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« Cachez ce Saint que je ne saurais voir ! »

Cette petite commune de l’Isère envoie ses "dons patriotiques", réaffecte l’église du village, adopte un nom plus révolutionnaire, et adresse ses félicitations à la Convention..

Le samedi 11 octobre 2025, par Michel Guironnet

Cette petite commune envoie à la Convention, fin 1793, la liste de ses "dons patriotiques" et demande la réaffectation de son église. Un mois plus tard, elle espère l’appui en haut-lieu pour changer son nom pour bien marquer son adhésion à la Révolution. Six mois plus tard, elle adresse ses félicitations à la Convention... Mais les temps ont changé !

Dons patriotiques

Nous t’envoyons l’extrait de notre délibération du 11 frimaire dernier (An II = 1er décembre 1793) par lequel tu verras les diverses offrandes que nous faisons à la Patrie, elles sont un effort extraordinaire de la part d’une commune peu fortunée, mais quand il s’agit du salut de la République, nous ne calculons pas nos intérêts et tu peux assurer la Convention que nous répandrions jusqu’à la dernière goutte de notre sang, pour le maintien des lois, l’indivisibilité de la République et l’anéantissement des anarchistes sous quelque dénomination qu’ils se présentent ; ainsi doivent faire de vrais républicains.
Nous surveillons dans notre arrondissement tous les gens douteux et suspects, c’est là notre devoir ; celui de la Convention est de tenir d’une main ferme les rênes du gouvernement, et elle ne doit les quitter que quand les despotes seront anéantis.
Nous la conjurons donc au nom de la patrie, de la liberté et de l’égalité, de ne pas abandonner son poste qu’elle ne nous ait procuré une paix solide et durable qui doit faire à jamais le bonheur des Français.../...

Signent Etienne Ramay (maire), Montés, Marchand (agent national), Marthoux, Joubert (secrétaire)

La commune envoie à la Convention l’état détaillé des dons patriotiques dont elle fait offrande à la Patrie, et qui consistent en 3,535 livres. 13 sols. en assignats, 100 livres. 16 sols. en numéraire, 3 marcs 1 gros d’argenterie, 110 chemises, 3 draps, 29 aunes de toile, 276 livres de chanvre, et un nouveau don d’argenterie montant à 8 marcs 2 onces.

La liste des « Dons patriotiques » des habitants de la commune s’étend sur quatre pages. Instructive à plus d’un titre pour notre histoire locale, nous y reviendrons largement dans un de nos prochains articles.

L’église des Roches devient Temple de la Raison

Les municipaux des "Roches et Clair du Rhône" joignent à leur lettre des extraits de notre délibération en date de ce jour relative à un nouveau don que fait cette commune à la patrie de 8 marcs 2 onces de vases prétendus sacrés, et la demande que nous faisons de la ci-devant église pour un temple de la Raison.
Si ce dernier don ne se trouve pas de la même date du premier, c’est que la masse du peuple de cette commune n’étoit pas encore à la hauteur des circonstances où elle se trouve aujourd’hui. S. et F. (Salut et Fraternité).

Plus de curés ni de vicaires pour le culte, l’église et les "vases sacrés" sont donc inutiles !

Le maire a dit que, comme président de la Société populaire de cette commune, il a été chargé d’annoncer au Conseil que son vœu étoit que tous les vases sacrés des ci-devant églises des Roches et Clair du Rhône, qui depuis deux mois ne sont d’aucune utilité, époque à laquelle les curés et vicaires des dits lieux ont cessé leurs fonctions, fussent envoyés à l’administration du district comme don fait à la patrie.

  • Le Conseil considérant qu’il avoit déjà exprimé son vœu sur cette partie, mais qu’une partie du peuple instruite de cette démarche avoit paru y répugner.
  • Considérant qu’au jourd’hui la masse du peuple de cette commune instruite par le bon effet de la Société populaire établie en cette commune se trouve élevée à la hauteur des circonstances, témoin le vœu de la Société populaire annoncé par son président.
  • L’agent national entendu, a arrêté qu’il sera fait don à la nation de tous les vases sacrés des ci-devant églises des Roches et Clair du Rhône pesant 8 marcs et 2 onces, charge les citoyens Chambot et Albert de les présenter à l’administration du district.
  • Et attendu que la ci-devant église des Roches n’est plus d’aucune utilité pour cette partie, mais au contraire pour en faire un temple de la Raison où la Société populaire a présentement établi ses séances comme le seul lieu propre pour cela, a arrêté que la Convention sera invitée de conserver à cette commune cet édifice destiné entièrement pour le temple de la Raison. [1]

Cette "adresse", au ton très "révolutionnaire", est lue à la séance de la Convention du 22 pluviôse An II (10 février 1794).

Nous avons raconté l’histoire des deux prêtres qui ont cessé leurs fonctions il y a deux mois : le curé s’appelle Jean François Albert et son vicaire se nomme Nicolas Guillot. A noter que c’est JF Albert qui présente ce don des vases sacrés au district de Vienne !

