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La Kola Monavon ... un remède en or !

Pharmaciens lyonnais (1re partie)

Le jeudi 16 mars 2017, par André Vessot

Louis Vacheron, beau-frère de Jeanne Bardey, a vu le succès de son laboratoire pharmaceutique grâce à la préparation et la commercialisation de la Kola Monavon. Mais quelle était donc cette spécialité miracle ? Et qui était ce Monsieur Monavon ? C’est l’objet de ce premier article.

Petit dernier de la famille Monavon, Marius Jules est né à Bourgoin (Isère) le 22 mai 1863, fils d’Etienne [1], galochier, grande rue (actuellement rue de la République) dans cette même ville et de Anne Bouverot, ménagère. Il n’a pas 6 ans lorsque son père meurt le 10 février 1869 ; sa mère se remarie le 30 mars de l’année suivante avec Jean-Baptiste Grasset, aussi galochier, originaire de Saint Alban de Roche (Isère). Je n’ai rien trouvé sur l’enfance de Marius, sinon qu’il fait une scolarité pendant un an (1878-1879) au petit séminaire du Rondeau à Grenoble.

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(Collection personnelle)

Marius ne s’oriente pourtant pas vers une vocation religieuse. Il rejoint Lyon où résident déjà son oncle Pierre Michel Monavon et sa tante Marthe Monavon, pour faire des études de pharmacie, dans lesquelles il se montre fort brillant. Alors qu’il vient seulement de terminer sa première année, la société de pharmacie de Lyon lui décerne le deuxième prix à la suite d’un concours sur les phosphates de chaux et les peptones.

A l’issue de cette première année de pharmacie Marius est soldat au 52e Régiment d’Infanterie de ligne, à la 2e compagnie du dépôt de Bourgoin.
En 1888 il est nommé préparateur et il est admis à la Société Chimique de Paris [2] et en 1889 il est interne en pharmacie à l’asile psychiatrique du Vinatier à Bron.

Plein d’esprit, coloré, brillant, comme un verre de vieux Bourgogne ...

Le 11 février 1890 il soutient, devant la faculté de médecine de Lyon, une thèse sur la « Contribution à l’étude de la coloration artificielle des vins » qui lui donne le diplôme de pharmacien de 1re classe. Il est d’ailleurs l’un des rares élèves à avoir présenté une thèse ; pour le récompenser des travaux réalisés, la Société de pharmacie de Lyon lui décerne la médaille d’or (prix des maîtres) [3]. Marius Monavon a réalisé ses travaux sur les conseils de son maître le professeur Paul Cazeneuve et du Docteur Crolas, autre professeur de la faculté de pharmacie, qui a guidé ses premiers pas dans ses études et qui ne lui a marchandé ni son temps ni les conseils de sa haute expérience, pendant les quelques mois qu’il a passé dans son laboratoire.

Dans le Journal d’Agriculture pratique A.Lesne fait une critique élogieuse du travail de Marius : « Nous avons lu et tous liront avec plaisir le petit livre de Monsieur Monavon. Il est plein d’esprit, coloré, brillant, comme un verre de vieux Bourgogne, et son historique des falsifications par buffeteurs, frelateurs, sophistiqueurs et fardeurs de vin est des plus amusantes. Vient ensuite la partie scientifique qui a été parfaitement traitée. »

Le 15 juin 1890 Marius emménage dans le 5e arrondissement de Lyon au 10 rue de Trion, où il reprend la pharmacie du Docteur Crolas. Pour effectuer ses travaux et ses préparations il installe son laboratoire à la Maison de la Croix Blanche sise à Lyon, 3 chemin de Saint-Just à l’Etoile d’Alaï.

Ses travaux portent essentiellement sur la noix de Kola, en vogue à cette époque. Mais laissons- le nous en faire l’historique [4] :

La kola vraie sterculia acuminata, appelée encore Kola, Gola, Gourou, Kokkoroukou, excite vivement depuis quelque temps l’attention du monde savant, en raison de ses propriétés merveilleuses qui lui sont attribuées par les explorateurs de l’Afrique Occidentale où elle croit spontanément.



La Kola appartient à la famille des malvacées. C’est un arbre de 10 à 20 mètres de hauteur, ayant le port de nos châtaigniers. Les fruits (follicules) ont de 10 à 16 cm de longueur, et renferment chacun de 5 à 15 graines roses ou blanches, pesant de 5 à 25 grammes.

La Kola fait partie du cadeau de noce ...



