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Les débuts de la Révolution française à Propières et environs (Haut Beaujolais)

Le jeudi 1er février 2001, par Michel Guironnet

A partir des cahiers de doléances de plusieurs paroisses du Haut-Beaujolais, Michel Guironnet nous présente la mise en place et le rôle des assemblées paroissiales à la veille de la Révolution.

Propières, en Haut Beaujolais, est la terre d’adoption de mes ancêtres maternels VALENTIN depuis 1777. Claude, originaire de Cours, gros village à quelques heures de marche, est venu s’installer au hameau du Vermorel trois ans après son mariage. Son épouse Claudine CORGIER est native de Propières. Ses parents étaient meuniers, métier repris par un de ses cousins.

En 1789, Les VALENTIN ont déjà cinq enfants, entre treize et trois ans. Ils sont à la fois paysans et tisserands, comme beaucoup de villageois dans cette région.


Les débuts de la Révolution

Les difficultés financières, sociales et économiques du Royaume de France obligent Louis XVI à envisager des réformes importantes. Dans cette perspective sont crées, après l’Assemblée des Notables de février 1787, les Assemblées provinciales. C’est le cas en Lyonnais et Beaujolais le 30 juillet. Réunie dès septembre 1787, l’Assemblée provinciale forme sa Commission intermédiaire avec quatre bureaux chargés des travaux publics, de l’agriculture, du commerce, du bien public ; celle ci s’occupe des affaires publiques pendant les intersessions de l’Assemblée.

Présidée par l’Archevêque de Lyon, l’Assemblée exprime le vœu " de répartir avec égalité les impositions, remédier aux abus, favoriser l’agriculture et le commerce ". Mais les démarches de l’Assemblée provinciale sont très lentes et manquent d’audace. La fronde des Parlements freine les tentatives de réforme. Le bras de fer entre le Pouvoir et l’opinion publique commence.

On réclame la réunion des États généraux. Un grand débat d’idées s’ouvre, soutenu par la Presse et les libelles. C’est surtout à Lyon et à Villefranche que les milieux éclairés débattent.

Dans les campagnes du Haut Beaujolais, qui se soucie vraiment de cela ? Car à cette crise " politique " s’ajoute une crise économique : " La mauvaise récolte survenant après les inondations de 1787, la sécheresse de l’été 1788 entraînent une hausse des prix et cette sous-production rurale déclenche une sous production industrielle et le chômage... C’est vrai surtout du textile... La région lyonnaise en est victime... Les paysans manquent de semences en raison de la récolte de blé déficitaire, l’hiver est précoce et rude. Le froid commence à la Saint Martin (11 novembre 1788) et dure jusqu’au 14 février 1789 : la terre est gelée à trente pouces (un mètre environ) de profondeur... le Rhône, la Saône, les rivières gèlent et les moulins cessent de moudre " (L.TRENARD op.cit).
 
"Pensons aux CORGIER, victimes du froid, au Moulin Cochard au bord du Moussay pris par les glaces ; à la famille VALENTIN, au village Vermorel, obligée d’interrompre ses travaux agricoles et dont les revenus liés au tissage sont inexistants à cause de la crise du textile.
Claudine est enceinte de son sixième enfant. Il naîtra en juillet 1789.

Le 24 janvier 1789, le roi Louis XVI adresse la lettre pour la convocation des États généraux à Versailles le 27 avril prochain "pour nous conseiller...nous faire connaître les souhaits et doléances de nos peuples "afin" qu’il soit apporté le plus promptement possible un remède efficace aux maux de l’État et que les abus de tout genre soient réformés"


Les assemblées paroissiales du Beaujolais (mars 1789)

"Tous les habitants composant le Tiers État des villes, ainsi que ceux des bourgs, paroisses et communautés de campagne, ayant un rôle séparé d’imposition, sont tenus de s’assembler... à l’effet de rédiger le cahier de leurs plaintes et doléances et de nommer des députés".

