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La tragique disparition d’Abel et Marie Gauthier, boulangers à Villedômer

Le vendredi 16 avril 2021, par Sonia Landgrebe

Une information transmise par la mémoire familiale, un fait divers relayé dans la presse d’avant-guerre... Voici la reconstitution d’un funeste événement qui s’est déroulé au village de Villedômer (Indre-et-Loire), un matin de novembre 1938, et qui a impliqué mon arrière-grand-oncle Abel GAUTHIER et son épouse Marie KERLOEGAN, boulangers.

Un matin de novembre 1938, à Villedômer

L’aube est encore loin, en ce matin du mardi 22 novembre 1938, au bourg de Villedômer, dans l’Indre-et-Loire. Roger DELALAY, boulanger de son état, est déjà debout pour préparer la fournée du jour, en compagnie de son ouvrier. Il s’étonne de ne pas voir de lumière chez son voisin Abel GAUTHIER, également boulanger, qui devrait lui aussi être à pied d’œuvre.

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Le bourg de Villedômer au début du XXe siècle
(carte postale ancienne – source : Geneanet)

Vers cinq heures, son étonnement se muant en inquiétude, M. DELALAY s’en va frapper aux volets de son voisin. Aucune réponse : ni Abel ni son épouse Marie ne se manifestent. Il court alors prévenir deux personnes  : un frère de M. GAUTHIER, ainsi que M. RIGAULT, maire de la commune. Ces derniers tentent à leur tour d’obtenir un signe de vie au domicile des époux GAUTHIER, en vain ; la maison semble vide.
Tandis que M. DELALAY retourne à son fournil, le frère du boulanger disparu et le maire de Villedômer entreprennent des recherches dans le village. Il est environ sept heures lorsqu’ils font une macabre découverte au lavoir municipal  : Abel et Marie GAUTHIER s’y trouvent, à demi-immergés dans une soixantaine de centimètres d’eau, reliés l’un à l’autre par un large foulard.
Les deux hommes retirent immédiatement les corps du ruisseau, et préviennent aussitôt le médecin, mais ce dernier ne pourra rien faire ; la mort remonte à plusieurs heures. Les gendarmes, également appelés pour les constatations d’usage, concluent à un double suicide par noyade.
Ce bien triste épisode est relaté entre le 23 et le 25 novembre 1938 par de nombreux journaux, régionaux ou nationaux, dans des articles de longueur variable mais dont la teneur est unanime quant au geste des époux et à leurs motivations : il s’agirait d’un acte de désespoir attribué à la mauvaise marche de leur commerce.

Lien avec ma famille

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Abel GAUTHIER
à l’âge de 28 ans

Ce fait divers, que je viens de retracer d’après les récits qu’en a faits la presse, me touche particulièrement dans la mesure où Abel GAUTHIER était mon arrière-grand-oncle. Je connais son visage pour l’avoir vu dans nos vieilles photos de famille ; mon grand-père Armel GAUTHIER (1916-2003) m’avait effectivement confié il y a quelques années que son jeune oncle boulanger s’était « suicidé pour dettes » avec sa femme. Il n’en avait pas dit davantage ; c’est seulement récemment que j’ai découvert qu’Abel avait son commerce à Villedômer, et qu’il y est décédé en 1938, le même jour que sa jeune épouse.

La curiosité m’ayant poussée à rechercher d’éventuelles traces de cette tragédie dans les journaux d’époque, c’est là que j’ai appris de quelle affreuse manière Abel GAUTHIER et sa femme Marie KERLOEGAN avaient trouvé la mort.

Cette triste découverte m’a donné envie de rendre hommage à ce jeune couple à peine trentenaire, disparu sans descendance. J’ai donc entrepris des recherches pour pouvoir raconter leur histoire, au-delà de ce qu’en a dit la presse et de ce qui a été transmis par la mémoire familiale. [1]

Abel, treizième enfant d’un couple de cultivateurs

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Fratrie GAUTHIER

Mon arrière-grand-oncle Abel Justin GAUTHIER est né le 28 octobre 1908 à Auzouer (aujourd’hui Auzouer-en-Touraine), village de 680 habitants. Il est le fils d’Aurélien GAUTHIER [2] et Louise dite « Irène » NOULIN, cultivateurs, qui se sont mariés vingt-deux ans plus tôt à Gombergean, dans le département voisin du Loir-et-Cher.
Ils ont déjà 12 enfants ; Abel sera le treizième et dernier. Son enfance et sa jeunesse seront jalonnées par les mariages successifs de tous ses frères et sœurs, dont la plupart travailleront dans l’agriculture comme leurs parents. Seules exceptions : Arsène, qui montera à Paris et y sera employé au Ministère de la Guerre, et Emile, qui sera boucher chevalin à Joué-les-Tours.

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Abel
à l’âge de 15 ans

Abel, très tôt, embrasse lui aussi une autre carrière que celle de la terre. Pourquoi dans la boulangerie ? Ce choix s’est-il fait à son initiative ? Rien n’est moins sûr : il semble qu’à cette époque, l’apprentissage en boulangerie était le plus souvent une affaire d’opportunité. Un boulanger recherche un apprenti, une famille nombreuse cherche à placer le petit dernier dès la fin de l’instruction obligatoire : l’affaire se conclut par simple connaissance ou bouche-à-oreille, et sans aucun contrat. L’avantage pour la famille est qu’en boulangerie, l’apprenti est nourri et logé, à défaut d’être rémunéré, et que dans ce métier on sait qu’il ne manquera jamais de pain [3] ...
A douze ans, Abel vit encore chez ses parents ; mais à dix-sept, en 1926, il est recensé comme ouvrier boulanger à Château-Renault, la ville voisine, où il est pensionnaire chez le boulanger MASSOT, au service de la « Coopérative de tous corps d’états ». L’apprentissage en boulangerie était en théorie de deux ans, mais pouvait aussi durer plus longtemps. Il est probable qu’Abel ait commencé cette activité dès sa sortie de l’école, vers l’âge de 13 ans.

