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Les Français en quête du Nouveau Monde : les Iles d’Amérique et la Nouvelle-France, espoir du XVIIe-XVIIIe s.

Quelques pistes pour retrouver ses ancêtres en terre d’Amérique

Le mardi 1er mai 2007, par Michèle Champagne

Poussées par une situation économique difficile, la misère, la perte d’un travail, les persécutions religieuses, des milliers de personnes partiront vers des terres lointaines en quête d’un avenir meilleur. Ces émigrants s’engagent au service d’un colon, d’une institution ou d’un marchand à l’autre bout du monde : Nouvelle-France, Acadie, Petites Antilles (Guadeloupe, Martinique, Saint-Domingue...). D’autres iront grossir les rangs des Compagnies Franches de la Marine. Ce flux de migration est motivé entre autres par la Compagnie des Isles d’Amérique [1], la Compagnie des Indes Occidentales et Orientales [2] dont l’objectif est d’implanter des colons français pour développer le commerce et maintenir le contrôle des zones stratégiques au nom de la France. On ne saurait passer sous silence l’influence du commerce pour peupler ces nouveaux territoires et diversifier les activités économiques de la France [3]. Les conditions économiques ne sont pas les seules sources de motivation au départ. L’activité portuaire de La Rochelle tournée vers le Nouveau Monde attire des candidats au départ. Il en va de même des migrations au sein d’une famille ; un frère, une sœur, un oncle, installés sur une terre à l’autre bout du monde invitent à tenter l’expérience.

Cet article présente quelques caractéristiques de cette émigration à partir du dépouillement que nous avons effectué dans certains dépôts d’archives. Bien entendu, ce recensement devra être complété par les chercheurs en quête d’informations pour retrouver leurs ancêtres dans ce Nouveau Monde.

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Jean-Baptiste Louis Franquelin, Carte de l’Amérique Septentrionale 1688.
Avec l’aimable autorisation de la Librairie du Congrès, division Géographie et cartes

Engagés, enrôlés, passagers libres, tous vers le Nouveau Monde

Les jours de marché, dans les foires et dans les ports, les marchands, les capitaines de navire, les officiers de la Marine défilent à la recherche de main-d’œuvre et de soldats pour peupler ces nouveaux territoires et établir des comptoirs. Certains n’hésitent pas à racoler de jeunes gens en usant de promesse sans leur donner la moindre information sur leur destination. Des hommes, avec ou sans famille, sont engagés pour travailler au service d’un planteur, d’un agriculteur ou d’une corporation pour une durée moyenne de trente-six mois.

Les agents de recrutement se diversifient selon les périodes. Entre 1663 et 1713, les recruteurs sont principalement le ministère de la Marine, les Compagnies de commerce [4]. et les marchands. A partir de 1714 et jusqu’en 1730, les marchands cèderont le pas aux capitaines de navire [5]. Les hommes s’engagent surtout l’hiver, en décembre et en janvier. Très peu partent au moment des semailles et des moissons.

Les engagés souscrivent un contrat auprès d’un notaire précisant la durée de leur service, de trois à sept ans en moyenne, les gages, l’hébergement et les conditions de retour au pays. D’autres personnes partent sans contrat avec l’espoir de trouver une fois sur place de quoi vivre. Elles sont désignées par le terme de « passagers libres ». Les plus pauvres n’ont pas les moyens de payer la traversée. Sans embauche, une fois la terre promise atteinte, ils devront louer leur force de travail auprès d’un colon ou d’un marchand et rembourser les frais de leur traversée dans un délai fixé avant leur départ.

Dans les Iles d’Amérique, les armateurs et les capitaines sont de véritables spéculateurs de main-d’œuvre. Ils négocient au plus offrant les hommes, les femmes et les enfants. Les capitaines doivent embarquer pour chaque traversée de trois à six recrues. Au terme de leur contrat de travail, ces personnes deviendront propriétaires d’un lopin de terre. Chaque colon recrute un engagé pour vingt esclaves, africains pour la plupart. Les plantations demandent beaucoup de main-d’œuvre. Par le commerce triangulaire entre l’Europe, l’Afrique et les Iles d’Amérique, la France fournit des esclaves aux planteurs blancs. A titre d’exemple, en 1656, 3 000 esclaves noirs sont recensés sur l’Ile de la Guadeloupe sur une population de 15 000 personnes. Les compagnies de commerce contribuent à fournir une main-d’œuvre esclavagiste. Signalons la Compagnie de Guinée et la Compagnie du Sénégal qui transportent des noirs aux Antilles et à la Guyane. On note également la présence d’esclaves noirs en Nouvelle-France de 1686 jusqu’en 1806 mais en plus petit nombre.