C’est dans cette graine que se trouvent les principes médicamenteux qui en ont fait une panacée universelle dans l’Afrique Occidentale et dans l’Amérique du Sud. Au Congo, au Dahomey, dans la Guinée inférieure, les noirs se servent de ces graines comme monnaie courante pour l’échange des autres matières. Les marchands mahométans arrivent jusqu’à échanger la poudre de Kola contre l’équivalent de poudre d’or. Ces populations ont une telle vénération pour les graines de Kola, que celles-ci paraissent dans tous les grands actes de la vie. La Kola garantit le serment prêté et la foi jurée. Elle fait toujours partie du cadeau de noce, et le plus grand honneur que puisse faire un noir à un européen, c’est de lui offrir quelques graines de Kola.

C’est qu’en effet, ces graines méritent l’estime qu’ont pour elles les populations africaines, qui s’en servent pour accomplir des travaux pénibles, sans prendre de nourriture. Les noirs ne craignent pas, avec quelques grammes de poudre de Kola, de se lancer sans provisions de bouche à travers les déserts immenses.

Ils font ainsi les voyages les plus pénibles, se livrent aux travaux sans souffrir de la fatigue ou de la faim. Ils mâchent la poudre de Kola sèche, comme d’autres mâchent le tabac : « cette mastication, qui s’opère toujours en avalant la salive, loin d’attaquer l’émail des dents, comme le fait le bétel, contribue à raffermir les gencives et à tonifier les voies digestives. Selon les européens, qui vivent en Afrique occidentale, elle aurait la propriété de rendre agréable et fraîche l’eau la plus ensoleillée et la plus saumâtre. Les mets les plus fades deviendraient ainsi appétissants et délicieux après l’usage de la Kola. » ...

C’est grâce surtout aux travaux de M. Heckel ... que l’on connaît aujourd’hui les propriétés de cette plante merveilleuse. Professeur à la faculté de Marseille, il a réussi à introduire les préparations de Kola dans l’alimentation des alpinistes français pour lutter contre la fatigue des longues courses en montagne, contre l’essoufflement produit par les ascensions pénibles.

Dans cette note sur la « Noix de Kola vraie » Marius Monavon explique son rôle physiologique et thérapeutique. Elle semble en effet bénéficier de multiples propriétés : antidéperditeur puissant, régularisateur des mouvements cardiaques, excitant neuromusculaire, diurétique, antidiarrhéique, stimulant de l’intelligence et des fonctions de relation en général.

De nombreuses contradictions s’étant élevées sur l’action physiologique et thérapeutique de la caféine et de la noix de Kola, MM Monavon et Perroud [5] répondent avec beaucoup de rigueur : « Nous avons pensé qu’il nous appartenait mieux qu’à tout autre puisque nous avons été des premiers à répandre les produits à base des noix de Kola, de revenir sur cette question, et par des expériences comparatives sur la caféine, le rouge de kola et la noix de Kola d’établir ce qui revient à chacun d’eux ». De cette étude il ressort que « La Kola a une action qui lui est particulière. Tous ces principes s’unissent et combinent leurs vertus pour concourir à un même but. Cette action se traduit par une meilleure utilisation des substances alimentaires ingérées. Cette meilleure utilisation a pour résultat une moindre déperdition de forces et conséquemment une plus grande transformation de chaleur en travail mécanique. C’est ce qu’on peut appeler un modérateur de dénutrition ».

A titre d’essai Marius Monavon a envoyé une bouteille d’élixir de Kola à la Société Nationale de Médecine de Lyon, accompagné d’une lettre dont le président M. Bondet donne lecture lors de la séance du 28 juillet 1890. En 1892 il est nommé pharmacien aide-major de 2e classe [6].

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Médaille Exposition Internationale Chicago 1893
(Publié avec l’aimable autorisation de A H Baldwin & Sons Ltd)

Pour Marius Monavon c’est alors le succès de ses spécialités à base de noix de Kola dont il fait la promotion dans les expositions internationales : Londres et Chicago en 1893, Anvers en 1894.

Le 8 mars 1894, Marius dépose au Tribunal de Commerce de Lyon sa marque de fabrique :

Cette marque de fabrique est constituée par la dénomination Kola Monavon, elle est représentée par le dessin de deux griffons appuyant une patte contre une urne sur le pied de laquelle s’enroule un serpent ... [7]

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Marque déposée pour la Kola Monavon

Un bonheur de courte durée

En la Maison commune du 5e arrondissement de Lyon, le 2 juin 1893 Marius Monavon épouse Louise Léontine Imbert qui réside 1 Montée de Fourvière.

