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Accueil » Documents » Au fil des registres paroissiaux et des registres d’état civil » Les mentions insolites » Une lettre glissée entre les pages d’un registre

Une lettre glissée entre les pages d’un registre

Le jeudi 26 janvier 2012, par Thierry Sabot

J’ai depuis longtemps pris l’habitude de lire les registres paroissiaux et les registres de l’état civil dans leur intégralité, de manière exhaustive, d’acte en acte, de la première page du registre à la dernière, ou dans l’ordre inverse. Certes, le procédé est long, parfois fastidieux et souvent éreintant, mais, au final, l’exercice en vaut la peine car il me permet de saisir la population de la commune dans sa globalité et de mieux comprendre l’implication sociale de mes ancêtres au sein de cette population. Parfois, aussi, cette lecture systématique me réserve de belles surprises.

Profitant de la mise en ligne, tant attendue, des registres d’état civil de la Haute-Loire, je me suis mis en quête de compléter mes recherches généalogiques sur les familles Ponson et Colombet, identifiées au XIXe siècle sur les communes de Raucoules et de Montfaucon en Haute-Loire.

J’ai commencé ma lecture du registre de Montfaucon-en-Velay (1827-1850) par la dernière page, à rebours, afin de progresser dans le temps depuis les actes les plus récents vers les plus anciens.

J’ai rapidement identifié le décès de Jean Ponson, en date du 27 novembre 1842 (Registre des décès de Montfaucon-en-Velay, 1827-1850, 6E158-07, vue 135/212) :


L’an mil huit cent quarante deux, le vingt sept du mois de novembre à deux heures après midi, par devant nous Camille Chazotte Maire officier de l’état civil de la commune de Montfaucon, canton de ce nom, département de la Haute-Loire, sont comparus Pierre Chomat, boucher, âgé d’environ 30 ans et Antoine Gire, militaire pensionné, âgé de soixante ans aussi environ demeurants tous deux à Montfaucon faubourg Notre Dame, lesquels nous ont déclaré que Jean Ponson, tailleur d’habits, âgé d’environ cinquante huit ans, époux de Marie Colombet, demeurant ensemble au lieu d’Oumey commune de Raucoules est décédé à Montfaucon dans la maison et domicile dudit Chomat comparant ce jourd’hui à six heures du matin et après lecture faite nous avons signé le présent acte de décès avec lesdits Chomat et Gire.

Ainsi donc, mon ancêtre Jean Ponson n’est pas décédé dans sa commune de Raucoules, mais dans celle voisine de Montfaucon-en-Velay, distante de la première de 1,34 km. Mais le passage le plus curieux de l’acte est celui qui nous indique qu’il est mort dans la maison d’habitation de Pierre Chomat à six heures du matin. Qu’allait-il faire à cette heure si matinale chez le boucher de Montfaucon ? Aucun lien de parenté n’étant connu entre les deux hommes, il s’agissait peut-être d’une visite d’affaire, disons dans le cadre de leurs activités respectives.

J’en restais là de mes suppositions et je repris ma lecture systématique, à rebours, des actes du registre des décès de Montfaucon. Je n’allais pas bien loin dans le même volume puisque je trouvais rapidement, 9 pages avant l’acte de décès de Jean Ponson, à la page 135, une lettre insérée entre les feuillets. Quel ne fut pas mon étonnement de constater que ce document concernait le décès de mon ancêtre Jean Ponson !

En voici le contenu (Registre des décès de Montfaucon-en-Velay, 1827-1850, 6E158-07, vue 126/212) :