J’ignore où Abel se trouvait au recensement de 1931, en tout cas ce n’est pas à Villedômer ni à Château-Renault. Pourquoi pas à Tours, où il aurait pu rencontrer une certaine Marie KERLOEGAN ? La réponse se trouve peut-être dans le registre des recensements de Tours cette année-là, mais j’avoue avoir reculé devant l’ampleur de la tâche (pas moins de 216 pages à compulser, soit près de 6 500 noms, rien que pour le quartier où vivait Marie). Autre possibilité : Abel a peut-être habité brièvement un autre département, comme pourrait le laisser supposer son absence dans les tables alphabétiques des registres militaires d’Indre-et-Loire [4]. Je n’ai malheureusement rien trouvé à ce sujet.

Quoi qu’il en soit, en juin 1934, Abel est boulanger à Villedômer. En effet, c’est ce que nous indique l’acte du mariage de son neveu Emile DECOMBE, à Huismes (37), dont il est le témoin. Emile, qui avait presque le même âge qu’Abel, était également boulanger ; nous en reparlerons un peu plus loin.

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Abel GAUTHIER ouvrier boulanger chez la veuve GUILLAUX, au bourg
Recensement Villedômer 1936, p7/34

Le recensement du printemps 1936 nous apporte une précision intéressante : Abel est ouvrier boulanger chez la veuve GUILLAUX, au bourg de Villedômer. Il est donc très probable qu’il ait commencé à travailler pour la boulangerie GUILLAUX à une date située entre 1931 et 1934.
Villedômer, bourgade d’environ 930 habitants [5], se situe à l’ouest d’Auzouer, commune où a grandi Abel. Ses parents Aurélien et « Irène » se sont eux-mêmes installés à Villedômer quelques années plus tôt, lorsqu’ils ont pris leur retraite à la fin des années 1920 ; ils habitent au lieu-dit la Roche, à plus de 3 kilomètres au nord du bourg.

En ce début d’année 1936, Abel s’apprête non seulement à convoler avec Marie, mais aussi à devenir son propre patron  ; il va en effet reprendre la boulangerie GUILLAUX.

Marie, citadine tourangelle d’origine bretonne

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Marie KERLOEGAN
en 1936

Le parcours de Marie est assez différent de celui d’Abel. Comme l’indique clairement son nom, sa famille est d’origine bretonne ; issus respectivement des villages de Pluguffan et Plonéis, à l’ouest de Quimper (Finistère), ses parents originairement cultivateurs se sont installés à Tours en 1908. C’est là que naît Marie, le 12 août 1909, à leur domicile au 30 bis rue de la Caserne (aujourd’hui rue Albert Thomas), dans le quartier de la cathédrale.
Sans doute poussés par la misère et la surpopulation, comme nombre de Bretons à cette époque, Yves KERLOEGAN et son épouse Alphonsine MASSON sont arrivés en Touraine avec trois enfants nés avant Marie : Marianne, l’aînée, a dix ans de plus qu’elle ; Jeanne est plus âgée de sept ans ; et Yvon compte trois ans de plus qu’elle. Leur père Yves exercera plusieurs métiers à Tours : terrassier, journalier, maçon ou encore manœuvre. Quant à Alphonsine, elle est blanchisseuse ou encore lingère.
Marie sera, comme Abel, le dernier enfant de la fratrie. Hélas, Jeanne et Yvon décèdent alors qu’elle n’a respectivement que deux ans et cinq ans. Par ailleurs, ses parents ne semblent pas avoir toujours vécu ensemble ; en juillet 1914, au moment du décès de leur fils, Alphonsine habite seule avec ses enfants au 30 bis rue de la Caserne, et son mari est dit de domicile inconnu.
La fiche matricule de ce dernier nous apprend que pendant la Grande Guerre il a été mobilisé à partir de mars 1915, et « détaché agricole » du 4 septembre 1917 au 18 décembre 1918, avant d’être libéré de ses obligations militaires. Ce document nous indique également qu’à cette date il s’est retiré à Pluguffan ...

En 1921 néanmoins, Yves KERLOEGAN est revenu à Tours au 30 bis rue de la Caserne, où il vit avec Marie ; cette fois c’est Alphonsine, la mère, qui n’est pas recensée avec eux. Est-elle à son tour retournée quelque temps vivre en Bretagne ? ...
J’ignore où Marie et ses parents se trouvent en 1926. Comme beaucoup de Bretons, ils avaient certainement gardé des liens forts avec leur région d’origine, et peut-être y sont-ils retournés tous ensemble quelque temps.
Quoi qu’il en soit, en 1931, on les retrouve tous les trois ensemble à Tours, au 2 bis place des Petites Boucheries.
Il s’agit d’une petite place sur laquelle débouche la rue de la Caserne où ils ont longtemps vécu. Marie, âgée de 22 ans, est alors couturière chez CHAUVEAU. Cinq ans plus tard, à cette même adresse, elle est recensée comme passementière (couturière d’ornements) chez DUVAL, et vit toujours avec ses parents. Surprise : sa sœur aînée Marianne apparaît sur le recensement, mais « absente » et sans date de naissance (elle a 37 ans). On y découvre son état : elle est religieuse.
Pour Marie, le mariage est imminent ; il sera célébré peu après ce recensement.

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Marie KERLOEGAN et sa famille, au 2 bis place des Petites Boucheries
Recensement Tours 1936, p57/223

Le jeune couple

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Mariage d’Abel et Marie, le 27 avril 1936.

Mon grand-père Armel GAUTHIER, neveu d’Abel, est le jeune homme assis juste à côté de la mariée. Divers membres de la famille GAUTHIER se trouvent disséminés sur cette photo, mais pas les parents d’Abel, ni son frère aîné Edmond, père d’Armel, dont nous reparlerons plus loin (pourtant son épouse et ses 3 fils y sont).

Abel GAUTHIER et Marie KERLOEGAN se marient à Tours, le 27 avril 1936. Comme nous l’avons vu dans les recensements de cette année-là, il est boulanger et habite Villedômer, tandis qu’elle est couturière et habite à Tours. Tous deux ont encore leurs parents, toutefois il ne semble pas que ces derniers aient assisté au mariage : leur présence n’est pas mentionnée, et leur signature n’apparaît pas sur le registre ; de plus, Aurélien et « Irène » GAUTHIER ne figurent pas sur la photo de groupe (je ne peux en revanche l’affirmer pour Yves et Alphonsine KERLOEGAN, ne connaissant pas leurs visages).

Le témoin de Marie est Yves MASSON, commerçant à Quimper. Visiblement apparenté à Alphonsine MASSON, mère de Marie, il a fait le déplacement depuis la Bretagne. Il me semble d’ailleurs que la dame située presque tout à droite au deuxième rang sur la photo, porte une coiffe traditionnelle bretonne ; peut-être son épouse ?