L’année suivante une petite fille, Anne Marie Germaine, voit le jour le 11 avril 1894. Le bonheur, hélas, est de courte durée, car sa femme décède 4 semaines plus tard [8] et sa fille le 2 juillet suivant. Marius Monavon ne survit pas longtemps après ces deux épreuves, il décède le 10 avril 1895 alors qu’il se trouve au Cannet, près de Cannes, il n’a pas 32 ans.
Que faisait-il au Cannet ? Participait-il à un congrès de pharmaciens ? Faisait-il la promotion de ses spécialités à bas de noix de Kola ? Ou tout simplement se refaisait-il une santé dans le midi ? Je cherche toujours la réponse, l’aide des lecteurs et lectrices me serait très utile.

L’acte de décès précise que Jean-Baptiste Grasset, son beau-père, est le déclarant, ce qui signifie probablement qu’il était avec Marius Monavon au Cannet. Quant à la déclaration de succession [9] du 10 octobre 1895, elle nous apprend que les seuls héritiers sont Anne Bouverot (sa mère) et Etienne Monavon (son frère aîné).

A suivre...

Sources  :

  • Marius Monavon, Contribution à l’étude de la coloration artificielle des vins
  • Bibliothèque des sciences du vivant et de la santé à Bordeaux
  • Archives Départementales de l’Isère
  • Archives Départementales du Rhône
  • Archives Municipales de Lyon
  • Bibliothèque Municipales de Lyon
  • Gallica

Liens  :


Tous mes remerciements à Monsieur Médéric Lévêque qui m’a aimablement photographié les pages de la note sur "La noix de kola vraie", dont l’unique exemplaire se trouve à la bibliothèque des sciences du vivant et de la santé à Bordeaux.


[1Originaire de Maubec (Isère)

[2Dans sa séance du 14 décembre 1888

[3Dans sa séance du 1er août 1891

[4Extrait d’une note de Marius Monavon sur « La noix de Kola vraie »

[5Pharmaciens de 1re classe, ex-préparateurs à la faculté de Lyon, Lyon-Médical 06/09/1891

[6Décret du 15/02/1892

[7AD Rhône U 232 et U 296

[8Décédée le 16 mai 1894

[9AD Rhône 3Q 33/429 (Lyon-succession 3)

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16 Messages

  • La Kola Monavon ... un remède en or ! 2 octobre 2023 15:40, par frogerais

    La Société d’Histoire de la Pharmacie pourrait publier votre trés intéréssante bibliographie de Marius Monavon dans sa revue trimestrielle.

    www.shp-asso.org

    Cordialement

    André Frogerais

    Répondre à ce message

  • La Kola Monavon ... un remède en or ! 14 avril 2017 17:51, par christiane chabanis

    dans tous les pays d’Afrique et spécialement au Senegal la noix de Cola est toujours consommée pour eviter la faim et la fatigue ,elle est en vente sur tous les marchés

    Répondre à ce message

  • La Kola Monavon ... un remède en or ! 17 mars 2017 16:33, par Vanwelkenhuyzen

    Intéressant article ; le "Kola" et le "Coca" étaient très à la mode à l’époque et étaient consommés sous toutes sortes de formes. Un site bien illustré en donne quelques exemples :
    https://www.shp-asso.org/index.php?PAGE=expositioncafeine

    Répondre à ce message

  • La Kola Monavon ... un remède en or ! 17 mars 2017 15:50, par Vandamme

    j’ai retrouvé le nom de la poudre que j’ai connue autrefois, c’était le Coco Bear dans une petite boite ronde et moi qui pensais que c’était du KoKa a cause du goût ressemblant et bien non c’était de la poudre de réglisse, çà existe encore chez un site qui fait des friandises diverses et un petit rappel dans la chanson de Renaud "Mistral gagnant".
    pour répondre aussi au sujet de la boisson énergisante de nos anciens en hiver, et maintenant j’en suis, c’était de la Quintonine, ou le Quinquina qui était mélangé dans une bouteille de vin rouge, dont on buvait une cuillère chaque jour en cure pour la mauvaise saison afin de protéger et requinquer, çà n’existe plus en pharmacie, j’ai lu aussi que suivant le dosage çà pouvait être dangereux, c’est pourquoi çà a été retiré vers 2011-2012 en pharmacie.
    c’est comme dans tout, il faut de justes proportions.