Deux députés sont à élire pour 200 feux et au dessous, trois au dessus.

"Les paroisses et communautés... s’assembleront dans le lieu ordinaire des assemblées et devant le juge du lieu...a laquelle assemblée auront droit d’assister tous les habitants composant le Tiers État, nés français ou naturalisés, âgés de vingt cinq ans, domiciliés et compris au rôle des impositions, pour concourir à la rédaction des cahiers et à la nomination des députés".

Dans chaque paroisse convocation est donnée aux électeurs, à la fin de février, pour qu’ils se réunissent. Laurent LONGEFAY, huissier royal en la Sénéchaussée de Beaujolais, dépose la convocation aux "syndics, consuls et fabriciens de la paroisse de Propières" le 24 février 1789.
Les premières assemblées se tiennent dès le dimanche premier mars 1789.

Le dimanche 8 mars plus de soixante paroisses tiennent leur assemblée, une quarantaine d’autres se réunissent les quatre jours suivants.

Celle de Propières se tient le 12 mars. En l’absence de tout officier de l’ordre judiciaire, les assemblées paroissiales sont présidées par celui des assistants qui semble le plus qualifié. Le plus souvent, ce "premier en ordre" est le notaire de la localité. Ainsi, Jacques Corcelette, notaire à Poule (aujourd’hui Poule les Echarmeaux), préside l’assemblée de Propières. 

Une grande partie des procès verbaux de ces assemblées est conservée aux archives du Rhône. Malheureusement, on ne retrouve ni l’assemblée tenue à Cours, ni celles de Propières, de Poule et de Saint Igny de Vers.
Ces assemblées voient très probablement les chefs des familles VALENTIN et CORGIER y participer... mais rien ne nous le prouve ! 

Jean FAYARD, dans la Revue d’Histoire de Lyon (tome 3, année 1904), a rédigé une très bonne étude sur " les cahiers des paysans du Beaujolais aux États généraux " Il explique bien la situation de nos ancêtres à la veille de la Révolution. Nous y renvoyons le lecteur désireux d’approfondir ce sujet.


 
Les députés des villages

Grâce à l’importante recherche de Raoul de CLAVIERE sur " les assemblées des Trois Ordres de la Sénéchaussée de Beaujolais en 1789 " nous connaissons les noms des députés de Propières et des villages alentours :

Pour Propières sont élus Pierre Vermorel et Philibert Du Vernay.

Vermorel est né le 20 décembre 1751. Il a alors trente huit ans et est négociant à Propières. Il est marié à Jeanne Marie Carry.

Du Vernay est né le 4 juillet 1754. Il a trente cinq ans.

A Saint Igny de Vers, les députés sont le notaire royal Jean Marie Boucaud, Jean Pierre Jugnet, et Philibert Aublanc, du hameau des Côtes, époux de Jeanne Augros.

Les députés du village voisin de Poule sont Corcelette, Sapin, et Chuzeville.

" Jean Jacques Corcelette était fils de Joseph Marie Corcelette, notaire royal à Poule, et de Jeanne Lièvre. Il est né dans cette paroisse le 15 février 1755... Il fut d’abord avocat au Parlement puis pourvu, le 11 septembre 1776, de la charge de notaire royal au Bailliage en résidence à Poule, en succession de son père. En 1774, il était déjà juge de Belleroche... Il préside l’assemblée électorale de La Mure (sur Azergues) le 10 mars 1789, en qualité de juge, lieutenant civil et criminel et de police... Le 12 mars, il présida pareille assemblée à Propières, faisant alors fonction de juge comme étant le plus prochain gradé en l’absence du juge...".

" Antoine Sapin était fils de Pierre Sapin, marchand de Poule, et de Pierrette Marie Rochard, sa première femme. Il est né à Poule le 20 avril 1738, y était notaire royal en 1767 et procureur fiscal en 1778... Il avait épousé à Vaux, le 15 janvier 1771, Marie Anne Perreon".