Quant au témoin d’Abel, nous l’avons déjà rencontré : il s’agit d’Emile DECOMBE, son neveu, dont il avait été lui-même le témoin de mariage, deux ans plus tôt. Sans doute figure-t-il sur la photo de groupe, mais je ne connais pas son visage et ne peux donc l’identifier ... Emile est le fils d’Aurélie GAUTHIER, sœur aînée d’Abel ; le décalage d’âge fait qu’il a moins d’un an d’écart avec son oncle Abel. Sans doute leur profession commune les a-t-elle également rapprochés ... L’acte indique que lui aussi est boulanger à Villedômer  ; aurait-il également travaillé à la boulangerie GUILLAUX ? Si c’est le cas, c’est très récent car il n’y apparaissait pas au recensement quelques semaines plus tôt ; il était recensé à Huismes, où il vivait déjà en 1934 au moment de ses propres noces. Il est vraisemblable qu’il ait été simple ouvrier et n’ait jamais eu son propre commerce, car je n’ai pas trouvé de fiche à son nom dans le registre des commerçants ni celui des artisans. Peut-être a-t-il travaillé quelque temps pour Abel lorsque celui-ci s’est mis à son compte.

Pour Marie, qui accepte d’épouser un boulanger et d’aller s’installer à la campagne, il s’agit d’un changement de vie radical. En effet, elle va abandonner son état de couturière pour contribuer à tenir la boulangerie. Ainsi, elle devra non seulement s’adapter à un mode d’existence très rural, mais aussi apprendre un nouveau métier, et adopter un rythme quotidien complètement nouveau. Nous y reviendrons.

Reprise de la boulangerie GUILLAUX

Au recensement de 1936, comme nous l’avons vu, Abel était ouvrier boulanger chez la veuve GUILLAUX, et encore célibataire ; le recenseur est donc passé entre le 22 février, jour du décès du boulanger GUILLAUX, et le 27 avril, date du mariage d’Abel.

Ernest GUILLAUX, prédécesseur d’Abel, tenait cette boulangerie depuis une dizaine d’années (d’après les recensements et annuaires) ; natif d’Arville dans le Loir-et-Cher, ce n’était pas un enfant du pays. Agé de seulement 34 ans au moment de son décès, il laisse derrière lui une épouse d’à peine 30 ans, avec un fils de 10 ans et sa propre mère à charge. Abel n’est pas le seul à travailler pour la veuve GUILLAUX pendant cette période, puisqu’un autre ouvrier y est recensé, un certain Henri LECOMTE âgé de 21 ans et natif de Roubaix (Nord). Lors des recensements précédents, Ernest GUILLAUX employait un seul ouvrier (Marcel BARDINET en 1926, puis Raymond BLOT en 1931) ; si Abel travaillait déjà là comme nous le supposons, Henri a dû être appelé en renfort après le décès d’Ernest, voire même avant, dans le cas où ce dernier aurait été malade.

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La fiche d’Abel dans le registre du commerce
(Archives Dép. 37)

Il était certainement trop difficile pour la jeune veuve de porter à bout de bras sa famille et son commerce ; Abel, sur le point de se marier, a dû y voir une opportunité de se lancer à son compte. Nous ne savons pas exactement à quelle date il a repris la boulangerie, mais il est probable que ce soit peu après le décès de son patron. Pour autant, je n’ai pas retrouvé la trace d’une transaction immobilière aux noms de GAUTHIER ou GUILLAUX. Soit quelque chose m’a échappé, soit Abel n’a pas racheté la boulangerie ; peut-être en était-il simplement locataire ?

Quant à la veuve GUILLAUX, d’après l’annuaire de 1938, elle a repris une épicerie-mercerie, où elle vend aussi de la rouennerie (toile de laine ou de coton), fait également débit de tabac, et assure en outre les fonctions de receveur-buraliste. Ces activités, même multiples, étaient certainement plus faciles à tenir qu’une boulangerie.

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Extrait de l’annuaire statistique et commercial d’Indre-et-Loire, 1938
page de Villedômer - p2125/2184

Les boulangeries de Villedômer

Comme nous l’avons vu, la boulangerie d’Abel avait la particularité d’être située juste à côté de l’autre boulangerie de Villedômer, celle de Roger DELALAY. Celui-ci, âgé de 25 ans et natif du village, a certainement pris la tête de son propre commerce assez peu de temps avant Abel ; il apparaît comme son propre patron dans l’annuaire et le recensement de 1936. Il a dû apprendre le métier dans une autre commune, car il n’est pas recensé dans les boulangeries de Villedômer avant cette date. A la différence de Marie, semble-t-il, l’épouse de Roger ne contribue pas officiellement à l’activité du commerce (elle apparaît « sans profession ») ; le confrère d’Abel emploie un ouvrier, Pierre FOUCHARD, âgé de 29 ans.

Deux boulangeries qui se jouxtent, voilà qui n’est pas commun. Depuis quand est-ce le cas ? Impossible de l’affirmer, car les recensements et les annuaires ne donnent aucune adresse précise. Ce qu’on peut affirmer en tout cas en étudiant les recensements, c’est que Villedômer compte deux boulangeries depuis très longtemps – au moins depuis 1841, soit près d’un siècle. On notera d’ailleurs une période de grande stabilité, entre 1895 et 1920, où ce sont les deux mêmes boulangers qui ont tenu ces deux commerces, à savoir Hippolyte GATIEN et Florent TOUZARD. GATIEN est le premier à passer la main en 1921, d’abord à son fils puis de manière éphémère à un certain CHAULIN et ensuite à un certain ROBIN, qui figure brièvement dans l’annuaire de 1924. Quant à TOUZARD, il cesse aussi son activité à la même époque, pour devenir marchand de grains.

Les deux boulangeries ayant changé de main toutes les deux à peu près en même temps vers 1925, il n’est donc pas possible de déduire des annuaires et recensements si la boulangerie d’Abel est celle qui a longtemps appartenu à Hippolyte GATIEN, ou celle de Florent TOUZARD. En tout cas, il reprend un commerce bien établi, puisqu’il a été dirigé pendant dix ans par le même patron, Ernest GUILLAUX. Roger DELALAY, lui, a récupéré une boulangerie dont les deux précédents patrons n’étaient pas restés longtemps, à savoir Edmond HARDY, qui apparaît en 1931 dans l’annuaire et le recensement, et avant lui Lucien JOSSE, dont la présence est notifiée en 1926 et 1928.