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Jacques Nicolas Bellin , Carte d’Hispanolia 1754 selon une reproduction ancienne.
Avec l’aimable autorisation de la Librairie du Congrès, division Géographie et cartes

Si votre ancêtre a mis le cap vers les Iles d’Amérique...

Que faire pour retrouver son nom sur la liste des passagers ou son contrat d’engagement ? En premier lieu, il faudra recenser la liste des notaires faisant office dans les ports d’embarquement. Puis, il conviendra d’explorer les minutes notariales pour les périodes recherchées. La liste des engagés sous les yeux, le chercheur ne devra pas se décourager. Les noms se suivent sans distinguer les engagés des « passagers libres » [6]. L’identité des « passagers aisés » est indiquée dans les rôles déposés par les capitaines de navire au greffe des amirautés. De 1638 à 1772, plus de 7 000 noms ont été relevés dans les minutes notariales rochelais. Reprenant la liste des notaires élaborée par Gabriel Debien, nous avons complétée celle-ci par notre inventaire (non exhaustif) aux archives départementales de la Charente-Maritime pour les années 1664 à 1711. Nous reproduisons cette première compilation pour aider les chercheurs.

Notaires du département de Charente-Maritime (compilation par nos soins - liste non exhaustive) [7]

NotairesPériodes couvertes
Rabusson 1664-1698
Billon 1676-1688
Berthelot 1678-1697
Bordageau 1679-1711
Grozé 1681-1696
Rivière et Soulard 1685-1791
Vieville 1686-1696
Guillemot 1688-1704
Laforcade 1690-1707
Phelippon 1690-1700
Touillet 1693-1707
Burgaud 1695-1699
Beiguin 1697-1698
Trémollet 1697-1698

Signalons que pour Saint-Domingue, le chercheur aura intérêt à élargir sa recherche aux fonds suivants :

  • les séries d’état civil et de minutes notariales de Saint-Domingue conservées au Centre des Archives d’Outre-Mer,
  • dans les mêmes archives, les dossiers « de l’Indemnité » accordée aux anciens colons après la proclamation de l’indépendance d’Haïti.

Ces minutes notariales sont à croiser avec la liste des navires à destination des Iles d’Amérique et de la Nouvelle-France, Registre B235 de l’Amirauté de La Rochelle. Ce registre précise les rôles d’équipage, maîtres, matelots, pêcheurs, mariniers avec l’âge pour chacun. La plupart des hommes d’équipage pour la période de 1682 à 1696 proviennent de Charente-Maritime (Breuillet, de Fouilloux, Arvert, Avallon, Saint-Georges, Médis, Saint-Sulpice, Saint-Palais, Saint-André, de Marans, Marennes, du Château d’Oleron, Saintes, de Mornac, d’Esnandes, Meschers, Saujon du Chapus, Chaillevette, Saint-Laurent-de-la-Prée, Cozes, Ile de Ré), de Bretagne, Normandie, Poitou et Québec, pour n’en citer que quelques-uns.

A partir de 1686, chaque nom de l’équipage est annoté en marge avec les indications « catholique ou nouveau converti ou RPR (Religion Prétendument Réformée ». Les capitaines sont presque tous de religion réformée. Ces nouveaux convertis dépassent de beaucoup en nombre celui des catholiques du moins ceux figurant sur les registres que nous avons consultés. Les catholiques proviennent de Québec, Thouars, Noirmoutiers, Calais, Marseille, Rochefort, le Croisic, Nantes, et du Portugal.

Pour faciliter le croisement avec les minutes notariales (cf. tableau précédent), nous publions une liste partielle des navires à destination des Iles d’Amérique.