" Pierre Cheuzeville, fils d’autre Pierre Cheuzeville, marchand et syndic de Poule, où il habitait le hameau de Longefay, et de Eléonore Cortey, est né à Poule le 15 juin 1750... Il était négociant, et habitait, comme son père, le hameau de Longefay... Il avait épousé à La Mure, le 13 février 1776, Marie Catherine Roche".


Les cahiers de doléances

Le cahier de doléances de Poule est conservé comme ceux de Belleroche et de Monsols, paroisses très proches de Propières et de Saint Igny de vers.
Citons en quelques passages évocateurs :

"Cahier de plaintes, doléances et remontrances rédigé et arrêté par les habitants de la paroisse de Poulle en Beaujolais, le 9 mars 1789, dans leurs assemblées dudit jour.

Article premier- La paroisse de Poulle est située au sommet des montagnes du Beaujolais, son sol est stérile et exposé à être entraîné par les eaux dans les collines".

"Les matériaux pour les constructions très mauvais, les bâtiments exposés aux orages et pluies plus fréquents que dans les plaines, nécessitent des grandes réparations souvent réitérées. Les habitants ne trouvent pas dans la production du sol des grains pour leur subsistance pendant toute l’année... Cette paroisse n’a d’autre ressources que la culture de son terrain ingrat et les voitures de vin pendant une partie de l’hiver sur la route de la Saône à la Loire".

Et les habitants de se plaindre du peu de rapport de cette activité de transports, vu le prix et l’entretien des "bestiaux" nécessaires !
"Encore ce petit produit va t’il être perdu... par le moyen de l’établissement du canal presque achevé dont on s’occupe de la Saône à la Loire".

"Par ce tableau fidèle, il est aisé de voir que la paroisse de Poulle est écrasée de redevances de tous genres. En effet, toutes les impositions royales et seigneuriales auxquelles elle est sujette sont énormes, ainsi que la dîme... à laquelle elle est aussi sujette".

"Cette assemblée demande donc que, lors de la distribution des impositions royales sur les différentes paroisses, il lui soit accordé quelques soulagements en conséquence, que chaque paroisse soit imposée suivant la stérilité ou la fertilité".
 
Suivent des "doléances" sur les impositions et la justice à réformer, plus ou moins "téléguidées" par les rédacteurs des cahiers. A tout le moins a t’on interprété en bon français ce que les villageois ont déclaré en patois lyonnais.

Déjà on réclame la simplification des "formalités en usage"...mais aussi "que le Beaujolais soit distrait (c’est à dire détaché) du Lyonnais et du Forez..." et, demande tout à fait moderne, "que les poids et mesures soient uniformes sur tout le Royaume".

Le cahier de Poule se termine ainsi : "Fait et arrêté dans la nef paroissiale de l’église de Poulle, tous les habitants de la paroisse assemblés et convoqués à la diligence du syndic de la paroisse, lesdits jour et an, sur les trois heures de relevée, et ont signé ceux desdits habitants qui l’ont su faire".

Suivent trente deux signatures. 

Le "cahier de remontrances, plaintes et doléances de la paroisse de Belleroche, élection de Roanne, sénéchaussée de Villefranche " commence aussi par des considérations sur le relief , la météo, et leurs conditions d’existence :

"La paroisse de Belleroche est d’une très petite étendue ; elle est sur les hautes montagnes du Beaujolais ; son sol est stérile. La neige y séjourne et la gelée s’y fait sentir ordinairement pendant la moitié de l’année. Cette paroisse est, de plus, mal partagée dans la distribution des impôts de cette Généralité de Lyon, ce qui réduit la majeure partie des habitants de cette paroisse à une misère inévitable... Il est donc nécessaire qu’on lui accorde un soulagement lors de la distribution des impôts sur les différentes paroisses... Le clergé et la noblesse possèdent le tiers au moins des biens immeubles de la France, et une partie de cette paroisse est dans leur possession en propriété. Dans cette paroisse, comme ailleurs, ils ne payent presque point d’impôts... tandis que le Tiers État est écrasé par des impôts de toutes espèces".