Le Maire officier de l’État civil de la ville de Montfaucon, département de la Haute-Loire, sur la demande a lui faite par la famille du nommé Ponson Jean âgé d’environ cinquante huit ans, tailleur d’habits, marié, père de famille domicilié au lieu d’Oumey, commune de Raucoules, dépendante de ce canton, décédé dans la maison de Pierre Chomat, boucher à Montfaucon, ce jourd’hier à six heures du matin, d’avoir l’autorisation de faire inhumer ledit Ponson dans le cimetière de la paroisse dudit Raucoulles ; En conséquences vu que la loi ne s’oppose pas à ces autorisations lorsqu’il n’y a point de raisons contraires ; à cet effet permettons que le cadavre dudit Ponson Jean soit livré à sa femme et son père pour être transporté de suite à Raucoules et être inhumé ce jourd’hui dans le cimetière dudit lieu. Lequel cadavre sera déposé selon l’usage dans une bière fermée et clouée ; à la charge par les réclamants de rapporter décharger dudit cadavre et de son inhumation. Délivré par l’autorité locale dudit lieu. Délivré à Montfaucon en mairie le vingt huit novembre 1842.

et plus bas dans la lettre, la réponse du maire de Raucoules :

Le Maire de la commune de Raucoules certifie que le sieur Ponson Jean décédé au domicile de Pierre Chomat a été inhumé dans le cimetière communal de Raucoules aujourd’hui vingt huit novembre mil huit cent quarante deux en vertu de l’autorisation ci dessus. Raucoule le 28 novembre 1842. Le Maire (cachet de la mairie).

Certes, la cause du décès de Jean Ponson n’est pas indiquée, ni la raison de sa présence matinale dans la maison de Pierre Chomat. Il n’en reste pas moins que cette lettre, aussi inattendue que providentielle, m’apporte quelques éléments nouveaux sur la famille de mon ancêtre et sur les circonstances de son décès.

Ainsi, la lecture de la phrase suivante : « vu que la loi ne s’oppose pas à ces autorisations lorsqu’il n’y a point de raisons contraires » me suggère que la mort est sans doute naturelle, tout au moins qu’elle ne prête pas à suspicion.

Mais le plus intéressant, dans cette attestation de transport du corps d’un défunt d’une commune à une autre, réside dans la description de la procédure d’usage de restitution d’un corps à sa famille. On voit ainsi que la démarche est à la charge de la famille qui devra rendre la bière après l’inhumation.

Voici d’ailleurs les instructions officielles à suivre pour le transport et l’inhumation d’une personne décédée :

402. L’autorisation d’inhumer est délivrée sur papier libre et sans frais. (Art. 77, C.c.) Elle doit contenir la désignation exacte de la personne décédée, et l’indication de l’heure à laquelle il sera permis de l’inhumer.

403. Dans les cas ordinaires, l’inhumation ne peut avoir lieu, et on ne doit permettre de la faire que vingt quatre heures après le décès (Art. 77, C.c.). Pour assurer l’observation de cette règle et empêcher les inhumations précipitées, il est très-important que l’Officier de l’état civil se fasse indiquer très exactement l’heure du décès, et s’assure que cette indication n’est pas mensongère.

405. Toute personne qui participe d’une manière quelconque à l’enlèvement, transport, dépôt, présentation à l’église ou au temple, ou à l’inhumation d’un corps, sans qu’il lui soit justifié de l’autorisation accordée par l’Officier de l’état civil, ou avant l’heure fixée par cette autorisation, est passible d’un emprisonnement de six jours à deux mois et d’une amende de 16 fr. à 50 fr. (Art. 358, C.p.).

406. L’inhumation ne peut être faite ni permise que dans l’un des cimetières publics de là commune où le décès a eu lieu (Décret du 23 prairial an XII, art. 2 et 15).

408. Si la propriété particulière où l’on a le projet de faire l’inhumation, est dans une autre commune, l’Officier de l’état civil veille à ce que le transport du corps soit fait avec toutes les précautions convenables. Si ce transport doit être long, il est nécessaire que le corps soit embaumé. Dans tous les cas, on doit le placer soigneusement dans un ou plusieurs cercueils assez-solidement fermés, pour qu’aucune émanation putride ne s’en échappe.

L’officier de l’état civil dresse un procès-verbal énonçant l’état du corps et du cercueil, la personne ou les personnes à qui il le confie sous leur responsabilité, et le lieu où il doit être transporté.

Expédition de ce procès-verbal est immédiatement adressée au Maire de la commune dans le territoire de laquelle doit se faire l’inhumation, afin que ce fonctionnaire puisse veiller à ce qu’elle ait lieu conformément aux règles tracées par la loi.

