armées
Cette carte est extraite du tome IV de l’"Histoire illustrée de la Guerre de 1914" par Gabriel Hanotaux

Les 2e, 12e et 17e Corps d’Armée

La IVe armée, sous le commandement du Général De Langle de Cary, comprend au début d’août 1914 deux Corps d’Armée : les 12e et 17e, plus un corps colonial ; armée bientôt renforcée le 8 août par le 2e Corps d’Armée.

Le 12e Corps d’Armée compte deux divisions d’infanterie (D.I) : les 23e et 24e D.I [1]

Le 17e Corps d’Armée a également deux divisions d’infanterie : les 33e et 34e D.I [2]

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Mobilisation de la 46e Brigade d’Infanterie
Extrait du JMOde la 46e Brigade : le rédacteur, enthousiaste, évoque la Victoire de Valmy...
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Autobus réquisitionnés

Agenda de Léonard : Guerre 1914-15

Nous avons respecté l’orthographe mais simplement "découpé" le récit pour le rendre plus lisible.

Nous avons en outre indiqué entre parenthèses le nom actuel des endroits cités et fait quelques commentaires Dans les encarts en grisé, nous avons inséré de plus larges développements.

"Le 2 août départ de St-Léonard pour Limoges (
 [3]).

Départ de Limoges le 4 août, débarqué à Villers d’Aucourt le 6 août (Marne) (En fait, il faut lire Villers Daucourt).

La gare de Villers-Daucourt est située au cœur d’un hameau de deux ou trois dizaines d’habitants, entre les deux villages dont elle porte le nom, alors qu’elle est sur le territoire d’un troisième : Châtrices.

 [4].

Pendant la Grande Guerre, de nombreux régiments ont débarqué dans cette petite gare en Argonne.

cantonné à Givry en Argonne (Meuse) (à dix kilomètres de la gare) jusqu’au 13, parti ce jour pour Clermont en Argonne (Meuse).

Le 15 août ravitaillement à Varenne (Varenne en Argonne) Dun sur Meuse, parti le 16 pour cantonner à Stenay (Meuse).

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extrait du JMO de la 45e Brigade

le 17, distribution de viande à Olizi (Ardennes).

Olizy sur Chiers sera presque entièrement détruit, en représailles allemandes,
par un incendie le 26 août 1914 [5] .
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18 août dans le JMO de la 45e Brigade

Le 19 août, avons vu les premiers prisonniers boches.

le 21 août deux aviateurs boches faits prisonniers à Stenay.

Le 22, été ravitailler à Margut (Ardennes) (14 kms au nord de Stenay).

le 23 à Stenay, deux aviateurs font une chute et tombent dans le canal, sains et sauf, l’appareil brisé dont j’ai conservé un souvenir de l’hélice.

Changement de cantonnement, de Stenay à Beaumont (Ardennes) (Beaumont en Argonne).

Commencement des hostilités, le 12e corps surpris dans une forêt à Florenville (Belgique).

voir les explications dans le contexte historique ci-dessous.

Le 24 de Beaumont à Raucourt (Ardennes) (Raucourt et Flaba, au sud de Sedan) parti de Raucourt le 26 pour Le Chesne (Ardennes).

Grande cannonade du côté de Sedan le 27, le 28.

Le 29 (août 1914) partis à minuit du Chesne (Le Chesne, dans les Ardennes) avec 142 bêtes à minuit pour Vouziers par un petit chemin. Fait 33 kilomètres sans rien dans le coffre.

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extrait des notes prises par le sous intendant RVF sur son carnet de campagne

Repartis le même jour pour Mars Bourcq (Mars sous Bourcq). Jour de souffrance.

Partis le 30 pour Machault (Ardennes) par Sommepy (aujourd’hui Sommepy-Tahure dans la Marne : 14 kms en ligne directe, 40 en passant par Sommepy !)

Jour de souffrance, la chemise, la capote, n’ont pas désséchées en plein soleil.

Partis de Machault le 1er septembre à 4 heures pour Tahure (village aujourd’hui disparu, dans la Marne).

Fait 21 kilomètres. Toujours un soleil brûlant.
Couché à Cernay en Dormois

Mangé la soupe le 2 à Vienne en Ville (Vienne la Ville).
Repartis le soir pour Somme-Tourbe (Marne). Repartis le même soir pour Tilloi-Bellay (M) (Tilloy-Bellay).
Marché jusqu’à minuit.

Le 3 septembre repartis de Tilloi- Bellay à 3h 1/2 sous les obus avec 120 bêtes,

ce jour me restera gravé, sous un soleil tropicale, les boches derrière nous, l’artillerie et l’infanterie devant nous également marché jusqu’à onze heures le soir, le matin les boches à 4 heures étaient encor derrière nous, nous partons encor à toute allure et faisons grand halte à Changi (Marne).

Les armées françaises sont en retraite ! Voir plus bas les pages sur le contexte historique.

Départ à 3h 1/2, arrivée à Thièblemont à 7 heures le 5 septembre j’ai reçu 2 lettres pour la première fois ; partis pour aller coucher à Chavange (Aube) où j’ai trouvé mon chien et que j’ai surnommé Papillon et à qui je dois une partie de ma vie.