Où se situaient précisément les boulangeries d’Abel GAUTHIER et Roger DELALAY ? C’est grâce à la mairie de Villedômer que j’ai pu obtenir cette information : la boutique de Roger a traversé les âges, et se trouve toujours être aujourd’hui une boulangerie, la seule de la commune ; quant à celle d’Abel, elle se trouvait effectivement juste à côté, les deux maisons étant simplement séparées par un étroit passage. Elles se situaient à proximité immédiate de la place du village, au début de la route menant vers Crotelles et Nouzilly.

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Les deux boulangeries de Villedômer, cadastre rénové de 1935, section D3.
En rouge, la boulangerie d’Abel GAUTHIER ; en noir, celle de Roger DELALAY.
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Les deux boulangeries sont visibles sur cette carte postale ancienne
sur la gauche juste après l’échelle (source : Delcampe)

Le métier de boulanger dans les années 1920-1930 [6]

Le boulanger, encore de nos jours, est contraint à des horaires de travail bien particuliers pour pouvoir proposer du pain à sa clientèle dès le début de matinée, ainsi que diverses pâtisseries ou viennoiseries. A l’époque d’Abel, entre les deux guerres, la journée du boulanger débute entre minuit et deux heures du matin environ, et il n’y a généralement pas de jour de repos complet dans la semaine.

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La pesée des pâtons
(source : http://www.histoire-en-questions.fr/metiers/boulanger-boulangerie.html)

Le processus de fabrication du pain est long, complexe et comporte des tâches très physiques. Tout commence par le mélange des ingrédients : farine, eau, sel, et un levain ou de la levure. Ensuite vient le pétrissage ; effectué autrefois à la main, il a commencé à se mécaniser au début du XXe siècle. Puis la pâte doit reposer pendant une première période ; après quoi elle est divisée en pâtons et pesée pour donner des pains de même poids, le plus souvent 4 livres (près de 2 kilos). Les pâtons sont ensuite façonnés à la main, et placés dans des corbeilles de toile, les panetons. Suit une seconde période de repos, plus courte que la première ; c’est seulement après cette étape que pourra avoir lieu la cuisson.

Evidemment, au préalable, il a fallu préparer le four. Ce dernier, traditionnellement un four à bois en maçonnerie, a été mis en route déjà au début de l’activité du boulanger, afin de pouvoir atteindre la température souhaitée. L’enfournement est une tâche physiquement exigeante qui se pratique avec une pelle, à bout de bras, en pleine chaleur ; le boulanger dispose les pains sur la sole de manière à pouvoir gérer facilement les différents moments de sortie du four, selon les pièces fabriquées.
Pour les pains de 4 livres, la cuisson dure environ 45 à 50 minutes, mais il faut évidemment surveiller les autres pains s’il y en a, car le temps nécessaire ne sera pas le même. La sortie du four est une opération délicate, car il faut éviter de briser les pains, fragiles tant qu’ils sont très chauds. Ceux-ci sont ensuite dorés avec une brosse humide ou un pinceau, puis laissés à reposer une dernière fois avant d’être mis à la vente.

Les viennoiseries et petits pains, qui pouvaient être réservés au dimanche selon les boulangeries, étaient fabriqués pendant les moments où le pain courant reposait ou cuisait. Au total, il fallait compter de 6 à 9 heures pour une fournée, avec un rythme de travail très soutenu, et des conditions physiquement éprouvantes. Sans compter la gestion du four, le bois à couper, le nettoyage... C’est bien souvent pour ces corvées, en priorité, que les boulangers prenaient des apprentis. Nous ne savons pas si Abel en avait un, mais si c’est le cas il n’était visiblement pas présent le jour du drame.
Il est peu probable que Marie ait participé activement à toutes ces tâches, mais il n’en reste pas moins qu’elle a dû apprendre au minimum à tenir la boutique pour la vente, voire même vraisemblablement à seconder son mari dans certaines de ses opérations.

Une boulangerie en difficulté ?

Il ne m’a pas été possible de trouver des informations sur la santé financière du commerce d’Abel et Marie GAUTHIER. Il semble en tout cas que le couple ait été sérieusement endetté, selon la mémoire familiale ; quant aux journaux, ils évoquent eux aussi sans ambiguïté la mauvaise marche des affaires du couple. Il paraît donc certain que la boulangerie d’Abel a connu de réelles difficultés.

Quant à en connaître les causes, nous en sommes réduits aux hypothèses.
Si Abel n’avait ni apprenti ni ouvrier (peut-être n’en avait-il pas ou plus les moyens), son quotidien devait être d’autant plus ingrat et épuisant. Il n’était pas totalement impossible de tenir seul une boulangerie, si j’en crois les recensements précédents, mais le cas d’un boulanger solitaire y est rare, et cela devait certainement nécessiter une implication forte de l’épouse ou des enfants. Marie ne pouvait sans doute pas l’assister dans toutes ses tâches. S’est-il vu complètement débordé ? Ou bien, les époux étaient-ils mauvais gestionnaires ? Leur pain était-il moins bon que celui de leur confrère DELALAY ? Ou encore, étaient-ils moins accueillants que leur concurrent envers la clientèle ? On peut tout imaginer...

Il existe aussi un facteur exogène qui a pu contribuer à aggraver la situation : la population de Villedômer était en décroissance, et ce depuis un moment déjà. Comptant encore environ 1 050 habitants en 1911, la commune n’en a plus que 926 en 1936 [7]. Peut-être n’était-ce plus suffisant pour assurer la subsistance confortable de deux boulangeries ?

En tout cas, Roger DELALAY apparaît comme l’unique boulanger de Villedômer dans l’annuaire de 1944-45, le seul disponible en ligne pour les années postérieures à la tragédie.

Un geste de désespoir ?

La boulangerie fonctionnait mal, Abel et Marie se sont endettés. Peut-être étaient-ils menacés de saisie, voire d’expulsion... De là à envisager un suicide, il y a encore un pas à franchir. Il faut reconnaître que la manière dont ils sont passés de vie à trépas peut susciter des interrogations.
Quelle curieuse idée en effet, pour en finir, de choisir la noyade, à deux, en pleine nuit, dans un ruisseau peu profond... La presse nous indique qu’à l’endroit où les corps ont été retrouvés, au lavoir, la hauteur de l’eau ne dépassait pas une soixantaine de centimètres. Peut-on se noyer volontairement dans une aussi faible profondeur ? Et à deux en même temps ?