"N’est il pas naturel que tous les Français, de tous les états, ayant le même intérêt au maintien de la monarchie, contribuent avec égalité et à proportion de leurs biens au payement des charges publiques ? Le Tiers État est il donc moins utile que le Clergé et la Noblesse ?..."

Le texte se poursuit avec les mêmes "remontrances" qu’ailleurs. Il est clair que des modèles de cahiers ont circulé dans les paroisses, offrant un cadre déjà rédigé aux animateurs des assemblées paroissiales.
 
Les cahiers de doléances ouvre un vaste champ d’étude en histoire : "Qui a parlé dans le village ? Qui a tenu la plume ? Quelle culture a fourni les éléments du "discours" ? Quelle idéologie, voire déjà quelle politique, consciente peut être, a tenté de trier dans la plainte du pauvre la doléance inopportune ou marginale et celle qui était intégrable dans la revendication d’ensemble du Tiers État contre la féodalité ?"

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2 Messages

  • Bonjour,
    Ayant rédigé avec d’autres collègues et des élèves du Collège public de Charolles (71120), en 1989, un opuscule de fin d’année intitulé "Le Charolais en Révolution", j’ai remarqué que des événements tout à fait semblables aux vôtres s’étaient déroulés dans nos paroisses charolaises. Ce qui est parfaitement normal et vérifié...
    Mais, nous avions été intrigué par le mouvement de la période dite "La Grande Peur". Pour nous Bourguignons du Sud, elle prend naissance, dans la Bresse Louhannaise et un grand flou... ne permet de bien la suivre. Par contre dans les archives locales de Charolles, il est bien dit qu’elle vient du sud-est, de Monsols, du Lyonnais, de La Clayette, notre plus proche "ville" voisine concernée.
    Avez-vous, un peu plus d’informations précises sur cette "Grande Peur" qui ne dépassa jamais - à notre connaissance actuelle - le stade de la grosse rumeur, créant une inoffensive panique, méritant toutefois, une levée de milice et de rondes de précaution.... F.L.

    Répondre à ce message

    • Bonjour,

      Nous relevons pour l’instant les actes d’état civil de Chauffailles et Mussy sous Dun, pour créer un site Histoire et Généalogie qui donnerait accès direct aux copies numérisées des actes : voir http://gene.cyberbaladeur.fr

      Nous devons avoir un intérêt commun pour ce genre de sujets à la croisée de l’histoire et de la généalogie ?

      Personnellement, mon ancêtre Pierre Accary, de Cours, a épousé à Cours Antoinette Odin, une fille de Propières, le 17/7/1781. Ce faisant, il a rompu les liens avec sa famille et a du renoncer à l’héritage de ses parents : Jean et Catherine Bonnefond, acte déposé chez Me Thivend (de Cours).... et se contenter de 15 Livres, son père avait 500 livres à son mariage ???
      Le gros pb que j’ai cherché à résoudre sur Propières concernerait peut-être une affaire "croustillante". En fait Claude Morel, officier de bouche de SA la princesse Charlotte d’Armagnac, et la susdite, ont-ils eu un enfant comme il fut prétendu par le prêtre du lieu et serait-ce chez les ascendants Odin (de Propières) ?

      Ceci expliquerait-il le texte sibyllin de l’acte de mariage de mon vieil aïeul.... ?

      Depuis, je m’intéresse personnellement à l’Histoire des princes de Lorraine....

      MAIS sur le triangle infernal (42-69-71), nous cherchons à créer un site interactif (php MySQL Apache) pas en Javascript comme vous le fîtes. Nous pourrons peut-être mettre des "Bells and Whistles" mais ce n’est pas encore notre objectif qui est plus tourné vers l’exploitation au sens des statistiques, corrélations, and s.o.

      Dans le plaisir de vous lire.

      AA

      Voir en ligne : http://gene.cyberbaladeur.fr

      Répondre à ce message

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