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La lettre de Kitchi

Le vendredi 26 septembre 2025, par Jean Rémi Plard, Philippe Glapa

Une lettre sauvée de la destruction et des souvenirs qui reviennent ; ceux d’un ami de mon père, fils de pauvres immigrés polonais en France, dans les années 1920 qui, après avoir participé,dans la RAF, à la lutte contre les nazis, aura un destin hors du commun dans la Pologne communiste de l’après guerre...

Si je suis à l’initiative de cet article, une grande part n’a pu se faire sans le travail acharné de Philippe GLAPA [1] pour la partie polonaise des recherches. Qu’il en soit remercié ici. C’est donc un travail « à deux plumes ».

Partie 1 - par Jean Rémi PLARD

Il s’agit d’une lettre retrouvée par hasard, longtemps après le décès, en 2001, de ma mère. Abandonnée dans une « pile de vieux papiers » elle a bien failli terminer la poubelle.

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Elle n’est pas datée. Elle commence ainsi : « Mon cher Robert, Je m’excuse de renouer nos relations amicales en te demandant de me rendre un service. Il a fallu cet incident pour que je me décide à replonger dans mon passé… »

Quel incident et quel passé ? Commençons par « l’incident » :

Nous sommes probablement en 1955 - 1956 (j’ai calé cette date approximativement par rapport à d’autres évènements).

Nous habitons, à Troyes, un appartement contigu au bureau de mon père – ce cher Robert – qui est avocat. Il est peut-être minuit quand le téléphone sonne, alors que toute la famille dort. Il y a une sonnette dans l’appartement. Une de ces sonnettes de l’époque, stridente, un « dring dring » continu… irrésistible !

Mon père étant très handicapé, c’est ma mère qui se lève et décroche ce maudit combiné : « vous êtes bien le numéro… ne quittez pas, on vous parle de Varsovie ! » Varsovie, à l’époque c’est de l’autre côté du « rideau de fer » …

« Allo, c’est Kitchi… »

Kitchi, c’est l’ami de jeunesse de mon père, un fils d’immigrés polonais, une famille réfugiée à Troyes dans les années 30. Reparti, à son initiative, en Pologne depuis quelques années, il n’avait plus donné de ses nouvelles depuis. - Nous verrons plus loin qui il était . - À cette époque les moyens de communication n’étaient pas ceux d’aujourd’hui et puis il était de « l’autre côté, à l’est ».

L’objet de son appel ? sa fiancée était malade et avait besoin d’un médicament particulier, non disponible en Pologne.

Dès le lendemain une chaîne d’amitié allait se mettre en place.

Mon socialiste de père appela une relation amicale, pharmacien, pas socialiste, lui, mais franc-maçon, qui se chargea de trouver le médicament dans un délai record. Celui qui organisa l’expédition par avion était le meilleur ami de mon père, un autre avocat, élu local« indépendant et paysan », une des droites de l’époque. Comme quoi, entre hommes de bonne volonté…

Le problème fut résolu et la personne soignée.

Qui est Kitchi ?

Les Polonais, avec plus d’un demi-million de personnes recensées en 1931, représentaient, la deuxième nationalité étrangère en France [2], essentiellement en province. Leurs descendants constituent aujourd’hui la majorité des Français ayant du « sang polonais » dans les veines.

De son vrai nom il s’appelait Zygmunt FALECHI, né le 22 juillet 1923 à Jedrzejowice en Pologne. Ses parents faisaient partie de cette grande immigration.

Ils travaillaient tous deux en bonneterie, aux établissements André Gillier à Troyes, lui comme formeur et elle comme bobineuse. Ils demeuraient à Troyes, 51 rue Geoffroy de Villehardouin. En 1931, lui a 39 ans, elle 35.
Scolarisé à Troyes, Kitchi va se lier d’amitié avec mon père, chez qui il viendra étudier à longueur de temps, le logement des parents étant exiguë.