Enfin, il est délivré au voiturier, charretier ou conducteur, chargé du transport, une sorte de passeport, contenant la désignation du corps et du cercueil, l’indication du lieu où il doit être conduit et déposé, et des personnes sur la demande de qui l’enlèvement a été autorisé.

Si l’Officier de l’état civil a cru devoir prescrire quelques mesures particulières, dans l’intérêt de la décence ou de la salubrité publique, il en fait mention dans cette pièce.

Source : Extrait des Instructions élémentaires sur les actes de l’état civil, à l’usage des écoles normales primaires et des secrétaires de mairies, par M. Claparède (président à la Cour de Montpellier), Librairie Hachette (Paris), 1837. Disponible en ligne sur Gallica (Merci à Michel Guironnet pour l’information).

Lire l’avis des premiers lecteurs

Cet ouvrage, étude inédite, se propose de vous faire découvrir quelques-unes de ces mentions insolites et de vous en montrer la richesse historique et généalogique. Il répond à bien des questions au sujet de ces textes insolites qui parsèment les registres paroissiaux : Pourquoi certains curés notent des mentions insolites ? Que nous apprennent-elles sur la vie quotidienne de nos ancêtres ? Comment repérer, déchiffrer, transcrire et commenter ces témoignages du passé ? Comment les utiliser pour compléter notre généalogie et l’histoire de notre famille ou de notre village ?

Il s’agit du premier numéro de Théma, la nouvelle collection d’histoire et de généalogie.

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12 Messages

  • Une lettre glissée entre les pages d’un registre 26 janvier 2012 12:48, par André Vessot

    Bonjour Thierry,

    Bravo pour cette trouvaille et merci de nous la faire partager. Comme quoi la lecture attentive et patiente des registres paroissiaux permet de riches découvertes. J’ai aussi des ancêtres en Haute-Loire dans la région d’Allègre et de Sainte Eugénie de Villeneuve, mais je ne suis pas encore allé sur le site internet des archives départementales.

    Bien amicalement.

    André

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  • Une lettre glissée entre les pages d’un registre 26 janvier 2012 19:40, par Benoît Petit

    Merci pour cet article très intéressant,j’ai l’impression de me voir ,comme bien d’autres ,à remonter lentement les pages d’un registre,toujours en attente d’une Info ,et tout lire apporté beaucoup dinfo je confirme

    Répondre à ce message

  • Une lettre glissée entre les pages d’un registre 27 janvier 2012 09:53, par Michel Glock

    Bonjour,
    Je fais de la généalogie que depuis quelques années, des le début j’ai commencé à lire ces registres à l’envers du plus jeune vers le plus ancien. Je me suis bien vite aperçu que tous les renseignements étaient très importants, lieux conditions, situation de famille voir température du jour maladie, accidents et autres, je ne connaissais rien de ma famille paternelle même pas le nom de mes grands parents. Maintenant je connais leur vie, leur métier, les soucis du moment leur vie en fait, C’est un vrai parcours dans le temps, on s’aperçoit que si on est derrière le clavier aujourd’hui tout cela ne tient qu’à un fil.
    Bonne journée à tous.
    Michel Glock

    Répondre à ce message

  • Une lettre glissée entre les pages d’un registre 27 janvier 2012 10:29, par GUIRONNET Michel

    Bonjour Thierry,

    Bravo pour ton article !

    Toutefois, après avoir lu la lettre du maire sur le site des archives, je pense qu’il faut simplement comprendre que les "réclamants" devront fournir "une décharge dudit cadavre et de son inhumation" au maire ; attestation du maire de Raucoules signée au-dessous de la lettre d’autorisation du maire de Montfaucon.

    Lettre qui "dédouane" le maire de Montfaucon...C’est pour cela qu’il l’a inséré dans les registres, mais, bizarrement, avant l’acte de décès !

    Procédure à vérifier.

