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Cap sur Yembo

Le vendredi 20 juin 2025, par † Léon Moron, † Michel Carcenac

Après une remontée le long de la côte africaine, de Djibouti jusqu’à Port Soudan, dans ce 17° épisode de la Croisière de la Mer Rouge en 1933 par le Commandant Moron, nous revenons sur la rive arabique. Que de difficultés quand on ne peut compter, ni sur son équipage pour tenir les consignes, ni sur ses cartes, que ce soit pour la position des récifs ou leur extension. Le fait de ne pas vouloir payer le pilote du port de Yembo se traduit par le mépris des notables qui laisseront le bourreau servir de guide à l’Amiral et au Commandant. Même en pleine nuit de navigation la situation inquiétante de la colonie de Djibouti ne laisse pas de repos.

22 Mars :

Nous avons tangué durement toute la nuit et nous continuons ce matin. Le ciel est parfaitement clair, la brise a forci et est plus nord qu’hier soir. Je crois que nous aurons ce temps-là jusqu’à Yembo. Nous allons être pas mal en retard.

La brise tombe au milieu de l’après-midi, nous bougeons beaucoup moins et avançons davantage. A 16 h 45 nous commençons un tour d’horizon, mais le midship chargé des observations laisse son papier s’envoler lorsque le tour est presque fini. C’est donc du temps perdu.

Le soleil se couche dans une atmosphère de pureté absolue. Avant de disparaitre, il dessine devant lui une chaîne de montagnes dont on reconnaît parfaitement l’un des pics pour être le Pic du Sud dans l’W du Cap Alba. Et pourtant, nous sommes à près de 150 kms de la côte africaine. Nous nous repérons par cette montagne et des étoiles crépusculaires.

Nous mettons à 6 nœuds pour la nuit afin de ne pas arriver trop tôt à la balise du Banc Thétis sur laquelle nous devons atterrir demain matin. Nous tanguons légèrement toute la nuit.

23 Mars :

Réveillé à 4 h 30 pour l’atterrissage. Nous sommes sensiblement en retard parce que le midship de quart de 0 h à 4 h n’a même pas pensé à augmenter de vitesse ou à prévenir son commandant lorsque les polaires l’ont placé trop sud. Je fais mettre à 9 nœuds. Dès cinq heures il fait assez clair pour qu’on distingue nettement les montagnes d’Arabie. Malheureusement nos cartes ne sont pas assez précises pour que nous puissions les utiliser pour nous placer.

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Aperçu la balise Thétis droit devant. Mis en route au nord après l’avoir dépassée, cap sur la balise de Shab Guers qui d’après la carte est à 16 milles au nord de la première.

Aperçu avant l’heure prévue une balise, mais ¼ par tribord. Indécision. Nous ralentissons. Peu de temps après, nous apercevons droit devant des objets semblables à des balises et qui en réalité sont les minarets de Yembo. Il fait un temps superbe.

Récif droit devant et à tribord. Décidément c’était bien le Shab Guers, mais mal placé sur notre carte. Il doit être reporté de 2 milles dans le SE. Nous faisons route sur les bancs qui sont dans le NW de cette balise. Contourné les bancs par le Nord.

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Yembo sort de l’eau. Aspect classique des villes arabes de la côte ; très importante de loin. A mesure que nous approcherons, nous verrons beaucoup plus de masures que de vraies maisons. On voit nettement les deux minarets et la cheminée de l’usine distillatoire.

Il fait un temps magnifique. L’eau est parfaitement calme et transparente. Un peu sur bâbord nous voyons émerger les lits de roches du dernier récif avant la côte puis les balises du chenal.

Le pilote est sorti et tente de nous approcher. Nous continuons notre route, car il est inutile de payer un pilote qui ne nous servira à rien. Nous pénétrons dans le chenal. Au balcon de la maison la plus importante, une quinzaine de notables en tenue de dimanche sont alignés. Au pied des maisons une foule de gens dont les coiffures rouges font penser à des tarbouches, mais ce sont des keffiehs à carreaux comme en portent la plupart des nedjiens.

Salut à la terre. Le Vimy va mouiller dans la poche Est du port. Nous mouillons devant le minaret.