Parti de Chavange le 6, passé à Montmorency, arrivé à Brienne le Château (Aube) à midi, le 7 visité le château de Napoléon.

En 1779, jeune Bonaparte, alors âgé de 10 ans, boursier du roi issu de la petite noblesse corse, commence sa formation à l’école Militaire de Brienne-le-Chateau. Bonaparte quitte Brienne en 1784 avec le brevet de sous-lieutenant. En 1814, l’Empereur Napoléon 1er, durant la Campagne de France, installe son quartier général au château de Brienne et inflige une défaite aux Prussiens.

Le 8 et le 9 sept repos. Terrible combat.

Ordre du général Joffre que les hommes doivent mourir plus tôt que de reculer aussi les boches battent en retraite et c’est de ce moment qu’il y a eu la grande bataille de la Marne.

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Proclamation de Joffre 5 septembre 1914
extrait du petit fascicule rédigé par J. Toutain "Histoire de la Grande Guerre (1914-1918)" édition de 1922

Le 10 repos. Le 11 sept. repartis de Brienne-le-Château. Arrivés à Saint Utin (Marne).

J’ai vu une femme qui avait enfermé dans sa cave 40 boches qui furent faits prisonniers à Voncq, la femme est de Vouziers.

le 12 sept repos, le 13 partis à 6h pour Vitry-le-François.

Passé à Frignicourt. Un millier de fusils boches et français.
Les arbres et maisons broyés, une tombe composée de 8 français, magnifiquement fleurie.



Des combats importants ont eu lieu dans ce village des faubourgs de Vitry le François, entre le 6 et le 12 septembre 1914.

En arrivant à Vitry-le-François des cadavres boches gisaient sur le pays, ils étaient noirs comme du charbon.

Tout un troupeau de bêtes, sans êtres atteintes, étaient crevées, les effets du 75. Ce n’était pas tenable.

Un grand nombre de maisons brûlées.

Le 14, départ d’un grand nombre de boches. Ce jour-là j’ai apperçu Mr Treich et Jean Bouny.

Le 15 septembre (1914) repos, le 16, partis de Vitry-le-François, passés à la Sente des près (en fait, c’est la Cense des Près ; au nord de Vitry le François), mangé la soupe, repartis pour coucher au Fresne et Coupéville.

Le 17, repartis pour Tillois-Bellay
le 18 (septembre 1914), vu le village d’Auve complètement brûlé.

Ce village est incendié par les Allemands le 6 septembre 1914

Le 19, partis de Tillois Bellay (Tilloy et Bellay).
Passé à l’Epine, avoir visité l’église, beau monument où les boches faisaient l’infirmerie.

Passé à Chalons s/Marne et avoir cantonné à La Veuve. J’ai accompli 27 kilomètres avec un quart de jus dans le ventre.

Le 20 sept repos, le 23 à St Martin sur le Près (Saint Martin sur le Pré) et reçu une carte de ma fille Loulou et une lettre du 13 sept.

Le 1er octobre 3 bombes lancées par un Taube (avion allemand) à 60 mètres de moi en plein champs, avoir été à Récy le 7 octobre au ravitaillement à Cuperly par Bouy et Vadenay. Vu le ballon captif.

Le 9 à Saint Hilaire au Temple. Le 12 au camp de Chalons.

Le 13 à Cuperly l’autobus à dérappée, il n’y a pas eu de mal.
Le 14 à Mourmelon le grand (en Champagne).

Le 22 au ravitaillement à Suippes. Ayant traversé la ville pour aller voir le frère de Jules Canet, au retour trois obus éclatent, je n’ai eu absolument rien.

Le 3 octobre étant à Vadenay, un Taube à lancé 9 bombes entre Vadenay et la gare de St Hilaire, sur la voie ferrée qui n’ont causé aucun dégats.

Il est bien passé sur notre tête, on se penchait hors de l’autobus pour voir ses mouvements, il nous suivait. On l’a eu vite chassé...."

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le permis de conduire de Léonard
Au verso, une mention manuscrite ; écrite en gros à l’encre rouge ; barre le document : "Délivré pour la durée de la guerre..."

Le contexte historique : offensive des Ardennes et retraite de la IVe Armée

La IVe Armée aurait dû servir de réserve en stationnement autour de Bar-le-Duc si le plan XVII avait été appliqué et non une variante, décidée par le général Joffre persuadé que les Allemands n’hésiteraient pas à violer la neutralité belge.

La variante consistait à intercaler la IVe Armée entre la IIIe et la Ve armée, en faisant riper cette dernière vers la gauche. Ce qui fut fait.

La IVe Armée n’aurait dû comprendre que trois corps d’armée, regroupant sept divisions d’infanterie et une division de cavalerie. Mais très vite, elle fut renforcée, grâce à Joffre, par deux autres corps d’armée.

Ainsi, au début des hostilités, la IVe Armée était composée de cinq corps d’armée : le 17e, le 12e, le 2e, le 9e CA, un CA colonial et la 10e Division de cavalerie.