Cachez ce Saint que je ne saurais voir !

Titre librement inspiré de la célèbre réplique dans la pièce de théâtre « Le Tartuffe » de Molière.

Nous t’envoyons pareillement extraits de notre délibération du 12 nivôse (An II = 1er janvier 1794) par laquelle nous avons arrêté que pour proscrire les noms qui pourraient rappeler les idées du fanatisme nous avons changé le nom de St Clair en celui de Clair du Rhône, nous te prions de vouloir bien être notre organe auprès de la Convention pour lui faire adopter ce changement.

Suit le texte de cette délibération du 12 nivôse an II  :

...Le Conseil général de la Commune des Roches et St-Clair assemblé aux formes ordinaires, la porte ouverte et où étoient présents les citoyens Et Ramay (maire), Joseph Valin, Et. Marthoux, Louis Grubis (off . mun.), P. Chauvet, J.-Fr. Albert, Louis Boudin aîné, J. Levet, Louis Martel, Zacharie Besson, Michel Cadier, Henry (notables).
Il a été fait lecture de [la] loi du 25 du premier mois, n° 1738, relative aux changements des différentes communes de la République.
Comme cette commune forme deux lieux différents, St Clair et les Roches, que le nom de St Clair tient à la superstition, un membre a demandé que le nom fut changé en celui du Clair du Rhône et que cette commune fut nommée à l’avenir, Clair du Rhône et les Roches. Un autre membre a demandé qu’elle fut nommée Clair les Roches.
La matière mise en délibération, le Procureur de la commune ouï, l’assemblée considérant que cette commune formant ci-devant deux paroisses St Clair et les Roches et dépend encore de deux cantons, que St Clair dépend d’Auberive et les Roches de Chonas, que de cette manière l’on ne peut adopter la dernière proposition et l’assemblée a arrêté que St Clair s’appelleroit à l’avenir Clair du Rhône et qu’invitation sera faite auprès de la Convention d’adopter le présent arrêté et ont signé :
Et. Ramay (maire), Grubis, Valin, Et. Marthoux, Marchand (procureur de la comm.), Boudin aîné (notable), Albert (notable), Louis Martel, Brunet, Guillot, Besson Chauvet.

Le changement de nom de la commune est mis en pratique avant même cette délibération du 1er janvier 1794 puisque les actes des registres d’état civil de l’an II notent le nom de Clair et Les Roches (ou l’inverse : Les Roches et Clair du Rhône) dès le le 27 frimaire (17 décembre 1793) pour les mariages ; puis le 30 nivôse (19 janvier 1794) pour les naissances ; et le 10 pluviôse (29 janvier 1794) pour les décès.

Lorsque le nouveau registre est paraphé au directoire du district de Vienne, le 28 frimaire l’an deux (18 décembre 1793), il est bien écrit qu’il est « pour servir aux actes de décès qui…surviendront dans la commune des Roches, section de Clair du Rhône »
Le nom de « Saint Clair » ne revient dans les actes que le 22 fructidor an III (8 septembre 1795) à la faveur de la nouvelle organisation territoriale mise en place par le Directoire.

Lettre de félicitations à la Convention

Pour extrait des registres des délibérations de la susditte commune [2] du 2 Thermidor an II (20 juillet 1794) :

Citoyens représentants,
Vos traveaux doivent vous rendre immortels. Vous avez détruit le tirant des François. Vous nous avés conquis l’égalité et la liberté, qui étoient avilies par le despotisme le plus affreux et le plus tyrannique. Vous nous avés appris à connoitre les dogmes de la raison, qui seule doit conduire des républicains. Nous en avons, et nous en célébrerons toujour la fête avec allégresse. Vous avez sçu découvrir tant de projets liberticides. Votre ouil (sic) pénétrant a toujour démasqué les complots les plus subversifs, et vous avez eu le courage de livrer les têtes coupables sous le glaive de la loi. Vous avez échapper aux dangers les plus imminents que vous préparoient ces factions d’hommes impurs. Qu’ils périssent tous, ces barbares, ces ambitieux et ces traîtres, qui, par leur cabale, veulent nous faire rentrer dans les cheines ! nous voulons être égaux, nous voulons mourir libres, et nous mourrons aussi pour défendre nos braves représentants qui nous ont fait jouir de ces beaux titres. Mais, pour achever ce bel et grand ouvrage, il nous faut votre constance et votre courage : l’édifice ne pourroit être solide, si vos mains laborieuses et fermes n’y plaçoient la dernière pierre.
Restez donc, nous vous en supplions, à vos places, braves et courageux représentants, jusqu’ à ce que les entropofages de l’égalité et de la liberté soient tous écrasés et annéantis. Pour nous, fermes à nos postes, nous y mourrons en faisant exécuter les loix que vous nous donnez, et nous y crierons toujour : vive la république, vive la Montagne, périssent les roix ! S. et F. ! (Salut et Fraternité !)