Descendu à terre à 2 h avec l’Amiral. Au débarcadère, nous sommes saisis par un bonhomme qui doit être le commandant des troupes. Il prend l’Amiral par la main et nous conduit par les rues. Une grande partie des maisons sont détruites ; les souks sont morts – Il est vrai qu’il n’est que deux heures et tout le monde dort probablement. Nous arrivons sur un terrain vague où se forment les caravanes de chameaux. Dans le fond, la porte de Médine, sans grand intérêt et au- delà le désert barré dans le fond par les hautes montagnes. Une série de puits entourés de murs. Il fait une lumière terrible.

Le pilote nous explique, ou plutôt nous croyons comprendre que l’Emir est malade et qu’il ne viendra pas à bord.
Au total, aspect désolé et détruit. Il semble que la ville ait dû être jolie au temps des Turcs, mais les Wahhabites sont passés par là.

Au quai, notre bonhomme veut embarquer ; un vieux type, pieds nus qui nous avait suivi s’y oppose. Vaincu, il veut venir aussi, mais le premier l’envoie promener.

Nous amenons notre pilote à bord. Il nous montre son sabre et nous fait signe qu’il a coupé le coup à deux types avec.

A bord, grâce aux connaissances arabes de Noël, nous engageons une conversation pleine d’intérêt. Cet indigène gueule comme un sourd. Cette fois, il nous raconte que l’Emir a été appelé par le Roi. Conclusion, nous ne sommes pas très bien accueillis.

Vérification faite auprès du médecin de Yembo venu à bord dans l’après-midi, c’est bien le bourreau qui nous a accompagné en ville.

24 Mars :

Appareillé à 6 heures. Ciel clair, mais brise assez fraîche. On voit la mer moutonner dehors. Nous n’allons pas avoir beau temps. Les récifs ne se distinguent pas des déferlis et il est probable que nous ne passerons pas dans les chenaux intérieurs comme l’Amiral avait l’intention de faire.

Nous défilons le long d’une chaîne de montagnes chaotique ; des blocs dentelés, des pains de sucre qui se chevauchent en projections sur des massifs lourds.

Le vent souffle du NE avec grande force, la mer est modérément agitée et des périodes assez prolongées d’immobilité relative du bateau succèdent à des tangages violents.

Nous passons à terre du récif Palinurus dont une tête émerge très nettement. On dirait de loin un bateau à voiles ou une balise. Il est impossible d’ailleurs de fixer la position avec précision ;

la côte est décalée par rapport aux montagnes et les récifs par rapport à la côte. De plus ceux-ci n’ont pas du tout la configuration indiquée. Ceux qui sont marqués d’une simple croix comme une roche isolée s’étendent en longues nappes qui brisent sur de grandes longueurs. Nos points devraient nous faire passer à distance de vue de tous les bancs côtiers et c’est à peine si nous les apercevons briser à l’horizon de la passerelle supérieure. A mesure que nous montons dans le nord, la mer se fait et nous tanguons durement.

A 5 h nous apercevons le récif Ashayzenihat à deux quarts par tribord dans le 12. L’île Hassani étend sa masse nue et dorée par le soleil dans le NE.

Nous mettons le cap dessus afin d’aller voir de près son mouillage, mais à peine sommes-nous venus à la nouvelle route que le bateau roule affreusement. Comme l’intérêt de ce crochet n’est que relatif et que nous risquons de tout casser à bord, nous revenons route au nord, puis mettons le cap au large pour la nuit. La brise est un peu tombée, mais la mer reste forte et nous tanguons.

Je me couche de bonne heure, mais à 9 h 30, alors que je suis profondément endormi, le midship transmissions m’apporte des télégrammes, l’un du gouverneur de Djibouti, disant qu’une attaque de forces abyssines doit se produire prochainement sur la côte W de notre colonie et qu’en conséquence il demande à conserver le personnel et les armes que nous lui avons laissé provisoirement et l’envoi de l’Ypres à Djibouti ; le second de Beyrouth disant que le télégramme de l’Amiral au Gouverneur lui apprenant que le Teste allait là-bas avec des forces, prises à l’armée s’étaient croisés ; un troisième de l’Amiral à Paris, transmettant les nouvelles de Djibouti et demandant de presser le Teste et à Beyrouth de mettre l’Ypres à 48 h d’appareillage.

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