A 18 ans, il va rejoindre l’Angleterre et servir dans la RAF, plus exactement dans « l’Armée de l’Air polonaise en Grande Bretagne 1940-1947 ». N° de service RAF 708621 rang RC2 (Voir plus loin).

En remerciement, les britanniques lui offriront de poursuivre ses études en Angleterre, où il obtiendra son diplôme d’ingénieur.

Ses convictions le poussent alors à retourner, lui et les siens, en Pologne. D’ailleurs, dès l’été 1944, pour faire face aux défis du redressement national, l’État polonais avait fait appel à ses ressortissants à travers l’Europe.
La surprise à l’arrivée fut de taille : les autorités polonaises ne reconnaissant pas ses diplômes occidentaux, il sera envoyé « au fond » :

« Dès mon arrivée en Pologne, j’ai commencé à travailler dans une mine de charbon. Dès mes premiers pas en Pologne, j’ai été en proie à une immense difficulté, je parlais polonais tant bien que mal, mais je ne le sentais pas, je ne le connaissais pas du tout. Cet obstacle a été très dur à abattre, mais je m’y suis attelé, et petit à petit je suis parvenu à maîtriser cette langue. Après un an de travail dans le puits, j’ai été dirigé à Cracovie afin d’obtenir l’équivalent polonais de mon diplôme d’ingénieur anglais. Après un an de séjour dans Cracovie, j’ai obtenu mon diplôme d’ingénieur polonais. Après quoi, j’ai été dirigé dans un Centre d’Études des Mines où je travaille à l’heure actuelle en tant que travailleur scientifique. Depuis deux mois, je suis un « aspirant scientifique », c’est-à-dire que je reçois du gouvernement une bourse pendant deux ans afin de me préparer et d’acquérir le docto rat ès sciences. » (Extrait de sa lettre).

L’homme qui a fait ces choix confie aussi à son ami :

« Le souvenir de ma jeunesse, de la France, de mes amis me hante sans cesse. Très souvent le soir, une ombre de nostalgie passe devant moi, la seule chose quime permet de m’arracher à tous ces souvenirs, c’est le travail, c’est l’émotion qui me saisit devant les immenses perspectives de reconstruction, de construction qui sont en train de s’accomplir en Pologne. Il me serait extrêmement difficile de te retracer un tableau de tout ce qui se passe ici, de ma vie, en l’espace d’une lettre. » (Extrait de sa lettre)

Et d’ajouter plus loin :

« A l’instant même, je viens d’écouter un interview de Georges Sadoul, donné à la radio polonaise. Il ne se doute pas qu’il vient d’établir un lien vivant entre cette lettre et moi. Les films français sont extrêmement prisés par le public polonais. Je m’excuse de cette digression, mais chaque fois que j’entends le français, j’éprouve un délassement considérable, avec la sensation d’un regret qui ne s’effacera jamais. La vie est ainsi faite, on aime et on part. » (Extrait de sa lettre).

N’en déplaise à certains, on peut avoir « deux amours », une Grande Dame l’a si bien chanté… Mais il agit aussi en fonction de ses convictions :

« La vie, ici, repose sur des principes différents. La base de toute action, est avant toutl’industrialisation. Chaque coin de terre en Pologne est un chantier, quel que soit la direction que tu prennes, tu rencontreras partout des échafaudages. On bâtit partout, sans cesse. La vie est très agitée, mouvementée, remplie du matin jusqu’au soir, c’est, en un mot, une vie d’action. Toute cette action repose sur le principe du socialisme scientifique. Il est le moteur qui anime tous les rouages de ce mécanisme énorme. » (Extrait de sa lettre).

Une lettre au milieu d’un fouillis de vieux papiers

Mon père décède le 14 avril 1963. Depuis 3 ans, nous avons déménagé et le bureau et la ligne téléphonique de mon père ne sont plus contiguës au nouvel appartement. Si Kitchi veut nous joindre, c’est plus compliqué. Nous n’aurons plus de nouvelles de ce dernier à partir de 1960.