Rôles d’équipage, maîtres, matelots, pêcheurs, mariniers
de l’Amirauté de La Rochelle, 1682-1696
(consolidation par nos soins)

AnnéeNavireCapitaine/ProvenanceDépartDestination
14 mars 1682 Saint-Jacques Jean Marchand de La Rochelle, 35 ans La Rochelle Iles de l’Amérique
1682 Saint-Jean Jean Chauvet, de La Rochelle La Rochelle Iles de l’Amérique
1682 Deux-Andrés Arnaud Mariocheau de La Rochelle La Rochelle Terre Neuve
1682 Saint-Charles Pierre Tharay de La Rochelle - Armateur : François Duprat La Rochelle Acadie
1682 Martinique Jean Ribaud La Rochelle Iles de l’Amérique
1685 Amitié Antoine Guillemin La Rochelle Cap Vert, Gambie, Iles de l’Amérique
1685 Marie Pierre Chevalier La Rochelle Cayenne
1685 Industrie Jean Pagez La Rochelle Iles de l’Amérique
1685 Saint-Pierre Daniel Boiselet La Rochelle Iles de l’Amérique
1685 Catherine ---------- La Rochelle Iles de l’Amérique
1685 Frères Michel Camus La Rochelle Saint-Domingue
1685 Saint-François Jean de Hulque La Rochelle Iles de l’Amérique
1685 Jeux Congerie La Rochelle Guinée
1685 Diligente Pierre Chevallier La Rochelle Saint-Domingue
1685 Berger Pierre Chaigneau La Rochelle Iles de l’Amérique
1685 Saint-Louis Richard Creagh La Rochelle Guinée
1685 Etoile Jean Chaboisseau La Rochelle Iles de l’Amérique
1685 Suzanne Pierre Devinconneau La Rochelle Iles de l’Amérique
1685 César Elisée Delaporte La Rochelle Iles de l’Amérique
1685 Providence Pierre Thomas La Rochelle Iles de l’Amérique
1685 Françoise François Dubois La Rochelle Iles de l’Amérique
1685 Saint-Jean Chauvet La Rochelle Iles de l’Amérique
1685 Vigilant Louis Bonneau La Rochelle Iles de l’Amérique
1685 Soleil Pierre Durand La Rochelle Lisbonne
1686 Marianne Guillaume Herault La Rochelle Lisbonne
1686 Gaillarde Jacques Bras La Rochelle Guinée
1686 Marianne François Moreau La Rochelle Saint-Domingue
1686 Aurore Jacques Delaronde La Rochelle Iles des Açores
1686 Marianne Jean Derrier La Rochelle Iles de l’Amérique
1686 Suzanne Etienne Brunet La Rochelle Iles de l’Amérique
1686 Martinique Jean Fabvre La Rochelle Iles de l’Amérique
1686 Etoile René Chastelier La Rochelle Iles de l’Amérique
1686 Marianne Jean Fage La Rochelle Iles de l’Amérique
1686 Guillaume Elie Chabosseau La Rochelle Iles de l’Amérique
1686 Soulagé ou l’Amitié Etienne Bonnin La Rochelle Iles de l’Amérique
1686 Patrimoine Elie Camus La Rochelle Iles de l’Amérique
1686 Saint-Jean Abraham Tessier La Rochelle Portugal
1686 Palme Zacharie Aurillou La Rochelle Iles de l’Amérique
1686 Saint-Jean ---------- La Rochelle Portugal
1686 Palme ---------- La Rochelle Iles de l’Amérique
1686 Paix Elie Moulliot La Rochelle Terre-Neuve pour la pêche
1686 Françoise Pierre Martin La Rochelle Lisbonne
1686 Benjamin Nicolas Duret La Rochelle Terre-Neuve
1686 Bretonne Joseph Compère La Rochelle Acadie et les Iles de l’Amérique
1686 Devoir Pierre Monroux La Rochelle Terre-Neuve
1686 Saint-Louis Michel Candé La Rochelle Terre-Neuve
1686 Aigle noir Jacques Pruneau La Rochelle Canada et les Iles de l’Amérique
1686 Saint-Jean Jean Jouan La Rochelle Iles de l’Amérique
1686 Françoise Josné Boutin La Rochelle Hambourg
1686 Saint-Nicolas Elie Cothonneau La Rochelle Iles de l’Amérique
1686 Marie Jean Marchand La Rochelle Iles de l’Amérique
1686 Diligente Durand La Rochelle Canada
1686 Aurore Jean Oriou ou Orion La Rochelle Les Açores
1686 Notre-Dame de Délivrance Elie Grousseau La Rochelle Iles de l’Amérique
1686 Marie Nicolas Tespot La Rochelle Iles de l’Amérique
1686 Roi Salomon Paul Labrousse La Rochelle Acadie
1686 Saint-François-Xavier Jean-François Bourdon Québec La Rochelle Nouvelle-France
1686 Vierge Saint-Marcq La Rochelle Québec
1686 Petit Suzon Jacques Picoret La Rochelle Amérique
1686 Deux Sœurs Pierre Gabiou La Rochelle Iles françaises d’Amérique
1686 Espérance Guillaume Heurtin La Rochelle Côte de Saint-Domingue
1686 Renommée François Erbouin La Rochelle Iles de l’Amérique
1686 Saint-Jacques Nicolas Blacqueteau La Rochelle Iles de l’Amérique
1686 Aurore Jean Boisseau La Rochelle Cayenne
1686 Jolie Auger La Rochelle Guinée
1686 Notre-Dame de Mont-Carmel Jean Heureau La Rochelle Lisbonne
1686 Jacques Paul Depont La Rochelle Iles de l’Amérique
1686 Cavalier doré Jean Bion La Rochelle Iles de l’Amérique
1686 Deux Andrés Arnaud Mariocheau La Rochelle Iles de l’Amérique
1686 Marie Pierre Chasseloup La Rochelle Iles de l’Amérique
1686 Frères Michel Camus La Rochelle Saint-Domingue
1686 Saint-François Jean de Hulque La Rochelle Iles de l’Amérique
1686 Jeux Congerie La Rochelle Guinée
1686 Diligente Pierre Chevallier La Rochelle Saint-Domingue
1686 Saint-Louis Richard Creagh La Rochelle Guinée
1686 Berger Pierre Chaigneau La Rochelle Iles de l’Amérique
1686 Etoile Jean Chaboisseau La Rochelle Iles de l’Amérique
1686 Suzanne Pierre Devinçonneau La Rochelle Iles de l’Amérique
1686 César Elisée Delaporte La Rochelle Iles de l’Amérique
1686 Providence Pierre Thomas La Rochelle Iles de l’Amérique
1686 Françoise François Dubois La Rochelle Amérique
1686 Saint-Jean Chauvet La Rochelle Iles de l’Amérique
1686 Vigilant Louis Bonneau La Rochelle Iles de l’Amérique
1686 Soleil Pierre Durand La Rochelle Lisbonne