Signés au registre : Etienne Ramay, maire ; Thomas Chambo ; Antoine Montes ; Louis Grabis ; Joseph Valin ; Etienne Marthon, officier municipeaux ; Pierre Marchand, agent national ; Louis Boudin éné (sic) ; Pierre Chauvet ; Pierre Brunet ; Louis Martel ; Zacharie Besson ; Michel Cadier ; Pierre Hanné ; Jean-Pierre Brondel ; Jean Le Vél, notables ; Albert Flere, adjoint.
Collationné par nous, soussignés, aux Roches, ce 2 thermidor an II de la République françoise, une, indivisible et démocratique. Etienne Ramay (maire), Albert Flere (adjoint).

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Signataires de l’adresse à la Convention

A l’ouverture de la séance de la Convention du 26 Thermidor an II (mercredi 13 août 1794) sous la présidence de Merlin de Douai, sont lues les correspondances, composées d’un grand nombre d’adresses d’autorités constituées, communes, sociétés populaires, et autres, qui félicitent la Convention sur ses immortels travaux, et particulièrement sur l’énergie qu’elle a déployée en frappant de mort les triumvirs et leurs complices , dans la journée du 9 au 10 (thermidor), et l’invitent à rester à son poste jusqu’à ce qu’elle ait consolidé le bonheur des Français [3]

Les triumvirs sont les trois membres du Comité de Salut public arrêtés et guillotinés : Maximilien Robespierre, Louis Antoine Saint-Just, Georges Couthon.
Sous les applaudissements, la Convention décrète la mention honorable et l’insertion au bulletin de toutes ces adresses.

Je connaissais déjà ce texte extrait des "Archives parlementaires" [4]. Ayant demandé l’original aux archives nationales, j’ai pu le comparer avec le texte imprimé et avec d’autres documents d’archives. Je peux dire maintenant, sans grand risque de me tromper, que le copiste de la Convention (ou du Moniteur ?) n’a pas transcrit correctement les noms des signataires ! Cette liste a été faite d’après les noms inscrits sur « l’adresse », noms plus ou moins bien déchiffrés à Paris !

Il convient donc de les rétablir de façon plus juste. Je me suis employé à corriger ces erreurs et à rendre l’identité à ces "vaillants républicains" de mon village d’enfance.

En août 1794, aux Roches de Condrieu, signent au « registre des délibérations » de la commune : le « maire », son « adjoint », les 5 « officiers municipaux », l’« agent national », les 9 « notables » :

Ainsi : « Albert Flere » devient de façon sûre Jean François « Albert, secrétaire adjoint » ; Louis Grabis est à coup sûr Louis Grubis ; Etienne Marthon est en fait Marthou (sans D final) ; Louis Boudin est « aîné » pour le différencier de son cadet ; Pierre Hanné est en fait Pierre Hanry (ou Henry) ; J.P Brondel est bien sûr J.P Brondelle ; et Jean Le Vel est Jean Levet !
Tous me sont connus comme « citoyens » des « Roches et Clair du Rhône » et tiennent une part active dans ces deux villages durant la Révolution.

A noter qu’ils écrivent à la Convention « ce 2 thermidor an II » (20 juillet 1794) soit quelques jours avant la chute de Robespierre les 9 et 10 Thermidor (27 et 28 juillet 1794). En revanche, leur courrier est lu à la tribune le 26 thermidor an II (mercredi 13 août 1794) soit quelques jours après ! Le texte prend alors un relief particulier.

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La nuit du 9 thermidor
Jean Joseph François Tassaert, graveur
Musée Carnavalet, Histoire de Paris, G.24616

[1Extraits des délibérations de la commune des Roches-et-Clair-du-Rhône relatifs aux dons patriotiques présentés par plusieurs citoyens et la demande à utiliser l’église pour tenir les séances de la société populaire, lors de la séance du 22 pluviôse an II (10 février 1794). In : Tome LXXXIV - Du 9 au 25 pluviôse An II (28 janvier au 13 février 1794) pp. 527-531 ;
https://www.persee.fr/doc/arcpa_0000-0000_1962_num_84_1_35138_t1_0527_0000_14 ;

[2l’orthographe a été scrupuleusement respecté.

[3Séance D’après la réimpression du "Moniteur", XXI, 492.

[4Adresse de la commune des Roches-et-Clair-du-Rhône (Isère), lors de la séance du 26 thermidor an II (13 août 1794). In : Archives Parlementaires de 1787 à 1860 - Première série (1787-1799) Tome XCV - Du 26 thermidor au 9 fructidor an II (13 au 26 août 1794) Paris : Librairie Administrative P. Dupont, 1987. p. 19 ;
https://www.persee.fr/doc/arcpa_0000-0000_1987_num_95_1_21833_t1_0019_0000_2

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