Dans les années qui suivent, lors de passages à Paris, je me suis rendu à deux reprises à l’ambassade de Pologne où j’ai demandé à pouvoir contacter Kitchi. Les personnes qui m’ont reçu m’ont longuement questionné et l’affaire en est resté là. Je n’ai pas voulu insister, au risque de créer des ennuis à Kitchi.

C’est récemment, en triant les affaires de ma mère, elle aussi décédée, que j’ai découvert cette fameuse lettre dont j’ignorais complètement l’existence. Les autres courriers furent probablement détruits… comme celui-ci avait bien failli l’être !

Des souvenirs qui rejaillissent, et une soudaine envie de savoir…

Justement, quels souvenirs ?

Une première recherche aboutit à retrouver la trace de Kitchi dans la RAF.

Les souvenirs de mon enfance se confirmaient ! Restait à lancer une recherche en Pologne…

Mes premières recherches

Je me souvenais que Kitchi avait été le délégué en France pour les charbonnages polonais : le Weglokoks. J’orientais donc ma recherche de ce côté.

Une recherche fructueuse, qui m’offrait en prime le portrait de Kitchi ! c’était bien lui, mes souvenirs ne mentaient pas…

Je tentais une traduction avec Google : c’était très mauvais, lacunaire.

…C’est un homme - ancien délégué polonais à Genève - qui incarne les bonnes manières et le chic européen, qui est plus proche de l’Occident en termes de vision du monde…

Un autre document m’apporta de nouveaux éléments :

« LA COMMISSION ÉCONOMIQUE DES NATIONS UNIES POUR L’EUROPE ET SES TRAVAUX DANS LE DOMAINE DE L’UTILISATION DES CENDRES PRODUITES PAR LES CENTRALES THERMIQUES

Par Zygmunt Falecki, Bureau des affaires économiques, Secrétariat de la Commission économique des Nations Unies pour l’Europe, Section du charbon, Division de l’énergie, Genève, Suisse.

Ce document décrit la Commission économique des Nations Unies pour l’Europe (CEE) et son rôle dans l’amélioration des conditions économiques en Europe et dans le monde. Les moyens d’échange d’informations de la Commission sont décrits, ainsi que ses efforts de coopération. Le point culminant est un compte rendu des travaux de la CEE sur l’utilisation des cendres volantes, y compris une liste des principaux documents relatifs aux activités d’utilisation des cendres publiées par le Secrétariat.

UNE TENTATIVE POUR EXPLIQUER LE SUCCÈS FRANÇAIS DANS L’UTILISATION DES CENDRES VOLANTES »

« Service américain d’électricité.

Zigmunt Falecki, Secrétaire du Comité du charbon de la CEE, avait donné un compte rendu historique du travail accompli jusqu’à présent par les Groupes de rapporteurs de la CEE sur l’utilisation des cendres depuis sa création en 1960 jusqu’à sa dernière réunion en mai 1966. »


« Le Comité du charbon de la CEE avait reconnu l’importance croissante de ces travaux enfaisant passer le statut de l’organe de « Groupe de rapporteurs » à celui de « Groupe d’experts ». Le Groupe s’attend avec confiance à ce qu’il ne s’agisse pas simplemen t d’un changement d’étiquette, mais que son statut plus élevé donnera plus d’élan et d’autorité à ses travaux. Sans aucun doute, l’action du gouvernement des États-Unis en organisant la toute première session du Groupe pour aider à Pittsburg, en Pennsylvanie, contribuera grandement à y parvenir, car la participation des États-Unis aidera grandement dans tous les aspects du travail dans lequel le groupe est engagé.