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Le lavoir de Villedômer, il y a cent ans
(source : Delcampe.fr)
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Et aujourd’hui...
(source : Site web de la Mairie de Villedômer)

Vu l’étrangeté de ce double trépas, j’avoue avoir été effleurée par l’idée d’un assassinat, plutôt que d’un suicide. Mais qui aurait pu leur en vouloir à ce point ? Sans doute pas leur concurrent, du moins pas par intérêt économique, puisque leurs affaires périclitaient. Avaient-ils des ennemis ? En admettant que ce soit le cas, si quelqu’un voulait réellement les supprimer, pourquoi prendre la peine de les amener à cet endroit et procéder de cette manière ? Pour mieux maquiller le crime ? Cela paraît tout de même assez difficile à concevoir.

Faisons donc confiance aux gendarmes, qui ont conclu au double suicide, et à ma famille qui a accepté l’événement comme tel. Après tout, l’histoire ne dit pas s’ils ont laissé une lettre ou une note pour expliquer leur geste, mais peut-être est-ce le cas, d’où l’absence de doute quant à leurs motivations...
Ainsi, ils ont dû finir par perdre tout espoir de redresser leurs affaires, après un peu plus de deux ans à la tête de leur boulangerie. Ont-ils tenté auparavant de demander du secours à leurs familles, ou étaient-ils trop fiers pour cela ? Leurs proches étaient-ils au courant de leur détresse avant le drame ? Mon grand-père n’est malheureusement plus là pour répondre à mes questions.

Par ailleurs, y a-t-il d’autres éléments que cette mauvaise situation économique qui aient pu justifier un geste aussi désespéré ? Notons que les deux époux ont vécu des deuils douloureux en cette année 1938. En janvier, Marie a perdu sa mère, décédée à Tours à l’âge de 60 ans ; en juillet, c’est un frère d’Abel qui disparaît, Aurèle, décédé à Morand à l’âge de 40 ans seulement (j’ignore dans quelles circonstances).
Le contexte n’était donc pas très gai pour le jeune couple, sans compter la morosité d’un climat global où la France redoutait une nouvelle guerre avec son voisin allemand, comme en témoignent les journaux d’époque. De surcroît, d’autres facteurs ont pu se rajouter : peut-être Abel ou Marie, ou les deux, ne supportaient-ils plus du tout ce quotidien difficile et ingrat ; peut-être ont-ils manqué du soutien de leurs proches ; peut-être se désolaient-ils aussi de ne pas avoir d’enfants au bout de deux ans et demi de mariage... Là encore, nous en sommes réduits aux suppositions.

Que s’est-il passé dans la nuit du 21 au 22 novembre 1938 ?

Abel et Marie GAUTHIER avaient-ils prémédité leur geste depuis un moment déjà, ou ont-ils tout décidé cette nuit-là ? Rien ne permet de le savoir avec certitude, néanmoins ils devaient être très sûrs d’eux pour faire ce qu’ils ont fait.

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Trajet d’Abel et Marie de leur boulangerie au lavoir,
via la rue du Lavoir (qui porte toujours ce nom).

Il fait nuit noire, et certainement assez froid, lorsqu’ils sortent de leur maison en ce lundi soir ou mardi matin, emportant avec eux un grand foulard. Il leur suffit de quelques pas sur la gauche pour se retrouver dans la rue du Lavoir, et atteindre ce dernier au bout d’une centaine de mètres. Là, dans l’obscurité, ils s’attachent l’un à l’autre, entrent dans l’eau glaciale du Madelon [8]... Mais ne développons pas davantage les terribles détails de cet acte désespéré.
Le lieu du décès interpelle : Abel et Marie n’ont pas choisi la discrétion. Ils ont opté pour un lieu public très fréquenté, en étant certainement conscients qu’ils seraient découverts rapidement, et que l’affaire ferait grand bruit dans le village ... Peut-être était-ce une sorte d’ultime protestation envers les Villedomériens, qui n’avaient pas suffisamment fréquenté leur boulangerie ? ...

C’est donc leur voisin Roger DELALAY, l’autre boulanger, qui s’inquiète le premier vers 5 heures, frappe chez eux et donne ensuite l’alerte. S’agit-il d’une solidarité de village autrefois courante, ou Roger était-il un homme particulièrement attentif et soucieux de ses voisins ? Quoi qu’il en soit, il n’a pas hésité à abandonner son fournil le temps d’aller chercher de l’aide, le laissant aux soins de son ouvrier.
D’après les journaux, comme nous l’avons vu, il serait allé prévenir deux personnes qui sont ensuite parties à la recherche des disparus : « un frère de M. GAUTHIER », ainsi que le maire de la commune. Commençons par évoquer ce dernier.
Sylvain RIGAULT, âgé de 62 ans, natif de Villedômer, en est le maire depuis une bonne dizaine d’années. Vigneron et cultivateur, il habite au bourg, ce qui fait que Roger DELALAY n’a pas eu à courir très loin pour le prévenir de l’inquiétante absence d’Abel et de son épouse.
Il n’en va pas de même pour le frère du boulanger disparu. J’ai étudié de près le parcours de vie des douze frères et sœurs d’Abel, et je suis à peu près sûre qu’aucun d’entre eux n’habitait Villedômer – ni à cette époque, ni à une autre. Seuls les parents d’Abel y vivaient peut-être encore en 1938, mais la chose n’est même pas certaine car ils ont quitté le village à une date qui se situe entre 1936 et 1939, pour s’installer à Neuillé-le-Lierre, commune limitrophe au sud de Villedômer. Ils étaient alors bien âgés : Aurélien GAUTHIER avait 77 ans, et son épouse « Irène » 73.