Quelles étaient les conditions de recrutement ?

Les publications de Gabriel Debien, enrichies par des études plus récentes citées dans notre bibliographie, précisent les différents contrats de recrutement pour les Iles d’Amérique et de la Nouvelle-France [8].

  • Les engagements conditionnels par lesquels des hommes sont recrutés à la condition qu’ils puissent rembourser leur traversée dans les mois qui suivront leur arrivée. Ils ont un contrat de trois ans. Le retour en France est souvent à leur charge.
  • Les engagements directs sont passés par des colons et des marchands venant des petites Antilles, de la Nouvelle-France et de l’Acadie. D’autres colons se font représenter dans les ports par des capitaines, des notaires, voire des administrateurs. Les personnes recrutées connaissent pour la plupart leur destination. Quelques-unes savent le nom de l’exploitant pour lequel elles sont engagées car les propriétaires de la Martinique, de la Guadeloupe ou de la Nouvelle-France sont connus à La Rochelle. Dès lors, les rumeurs circulent sur les quais : tel fermier ou planteur s’avère un bon patron, tel autre traite ses ouvriers avec méchanceté. Laboureurs, manœuvres et ouvriers qualifiés partiront dans ces conditions. A titre d’exemples, citons :
Vincent Arnou et Jacques Aubert, de Mirebeau, engagés le 15 juin 1696 pour servir Aubert de la Chesnay à Québec, comme domestiques
Jean Fleurand, engagé en 1656, 25 ans, laboureur.
Jacques Gérard, tailleur de pierre, natif de la Rochelle, paroisse Notre-Dame, 27 ans. Accompagné de sa femme Catherine Rouye. Engagé à 300 livres par an pour eux deux.
  • Les engagements pour une association sont conclus entre des propriétaires terriens et des paysans, des menuisiers, charpentiers, taillandiers, et même des chirurgiens. Les gages sont versés ainsi : deux tiers pour le colon, un tiers pour l’ouvrier et/ou le manoeuvre. Ces derniers sont logés, nourris, entretenus. Certains perçoivent des avantages en sus comme le tabac et le sucre. L’engagé assure d’abord le service du métayer et de sa famille. Il s’agit d’une servitude. Le recruté ne dispose pas de sa force de travail celle-ci pouvant être cédée sans son accord à un tiers. Entre 1640 et 1660, plusieurs personnes sont embauchées pour travailler dans les plantations à Saint-Domingue, à la Martinique, en Guadeloupe.
Le 24 août 1701, René Chateverre, chirurgien de Luçon, âgé de 22 ans, s’engage à la veuve Tatoua de Saint-Domingue.
  • Les engagements de chasseurs, de boucaniers pour les Antilles, de coureurs des bois en Nouvelle-France et en Acadie figurent également dans les minutes notariales. Toutefois, ce type d’engagement se fait rare. Maîtres et engagés chassent et vendent leurs produits se partageant ainsi les gains.
Jean Garaud engagé en 1688 auprès de Thomas Daunou, marchand de Saint-Domingue au titre de chasseur.
  • Les engagements à vocation d’apprentissage sont destinés aux apprentis-marchands et aux élèves-chirurgiens se situant dans la tranche d’âge de 15 à 26 ans. La formation fait l’objet d’un contrat établi devant un notaire. La durée de l’apprentissage est de trois à sept ans. Pendant cette période, l’apprenti ne reçoit aucun salaire. En échange, il est logé et nourrit.
Paul Fraigneau, fils de feu Pierre Fraigneau, marchand à Niort, s’engage pour 2 ans en 1692 à Ezéchiel Doré, marchant de Saint-Domingue pour apprendre le commerce.
  • Des engagements pour œuvrer aux travaux de fortification dans les troupes de la marine cantonnées en outre en Acadie et en Nouvelle-France. Il s’agit pour une bonne part d’artisans exerçant un métier. Ils devront également servir comme soldat au sein d’une Compagnie pour une période de trois à cinq ans. Les officiers du ministère de la Marine, les commandants et les capitaines sont les principaux recruteurs dans les ports de Rochefort, Bordeaux, Le Havre, Bayonne, Nantes et Saint-Malo. Le capitaine de compagnie reçoit deux écus par soldat enrôlé. L’un des recruteurs bien connu pour l’Acadie est le capitaine Louis de Gannes, sieur de Falaise [9]. Les personnes voulant s’engager dans les troupes de la marine devaient remplir certains critères : âge minimal dix-huit ans, quoique ce seuil n’était pas toujours respecté, mesurer au moins 1m78 [10].
Le 18 février 1720 :