    Répondre à ce message

    • La Kola Monavon ... un remède en or ! 18 mars 2017 09:46, par Colette Boulard
    • La Kola Monavon ... un remède en or ! 18 mars 2017 09:40, par Colette Boulard

      J’ai connu comme tous les enfants de nos générations les petites boites rondes de "coco boer" (prononcer bo-er) qui me plaisaient et me déplaisaient à la fois : elles étaient longues à déguster, surtout si on ne les entrouvrait qu’à peine et si on léchait la boite ! Celle-ci repartait ensuite au fond de la poche, jusqu’à la récréation suivante, le plaisir durait longtemps, c’était super ! On léchait aussi la pellicule de teinture colorée transparente qui recouvrait le dessus bombé de la boite, nos dents y faisaient leurs marques. Après, les boites vides servaient pour jouer à la marelle. C’était ça aussi, le plaisir, pas trop le goût, pour moi. Je n’adorais pas le réglisse, que l’on achetait aussi en "roudoudous", ces longs rubans minces et noirs enroulés sur eux-mêmes, avec souvent un tout petit bonbon rond, de couleur vive, au milieu de la friandise. Le délicieux mistral gagnant que Renaud nous rappela dans une de ses belles chansons, c’était tout autre chose : la poudre, contenue dans un petit sachet blanc aux écritures de couleur, était sucrée et picotait la langue. Elle pouvait se déguster ainsi ou se boire avec un peu d’eau versée dans le sachet, vendu avec une petite paille. Cela devenait un genre de soda bien agréable, mais trop vite avalé. La particularité est que la sachet fermé possédait au dos une petite languette qui, une fois décachetée, découvrait assez souvent le mot "gagnant" . Nous avions alors tout de suite droit à un autre mistral donné par la souriante boulangère. Génial !
      J’ai vu ma grand-mère se prendre dans la matinée une cuillère à dessert de Quintonine, le flacon en verre devait faire moins de 50 cl. Cela me semblait être la potion magique qui donne des forces. Mais je me trompe peut-être, car il est possible qu’elle ait été amenée à mélanger la Quintonine de base à une demi-bouteille de vin ? Ma grand-mère serait alors elle-même devenue magicienne à mes yeux.

      Répondre à ce message

  • La Kola Monavon ... un remède en or ! 17 mars 2017 14:45, par Vandamme

    C’est très intéressant et quel souvenir d’enfance que la poudre de kola dans les années 50 qu’on avait dans une petite boite ronde les jeudis au patronage afin de nous abreuver, on mélangeait cette poudre dorée dans un verre d’eau et c’était bon et très rafraîchissant, surtout les jours de chaleur, çà n’existe plus depuis longtemps je crois. Un jour, en cherchant sur internet, j’ai retrouvé un article sur ce fameux kola resté dans ma mémoire ainsi que le nom qui y était associé, pour l’instant je l’ai oublié.
    Amicalement,

    Répondre à ce message

    • La Kola Monavon ... un remède en or ! 17 mars 2017 15:08, par André Vessot

      Merci pour votre message.

      Je ne me souviens plus de cette poudre de Kola, par contre je me rappelle que mon père prenait parfois un vin fortifiant, était-ce du vin de Kola ? La petite fille de Louis Vacheron, une dame de 91 ans, que j’ai rencontrée à plusieurs reprises, m’a confié que sa grand-mère prenait ce vin de Kola en apéritif.

      Effectivement ça n’existe plus depuis longtemps. Dans mon article j’ai évoqué la Kola Monavon mais il y avait bien d’autres marques déposées.

      Amicalement.

      André

      Répondre à ce message

  • La Kola Monavon ... un remède en or ! 17 mars 2017 09:47, par Pierrick Chuto

    Bonjour André
    très content de vous retrouver sur la Gazette.
    Sujet fort original.
    Faites-moi donc expédier un carton d’élixir de Cola.
    Je pourrai ainsi écrire jour et nuit...
    Bien amicalement
    Pierrick
    http://www.chuto.fr/

    Répondre à ce message

    • La Kola Monavon ... un remède en or ! 17 mars 2017 15:03, par André Vessot

      Bonjour Pierrick,

      je n’avais pas totalement abandonné la gazette même si j’étais bien pris avec la diffusion de mon livre. Le sujet me tenait effectivement à cœur car mon père (cela remonte à plus de 35 ans) me parlait de la Kola Monavon, curieux remède qui excitait ma curiosité. Dans les années 1950, je me rappelle d’ un vin fortifiant qu’il prenait parfois, était-ce un vin de Kola, je ne saurais le dire.

      En tout cas dommage que je ne puisse plus vous approvisionner, Monavon s’en est allé trop tôt ... mais je sais que vous n’avez pas besoin de cet expédient pour écrire.

      Bien amicalement.

      André

      Répondre à ce message

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