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Edmond GAUTHIER, frère aîné d’Abel

De fait, le frère le plus proche géographiquement d’Abel en 1938 était Edmond, l’aîné de la fratrie. Cultivateur, il habitait justement à Neuillé, au hameau de Forges, à plus de 4 kilomètres du bourg de Villedômer. J’imagine assez mal Roger DELALAY prenant autant de temps pour se rendre là-bas, à moins qu’il n’ait été motorisé. S’il l’a fait, cela signifie en tout cas qu’il devait bien connaître Abel, puisqu’il savait où trouver son frère dans le village voisin. Ou alors, peut-être est-ce le maire qui a envoyé quelqu’un prévenir la famille ? Ce n’est pas ainsi que la presse le raconte, mais les journalistes ont pu simplifier le récit.
Quoi qu’il en soit, il ne fait pas de doute qu’Edmond (qui était par ailleurs conseiller municipal dans son village) soit bien celui qui a accompagné le maire dans les recherches, et qui a fait avec lui la funeste découverte au lavoir. En effet, Edmond GAUTHIER et Sylvain RIGAULT ont signé ensemble les deux actes de décès, ce même jour à huit heures, soit environ une heure après que l’on ait trouvé les corps.
Edmond était mon arrière-grand-père ; âgé de 51 ans, il a eu la douleur d’être aux premières loges pour découvrir la mort de son petit frère de 30 ans et de sa jeune épouse, comprendre l’étendue de leur désespoir, et ensuite s’acquitter des pénibles démarches auprès de l’administration...

Conclusion et postérité

Cette funeste affaire a assurément fait couler de l’encre.

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« Un double suicide à Villedômer : un jeune boulanger et sa femme se noient dans le lavoir municipal » (La Dépêche),

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« A Villedômer deux jeunes désespérés se noient dans soixante centimètres d’eau », (La Touraine Républicaine),

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« Liés l’un à l’autre, deux commerçants désespérés se noient » (Le Peuple) ...

Gageons que les habitants du village ont dû eux aussi être sous le choc. La Dépêche commente à la fin de l’article : « Ce douloureux événement a produit une pénible émotion à Villedômer et dans les environs où les deux époux étaient bien connus ». [9]

Selon les indications figurant sur la table des successions et absences, la boulangerie a été mise sous scellés, puis plus tard un inventaire a eu lieu, le matériel a été vendu ... Si j’ai bien interprété les annotations, la succession ne sera soldée qu’en novembre 1941, soit trois ans après le décès des époux GAUTHIER.
Comme évoqué un peu plus haut, DELALAY est le seul boulanger de Villedômer figurant dans l’annuaire de 1944-1945 ; il semble probable que le commerce d’Abel et Marie n’ait jamais été repris, sonnant le glas de la deuxième boulangerie du village. La boulangerie de Roger DELALAY en revanche a perduré jusqu’à nos jours, et présente une jolie façade à l’ancienne. Celle d’Abel est devenue une maison d’habitation, dont rien ne laisse deviner qu’elle ait un jour été un commerce.

Roger DELALAY, confrère et voisin attentionné d’Abel, s’illustrera dans la Résistance pendant la seconde guerre mondiale, au sein du Réseau Libération-Nord [10]. Quelques années plus tard, il partira s’installer à Tours, rue du Rempart, reprenant une boulangerie existante, qui elle aussi est toujours en activité de nos jours. Il décédera à Tours à l’âge de 87 ans, en 1998, soit soixante ans après le drame de Villedômer.

Sylvain RIGAULT, maire de Villedômer, occupait toujours cette fonction en 1944-1945. Il disparaîtra en 1966, à l’âge avancé de 92 ans.

Abel GAUTHIER et Marie KERLOEGAN n’ont pas eu de descendance. Du côté de Marie, je n’ai pas trouvé le décès de son père, qui n’est apparemment pas resté à Tours ; sa dernière sœur survivante, Marianne, religieuse, décédera à Ste Anne d’Auray (Morbihan) en 1977. Yves KERLOEGAN et Alphonsine MASSON n’ont donc pas eu de postérité au-delà de leurs enfants.
Du côté d’Abel, ses parents sont tous deux décédés en avril 1939, soit à peine quelques mois après la tragique disparition de leur petit dernier ; cet événement a dû leur porter un coup très douloureux, s’ajoutant à la perte de leur autre fils Aurèle quelques mois plus tôt. Les nombreux frères et sœurs d’Abel ont eu pour la plupart une descendance, qui de nos jours représente au bas mot plusieurs dizaines d’individus.

Emile DECOMBE, neveu, témoin de mariage et confrère boulanger d’Abel, disparaîtra en 1992 à St Benoît la Forêt (37). Je ne sais pas grand-chose du reste de sa vie, sinon qu’il a une descendance actuelle.

Edmond GAUTHIER, frère aîné d’Abel et déclarant du double décès, terminera ses jours à Neuillé en 1976. Son fils aîné Armel, mon grand-père, qui avait 22 ans à l’époque du drame, a bien connu Abel et mentionnera cet épisode avec pudeur, bien des années après. S’il ne l’avait pas fait, je n’aurais jamais eu l’idée de consulter les journaux de l’époque, et je n’aurais sans doute jamais eu connaissance de cet événement...
En effet, que ce soit dans le cadre de la famille ou celui du village, qui se souviendrait aujourd’hui, ou aurait entendu parler, du double suicide d’un couple de boulangers à Villedômer, il y a plus de quatre-vingts-ans ?

Portfolio


[1Je précise que pour des raisons d’éloignement géographique, mes investigations se sont faites quasi-exclusivement en ligne, et principalement sur le site des Archives Départementales d’Indre-et-Loire, heureusement bien fourni.

[2J’avais évoqué la jeunesse d’Aurélien GAUTHIER dans cet article : https://www.histoire-genealogie.com/Ou-a-disparu-Aurelien-GAUTHIER-apres-le-deces-de-ses-parents

[3Voir « L’apprentissage en boulangerie dans les années 20 et 30 », d’Isabelle BERTAUX-WIAME : http://www.daniel-bertaux.com/textes/bertaux-vol-2.pdf

[4Je n’ai pas trouvé Abel GAUTHIER dans les tables alphabétiques de la classe 1928 des registres matricules en Indre-et-Loire, ni dans le Loir-et-Cher, pas plus que dans les classes voisines du bureau de Tours.