« Rolle des engagé pour Messieurs de la Compagnie de l’Isle Saint Jean absent, Charles Deschambault Fleury escuyer et leur directeur en cette ville acceptant pour elle - s’engagent pur l’Isle Saint-Jean 3 ans nourris - eux et leurs femmes et enfants - à pain et vin de France le petit coup d’eau de vie chaque matin logés aux despens de la Compagnie entretenus de sabeau - aller et retour - gages payables par semestre - outils convenables à leur profession en outre dix sols par jour jusqu’à leur embarquement - avance semestrielle à chacun. »

1696. La Compagnie Royale du Sénégal engage Jean Rousseau, chirurgien d’Adriers, âgé de 30 ans, 200 livres par an.

De 1692 à 1698, beaucoup de ces engagés partiront pour Saint-Domingue, destination qui sera remplacée par La Martinique. Ainsi, les Bretons, Normands, Angevins tenteront l’expérience de l’outre-mer. Il s’agit pour la plupart de jeunes urbains à la recherche d’un travail ou d’un avenir meilleur [11].

Le contrat dûment signé, des jours, des semaines, des mois, passent à attendre le départ d’un navire. Durant cette période, les recruteurs installent les hommes dans une auberge ou ce qui peut y ressembler prenant à leur charge le gîte et le couvert. D’autres sont laissés libres de se trouver un lit en échange d’une solde de quelques sous par jour selon le rang de leur métier. Une avance équivalente à la moitié des gages est versée à l’engagé dès la signature du contrat. Les frais déboursés par les recruteurs s’élèvent par homme à 100 livres pour les avances sur gage et la traversée. A cela s’ajoutent le paiement des honoraires d’un notaire, d’une dizaine de livres, les avances d’une trentaine de livres pour acheter des vêtements et des outils [12]. Certains partent avec leur famille, d’autres se regroupent par métiers pour effectuer la traversée.