    Amicalement.
    Michel Guironnet

    Répondre à ce message

  • Une lettre glissée entre les pages d’un registre 27 janvier 2012 13:17, par Lucile B

    Bonjour Thierry, bonjour à tous,
    Cette lettre n’est-elle pas "l’ancêtre" de nos autorisations de transport de corps d’aujourd’hui ? Mis à part "la restitution de la bière", bien sûr !
    Lucile B

    Répondre à ce message

    • Une lettre glissée entre les pages d’un registre 27 janvier 2012 13:21, par Thierry Sabot

      Bonjour Lucile,

      Oui, je pense que vous avez raison. C’est une sorte d’attestation de transport du corps d’un défunt d’une commune à une autre.

      Généalogiquement,

      TS

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      • Une lettre glissée entre les pages d’un registre 27 janvier 2012 14:55, par A.BREGERAS

        Bonjour à tous,

        C’est une grande chance d’avoir trouvé ce document loin de l’acte ! En tout cas bravo à vous et pour le côté encourageant.

        Je souhaite ajouter une petite contribution personnelle,qui consiste à remercier un contributeur correspondant inconnu (soleil 81)de Limoges qui a cherché et trouvé les documents manquants pour clore (la veille de Noël) et compléter une lacune sur ma généalogie paternelle !A.B.

        Répondre à ce message

  • Une lettre glissée entre les pages d’un registre 27 janvier 2012 15:44, par ROUSSIN Yvette

    Bonjour,

    En faisant des recherches sur ma famille paternelle, j’ai trouvé dans le registre paroissial le décès accidentel d’un soldat le 4 juillet 1704 à Plouzané (29). Le prêtre relate les circonstances de l’accident dans le registre : ce soldat étant trop entreprenant auprès d’une femme du pays, celle-ci a appelé à l’aide, des paysans sont intervenus avec fourches et fusil. Dans la bagarre qui s’ensuivit, le soldat reçut un coup de fusil mortel. Il fut enterré discrètement dans l’église paroissiale.

    Cordialement,
    Yvette Roussin

    Répondre à ce message

  • Pour aller si tôt chez le boucher du village voisin,Jean PONSON avait dû engraisser un cochon à son domicile.
    Les hivers étant rigoureux à l’époque l’ouvrage se faisait en début de saison, avant les chutes de neige et un mois avant la nativité.
    De plus il n’y avait pas à cet époque, il me semble, de décalage horaire avec le soleil, il était donc sept heures du matin quand il est mort, heure du lever du soleil à ce moment de l’année.
    Hypothèse à vérifier, bien sur.
    Catherine

    Répondre à ce message

  • Une lettre glissée entre les pages d’un registre 31 août 2013 08:55, par Champault

    Bonjour,
    De mon coté, je recherchais un acte de mariage en ligne directe avec les ancêtres de mon épouse.
    J’ai eu la surprise de découvrir cet acte dans un livre de compte de la paroisse et, cela, grâce à l’aide du personnel des AD du Haur-Rhin à Colmar et l’enregistrement de sommaire par registre.
    @micalement
    Jean-Luc Champault

    Répondre à ce message

  • Une lettre glissée entre les pages d’un registre 31 août 2013 08:59, par Roland CARRIER

    Je ne pense que le texte signifie qu’il faudra restituer la bière après usage (il serait marqué "de LA rapporter") mais plutôt de donner décharge c’est-à-dire de confirmer que la procédure légale a été correctement suivi et que le maire de la commune du lieu du décès est déchargé de toute responsabilité.
    Il y a encore quelque année un officier de police judiciaire (maire, adjoint, garde champêtre ou police) devait mettre un bracelet plombé au poignet gauche du cadavre au départ du corps et un officier de police judiciaire vérifiait à l’arrivée qu’il n’y avait pas eu substitution de corps

    Répondre à ce message

  • Une lettre glissée entre les pages d’un registre 31 août 2013 16:57, par soixante sept yves

    bonjour
    la biere ou cercueil pour deplacement hors departement doit etre scellee cire sur une vis fermant le couvercle
    frais d’officier de police preleve
    pour un enterrement
    encore maintenant
    salutation
    yves67000

    Répondre à ce message

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