[6Voir [3]

[7Voir [5]

[8Le Madelon est un petit cours d’eau de 13,5 km, de faible débit, qui se jette dans la Brenne au sud-est du bourg de Villedômer. Le lavoir de Villedômer a été construit au bord du Madelon en 1894, et utilisé jusqu’aux années 1960. Source : https://villedomer.fr/le-lavoir/

[9Voir notamment l’article de la Dépêche du 24/11/1938, le plus complet à ma connaissance : https://archives.touraine.fr/ark:/37621/h5mgz70jwr8s/c0c9cecb-b048-44c0-83fd-279b5346be7a

[10Sources : Mémoire des Hommes, Musée de la Résistance en ligne p91/318 - http://museedelaresistanceenligne.org/musee/doc/pdf/45.pdf

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33 Messages

  • Bonjour Sonia,
    Belle reconstitution ! très bien documentée sur cette triste destinée. C’est vrai que 60 cm d’eau ça interpelle mais allons savoir ce qui s’est réellement passé à l’époque ? Y a t-il eu une enquête de gendarmerie ? En tous cas, merci à vous et à bientôt.
    Cordialement.
    Marlie

    Répondre à ce message

  • Bonjour
    Je ne crois pas aux suicides ,déja pour s’attacher a deux c’est peut propable ,je voudrais connaitre leur tenu vestimentaire ,peut etre que cela pourrait éclairer
    cordialement
    Raymond

    Répondre à ce message

  • Bonjour Sonia
    J’avais pourtant des choses à faire ce matin mais il m’a fallu aller jusqu’au bout de cette passionnante enquête.!!! Certes douloureuse mais vous avez bien fait d’aller jusqu’au bout de vos possibilités pour comprendre au mieux cette tragédie. Outre le fait de se plonger passionnément dans les recherches, vous avez fait émerger une histoire familiale compliquée et mystérieuse mais qui sait si un lecteur ne vous apportera pas des nouvelles informations ? Soit par une idée soit par connaissance d’un fait ou d’un souvenir ... Ce récit peut être une bouteille à la mer...
    Merci beaucoup pour ce partage.
    Sandrine

    Répondre à ce message

    • Bonjour Sandrine,
      Je suis touchée que ce récit vous ait passionnée.
      Je pense en effet être allée au bout de mes possibilités d’investigation en ligne. Mon rêve serait évidemment que quelqu’un ait entendu parler de ce triste événement et me contacte pour partager d’autres faits ou souvenirs de ouï-dire ... On ne sait jamais !
      Merci beaucoup pour votre commentaire,
      Cordialement
      Sonia

      Répondre à ce message

  • Très intéressante étude familiale à partir d’un fait divers.
    Félicitations

    Répondre à ce message

  • Bonjour,
    Oui, bien triste histoire !!
    Noyés dans 60 cm d’eau, celà rappelle le "suicide" d’un ancien ministre, MR BOULIN ( je crois ??).

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  • Bonjour,

    A la lecture de votre récit,et sans remettre en question l’idée du double suicide, je me questionne un peu quant aux familles des époux. Du côté de Marie KERLOEGAN, sa mère, décédée quelques mois plus tôt, ne pouvait être présente au mariage. C’est donc peut-être une tante, ou autre proche, qui est à côté de la mariée, au premier rang. Son père serait-il l’homme assis un peu plus à droite, un enfant sur les genoux ? C’est une simple hypothèse, non vérifiable, mais qui serait rassurante. Pourquoi les parents d’Abel Gauthier n’assistent-ils pas au mariage et ne sont-ils pas présents sur la photo de groupe ? Ils n’habitaient pas loin ! Y aurait-il eu des difficultés, des problèmes, une non acceptation de la future épouse, un autre souci ?

    Quelle qu’aient été les relations intra-familiales, et la cause de la mort du couple, que les parents d’Abel aient quitté Villomer après ce drame se comprend aisément. cela devait être invivable.

    Répondre à ce message

    • Mea Culpa : je me suis un peu emmêlé les pinceaux. La mère de Marie est morte début 1938 et non 1936, année du mariage. donc elle pourrait être, ainsi que son mari, au premier rang, à droite de la mariée. Toujours simple hypothèse.
      Ce serait bien d’avoir, plus tard, les actes notariés liés à la succession des deux conjoints. Vous y découvrirez peut-être quelque chose de plus.

      Rien de si étrange au fait d’aller se suicider dans une eau peu profonde, même s’il faut pour cela un courage certain. François Mauriac a évoqué la détresse de femmes landaises, familles isolées dans les airiaux au milieu des pins et allant se noyer dans des lagunes.

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      • Bonjour Colette,

        Votre remarque sur les parents des mariés m’a interpellée. En fait, Aurélien GAUTHIER et Louise dite "Irène" NOULIN n’ont pas été présents systématiquement aux mariages de leurs enfants. Par exemple, ils n’ont pas assisté au mariage de mon arrière-grand-père Edmond, en 1913 à Villedômer, alors qu’ils habitaient à Auzouer, juste à côté ; l’acte indique qu’ils ont donné leur consentement devant le maire d’Auzouer, et ils n’apparaissent pas non plus sur la photo de groupe. Pourtant, il ne semble pas y avoir eu de tensions familiales de ce côté-là, c’est même Edmond qui a recueilli ses parents sur leurs vieux jours ... Ils ne semblent pas non plus avoir été présents aux mariages de 3 autres de leurs 13 enfants (mais là je n’ai pas de photos pour en être sûre).
        Concernant Abel qui a été le dernier à se marier, ils étaient déjà âgés pour l’époque (74 et 71 ans) et aller à Tours représentait un déplacement qu’ils n’ont peut-être pas eu le courage d’entreprendre, tout simplement ...
        Vous mettez le doigt sur un point intéressant en évoquant leur départ de Villedômer, il est fort possible sinon probable qu’ils aient quitté ce village suite à la mort d’Abel.

        Concernant les parents de Marie KERLOEGAN, j’ai bien envie de croire votre hypothèse ... Hélas il sera difficile de la vérifier ! En tout cas l’acte de mariage ne mentionne pas leur présence et ne contient pas leurs signatures.
        Oui, il serait intéressant de pouvoir consulter les actes de succession ...

        Merci par ailleurs pour votre remarque sur les noyades par suicide en pays landais, je n’en avais pas connaissance.