Les métiers demandés

  • Les laboureurs, journaliers et manœuvres partent avec un contrat de trois ans, logés et nourris. Ceux qui mettent le cap vers les petites Antilles reçoivent 300 livres de tabac et de sucre. Ils percevront une cinquantaine de livres pour leurs trois années de service.
  • Les tonneliers sont fortement demandés en raison du sucre et du tafia qu’il faut mettre en barriques. Ils obtiennent un meilleur salaire lorsqu’ils s’engagent depuis Nantes pour des colons, soit entre 100 et 170 livres par an. Ils ont du pain, un temps de service d’un ou deux ans et le retour payé.
  • Les tisserands en toile, ouvriers en soie, cardeurs de laine, matelassiers, tapissiers, teinturiers et gantiers sont sollicités. Ils perçoivent une cinquantaine de livres par mois.
  • Les charpentiers de logis ou de bateau, couvreurs en ardoise ou en tuile sont également recherchés. Leurs gages diffèrent selon leur spécialité : en 1643, les charpentiers de navire sont payés pour deux ans, 680 livres, les charpentiers de gros œuvre, 260 livres.
  • Les maçons, tailleurs de pierre, briquetiers s’enrôlent dans une compagnie de la marine ou pour une association. Ils gagnent en moyenne une centaine de livres par an. En Martinique, certains arrondissent leur salaire s’ils forment des esclaves. D’autres perçoivent des gages uniquement en nature : les maçons reçoivent jusqu’à 70 livres de sucre par jour.
  • Les chirurgiens confirmés mettent le cap vers le nouveau monde. Leurs gages s’élèvent entre 120 et 300 livres. Les remèdes et les instruments sont fournis par le recruteur.
* * * * *

Ces émigrants ont-ils atteint leur espérance ? A cette question, nulle trace dans les archives. Aussi, le chercheur doit-il faire revivre ses sources, dresser le cadre de vie dans lequel ses ancêtres ont évolués, le paysage, les métiers, la vie quotidienne... Un premier pas : se documenter sur l’histoire de ces contrées lointaines. Vaste programme et surprises promises !

Pour en savoir plus :


[1La Compagnie des Isles d’Amérique (1635 à 1650) a pour but de développer le commerce avec les Antilles et de fonder des établissements dans toutes les îles d’Amérique. Il est prévu d’envoyer en 20 ans, 4 000 colons français et des missionnaires. Se reporter au site « Antilles Françaises » de Claude Briot, http://monsite.wanadoo.fr/havre-america/page5.html

[2La Compagnie des Indes Occidentales et la Compagnie des Indes Orientales sont créées en 1664 par Colbert.

[3Le mécanisme de ce commerce est le suivant : la Nouvelle-France échange des produits provenant de ses exploitations (bois, farine, poisson) contre des marchandises issues de ses plantations aux Antilles (café, mélasse, rhum, sucre). Ces mêmes navires qui ont servi à faire fonctionner ce commerce livreront à leur retour en France des fourrures et des produits de ses colonies.

[4La Compagnie des Indes rachète aux seigneurs des terres à la Martinique. Plusieurs Français émigreront vers cette contrée pour travailler sur les plantations.

[5Leslie Choquette, « De Français à paysans : modernité et tradition dans le peuplement du Canada français » , Paris, Ed. Presses de l’Université de Paris-Sorbonne, 2001.

[6Actes législatifs et administratifs relatifs aux engagés 1670-1741, voir le document « La vie maritime à travers les actes de l’Amirauté de La Rochelle », Archives départementales de la Charente-Maritime, http://pages.infinit.net/perguy/ptamiraute.html.

[7Archives départementales de la Charente-Maritime, Série E - E557-E1010.

[8Gabriel Debien, « Les départs d’engagés par Nantes pour l’Amérique (1691-1733) », dépouillement des minutes notariales du notaire Villaine à Nantes, de 1691 à 1763 : 41 liasses répertoriées aux Archives de Loire-Atlantique (E11 1983-2024). Voir Leslie Choquette, « De Français à paysans : Modernité et tradition dans le peuplement du Canada français », op.cit.
Gabriel Debien, « L’émigration poitevine vers l’Amérique au XVIIè siècle », Notes d’Histoire coloniale, XXVI,1952, Br 3128.

[9Louis de Gannes de Falaise (1658-1714) est né à Buxeuil (France). Il est en poste en Acadie en 1696 comme capitaine de la Compagnie de Falaise (Compagnie Franche de la Marine). Il est promu major de l’Acadie en 1704. Il remplit ses fonctions jusqu’à la prise de Port-Royal en 1710, puis il retourna en France.

[10Arnaud Balvay, « L’épée et la plume : Amérindiens et soldats des troupes de la marine en Louisiane et au Pays d’en Haut (1683-1763) » , Québec, Laval, Ed. Presses Universitaires de Laval, 2006, p. 44.

[11Leslie Choquette, « De Français à paysans : modernité et tradition dans le peuplement du Canada français », op. cit. p. 130.

[12Archives nationales, colonies, B334 (1671) ; k102, 4 avril 1669.

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