Chacun de ces corps d’armée comprenait deux divisions d’infanterie sauf le corps d’armée colonial qui en comptait trois.

Dès la mise en place de leurs troupes sur leurs positions de départ, Français et Allemands appliquèrent leurs plans respectifs. Ce fut le début de la « Bataille des Frontières ».

La « Bataille des Frontières » est le nom donné aux premiers combats qui, au début de la première guerre mondiale, du 5 au 26 août, opposèrent les forces françaises face à l’offensive allemande en Lorraine, en Belgique, au Luxembourg et dans les Ardennes.../...

Du 5 au 16 août, les allemands attaquent par surprise la Belgique et notamment Liège, dont la possession commande l’exécution de la manœuvre allemande. Les opérations frontalières sur le front belge sont la conséquence directe du plan de campagne français. Elles se déroulent sensiblement selon les prévisions de l’état-major de Moltke.

Le commandement français s’y adapte difficilement tant ses renseignements sur l’adversaire sont loin de la réalité.

En effet, jusqu’au 20 août 1914, Joffre demeure fidèle au plan théorique qu’il avait élaboré soigneusement. Il reste persuadé que son aile gauche, forte de dix corps d’armée (trois belges, deux anglais, cinq français) est largement supérieure à la droite allemande, qu’il estime à six corps d’armée, sans tenir compte évidemment des fameux corps de réserve, que Joffre ne s’attend pas à voir apparaître en première ligne.

La réalité est tout autre : face à cinquante-trois divisions allemandes, les troupes françaises ne comptent que cinquante deux divisions hétérogènes dont dix (anglaises et belges) échappent partiellement à son autorité.

D’autre part, le Grand Quartier Général français n’apprend que la chute de Liège le 19 août, surestimant de surcroît les destructions opérées par les Belges, alors que les ponts sur la Meuse sont intacts et que tout contact est perdu avec les troupes belges repliées sur Anvers.

Ainsi, pour menacer les communications de l’aile marchante allemande, Joffre lance à travers les Ardennes les neuf corps de ses armées du centre (IIIe et IVe Armée) en direction de Neufchâteau et d’Arlon.

Déployés de Sedan à Spincourt, ils s’enfoncent le 21 août, sans se douter qu’ils vont affronter les 4e et 5e armées allemandes, dont la marche vient justement d’être orientée par Moltke vers le Sud-Ouest.

Le terrain où les deux forces vont se heurter est particulièrement difficile : les routes sont rares, le cloisonnement de la forêt, à peine interrompu par les hautes vallées de la Chiers et de la Semoy, fractionne constamment le combat et interdit l’emploi de l’artillerie comme toute idée de manœuvre.

Aussi l’action d’ensemble, dont Joffre espérait de grands résultats, dégénère t’elle aussitôt en une série de violents combats de rencontre, décousus et sans liens les uns avec les autres, où le plus souvent les Allemands, sachant se couvrir, surprennent les Français insouciants.

Fractionnées, isolées, les diverses unités de la IVe Armée affrontent, dans les pires conditions, la masse de la 4e armée allemande du prince du Wurtemberg surgie du Luxembourg.

Il en résulte une série d’échecs à Rossignol, Bertrix, Messain, Palisseul qui entraînent une retraite précipitée sur les bases de départ de la Marne. Les pertes françaises sont lourdes.

C’est le recul du corps colonial et du 17e corps, très éprouvés, qui entraîne celui des deux armées françaises qui se sont lancées en Belgique sur la Chiers puis sur la Meuse.

Les succès ennemis sont relativement limités par la prudence de l’exploitation allemande, ce qui permet aux troupes françaises de se replier en bon ordre.

Il faut néanmoins toute la solidité de Joffre pour admettre qu’il faut céder du terrain pour organiser une manœuvre plus en arrière, manœuvre qui permettra le rétablissement de la Marne [6].

Refaire l’histoire des mouvements de la IVe Armée d’août à fin septembre 1914 dans cette région frontalière dépasserait largement le sujet de cet article.

Pour ceux que cela intéresse, ils peuvent avec profit consulter : http://1914ancien.free.fr/3e_4earm.htm


[1Chaque DI est composée de 2 Brigades d’Infanterie de 2 régiments chacune. La 23e DI comprend la 45e Brigade (avec les 63e et 78e RI) et la 46e Brigade (avec les 107e et 138e RI). La 24e DI comprend la 47e Brigade (avec les 50e et 108e RI) et la 48e Brigade (avec les 100e et 126e RI).

[2Chaque DI est composée de 2 Brigades d’Infanterie de 2 régiments chacune. La 33e DI comprend la 65e Brigade (avec les 7e et 9e RI) et la 66e Brigade (avec les 11e et 20e RI). La 34e DI comprend la 67e Brigade (avec les 14e et 83e RI) et la 68e Brigade (avec les 59e et 88e RI).

[6Extrait des pages du site : http://fort.ayvelles.free.fr/ sur le domaine fortifié des Ayvelles : le fort en 1914 : http://fort.ayvelles.free.fr/index.php?option=com_content&view=article&id=44:fort14&catid=1:latest-news&Itemid=40

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