        Cordialement,
        Sonia

        Répondre à ce message

        • Bonsoir,

          je ne partage pas votre point de vue quant à la difficulté du déplacement entre les deux communes, même en prenant en compte les âges de 74 et 71 ans pour ce qui concerne les parents du marié, à moins bien sûr d’un problème de santé. A l’époque , pas si lointaine, la plupart des gens ne partaient pas en week-end, les congés payés commençaient juste pour les salariés, mais un mariage était l’occasion d’un déplacement exceptionnel. Et là, c’était en outre très proche géographiquement. Par contre il me semble intéressant d’avoir constaté que ce même couple ne se s’est pas déplacé pour d’autres mariages de leurs enfants.
          Peut-être étaient-ils très fatigués d’avoir élevé leurs nombreux enfants ?

          Qu’un fils se soit occupé d’eux plus tard est peut être le reflet du sens du devoir qui existait nécessairement, les familles n’avaient pas encore de sécurité sociale ni de retraite. Et il s’agit ici du monde rural. Un de mes grand-pères n’a pris sa retraite,alors salarié et urbain, qu’âgé de plus de 70 ans, après 1950, tout simplement parce qu’il ne savait pas y avoir droit ! A ne pas y croire, et pourtant...

          Répondre à ce message

          • Bonsoir,

            Je ne pensais pas seulement à la distance (une petite trentaine de kms) mais aussi au fait que Tours, c’était la grande ville, donc sûrement plus éprouvant pour des campagnards âgés ... Il est très possible en effet qu’ils aient eu des problèmes de santé ou une grande "fatigue".
            Bien qu’ils n’aient pas assisté au mariage de mon arrière-grand-père Edmond, ils se voyaient régulièrement ; mon grand-père Armel né en 1916 (soit 3 ans après le mariage) a en effet grandi proche de ses grands-parents paternels (il m’en parlait), et de nombreuses photos en témoignent. Peut-être y a-t-il eu un problème ponctuel au moment du mariage, santé ou désaccord, nous ne le saurons jamais ... Ce qui n’empêche pas bien sûr le sens du devoir familial que vous évoquez.
            Le cas de votre grand-père est par ailleurs incroyable !

            Cordialement
            Sonia

            Répondre à ce message

  • Bonjour Sonia,
    Habitant l’Indre et Loire, j’ai imprimé votre document afin de l’envoyer au boulanger actuel de Villedômer afin de l’informer de cet évènement survenu dans son village. Peut-être connaît-il des anecdotes ou peut-il en récolter dans son entourage, surtout parmi ses clients.
    Je lui indique l’existence de la Gazette et en particulier celle du 16 Avril.
    A suivre !! Admiration pour votre obstination à connaître au plus près le déroulé de cet évènement. Bien à vous
    Colette SIDAINE

    Répondre à ce message

  • Bonjour Sonia,

    Merci pour votre article très agréable à lire !
    J’ai fait une petite recherche concernant le boulanger Gérard Albert Ernest GUILLAUX, ancien patron de Abel, qui est décédé en 1936. 33 ans ! c’est jeune...
    Et bien, il ne faisait pas bon d’être boulanger à Villedomer dans les années 30...
    Il est décédé d’une balle de revolver !
    L’arme qu’il portait sur lui s’est "malencontreusement" déchargée et l’a blessé mortellement le 22/02/1936.
    Vous pouvez lire l’article de presse Le Populaire de la même date (page3/6)
    Comment se fait-il qu’il portait une arme sur lui ? Était-ce réellement la sienne ?
    Cette affaire est également très suspecte...
    C’est une autre enquête de gendarmerie qu’il serait intéressant de consulter.

    Bonne continuation dans votre recherche,
    Cordialement,
    Corinne

    Répondre à ce message

    • Bonsoir Corinne,

      Mais c’est terrible ce que vous m’apprenez là ! Je n’avais pas eu l’idée de faire une recherche sur le décès du prédécesseur d’Abel ; j’étais loin de soupçonner un autre drame ... qui peut lui aussi susciter des interrogations !

      Deux patrons successifs de la même boulangerie décédés dans des circonstances dramatiques en deux ans et demi, il y a de quoi marquer les esprits ... Je comprends aisément que la boulangerie n’ait pas été reprise (du moins, c’est ce que je crois, même si je manque d’éléments pour en être certaine, je n’ai que l’annuaire de 1944-45 qui mentionne uniquement le boulanger DELALAY).

      Du coup je vais faire des recherches sur les boulangers précédents, on ne sait jamais ...

      Merci beaucoup pour votre lecture et ce nouvel élément plus qu’intéressant !

      Cordialement,
      Sonia

      Répondre à ce message

  • Bravo Sonia pour cette belle enquête. Si vous pouvez aller aux A.D, je suis persuadé que vous trouverez encore des éléments intéressants.

    Répondre à ce message

  • Un grand merci pour partage !

    Répondre à ce message

  • Bonjour,

    Récit très intéressant et captivant, et en plus très complet. Le doute plane sur ce suicide qui parait difficile à 2 et dans 60cms d’eau, 2 corps ne pouvant se noyer en même temps. Par ailleurs, se jeter du haut du viaduc ferroviaire haut de 32m aurait été plus facile pour un double suicide. Cordialement. Jean-Michel

    Répondre à ce message

  • Bonjour, Madame,
    Abel GAUTHIER, conscrit de la classe 1928, porte le n° matricule de recrutement 1431 dans le volume 3 des registres de la subdivision de Tours, cote 1 R 903. Sa fiche, non consultable en ligne, doit l’être sur place aux AD37.
    Il ne figure pas dans la base des morts pour la France de la 2e GM (Mémoire des Hommes).
    Cordialement,
    André Fabiani

    Répondre à ce message

    • Bonjour Monsieur,
      Je vous remercie pour votre recherche concernant la fiche matricule de mon arrière-grand-oncle. Je suis très intriguée car je ne trouve aucun Abel GAUTHIER à la lettre G dans le registre 1 R 903 ? Il en existe un pour la classe 1927 (cote 1 R 896) mais c’est un homonyme, ses autres prénoms ne sont pas les mêmes.
      Pourriez-vous m’indiquer un lien précis svp ?
      En tout cas, il est logique qu’il ne figure pas dans la base des morts pour la France de la 2e guerre mondiale, puisqu’il est décédé en 1938.
      Merci,
      Cordialement
      Sonia Landgrebe

      Répondre à ce message

  • Quel beau travail de restitution !

    Votre histoire familiale reste très mystérieuse et n’apportera probablement jamais de réponse satisfaisante.

    Le doute persiste. Il aurait fallu pouvoir se rendre sur place et interroger les villageois dans l’après-guerre.

    Répondre à ce message

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