Le Groupe d’experts de la CEE sur l’utilisation des cendres a tenu sa première session les 13 et 17 mars 1967, au cours de laquelle

- a – Des experts des pays suivants étaient présents : Tchécoslovaquie, République fédérale d’Allemagne, France, Grèce, Italie, Pologne, Royaume-Uni, U.R.S.S, et États-Unis. »

« Zigmunt Falecki est né en Pologne et a fait ses études à l’Université de Paris, à l’Université de Galles du Sud, en Grande-Bretagne, et à l’Académie des mines de Cracovie, en Pologne. Il est titulaire d’un B.S. et M.S. Diplôme en Mines et Économie. M. Falecki a travaillé dans l’industrie charbonnière polonaise, a mené des recherches à l’Institut central des mines de Pologne et a été associé à l’exportation de charbon polonais. Depuis 1960, il est chargé des affaires économiques au Secrétariat du comité de la Commission économique des Nations Unies pour l’Europe. »

La barrière de la langue

Il fallait bien me rendre à l’évidence : avec mon seul français pour bagage, je n’irai pas loin !

C’est Thierry SABOT qui me proposa de lancer un appel sur son site « Histoire Généalogie ». Et ce fut Philippe GLAPA qui se proposa ! il est temps de lui « passer la main »...

Partie 2 – par Philippe GLAPA

Dans la Gazette du vendredi 10 décembre 2021, Thierry SABOT recherchait pour le compte d’un adhérent une personne en mesure de traduire des articles et documents rédigés en polonais.

J’avais entrepris depuis quelques mois des recherches relatives à mes grands-parents, polonais émigrés dans le Nord de la France entre 1920 et 1930, en vue de retracer l’histoire familiale.

Je me sentais donc en capacité d’apporter mon aide en m’appuyant sur ma connaissance de la langue polonaise, de l’organisation des archives et de l’organisation administrative de la Pologne.

C’est ainsi que le jour-même j’ai découvert Kitchi. Et l’histoire de la lettre de Kitchi, que Jean- Rémy a retracée, m’a immédiatement séduit.

Après le décès de son père, Jean Rémi a entrepris plusieurs démarches pour retrouver la trace de Kitchi, sans succès.

Au vu de l’article de Jean Rémi, trois pistes m’ont paru intéressantes à exploiter.

Tout d’abord, l’article de presse présentant Kitchi, en fait Zygmunt Falecki, comme directeur de Węglokoks, les charbonnages polonais, en 1957 et 1958 m’a conduit à solliciter l’entreprise, toujours en activité.

Malheureusement, ni le Directeur Marketing, ni l’auteur de l’article, ni la Directrice de rédaction du magazine de l’entreprise, n’ont pu m’indiquer ce qu’est devenu Kitchi après 1958.

Ensuite, son engagement dans l’Armée de l’Air Polonaise en Grande-Bretagne a été confirmée par un spécialiste polonais de la question, Robert Gretzingier, qui a apporté des informations suite à un message que je lui ai adressé sur le site MyHeritage.

« Il se présenta au centre de recrutement de l’armée polonaise de Paris en janvier 1944. À partir du 4 octobre 1944, il fut en Grande-Bretagne dans le 1er corps en Écosse, au centre de réserve aérienne de Blackpool, à l’école de pilotage de Hucknall et à partir de janvier 1946.

Dans le camp PKPR [3] à Newton. Il étudie pendant un an à l’Université de Cardiff. En 1946, il déclare vouloir travailler dans les mines ».

« Il a déclaré sa volonté d’aller en Afrique du Sud ».

Ce qu’il n’a finalement pas fait. Très certainement mû par un profond sentiment patriotique, Kitchi a opté pour la Pologne, comme plusieurs milliers de Polonais émigrés qui sont repartis en Pologne pour participer à la reconstruction du pays [4].

Enfin, la troisième piste intéressante !

Dans sa lettre, Kitchi indique qu’il a dû faire un an d’études à Cracovie pour valider son diplôme d’ingénieur obtenu en Grande-Bretagne.

Problème, le recensement des enseignants et chercheurs de l’Académie des Mines et de la Métallurgie pour l’année 1953-1954 liste deux Zygmunt Falecki, tous deux assistants mais chacun dans une spécialité différente.

L’un en métallurgie et fonderie, l’autre en spécialité minière. Ce qui est certain c’est que notre Kitchi est bien l’un des deux, l’adresse portée, Kosciuszki – 50 m. 3 est la même que celle figurant sur la lettre adressée à son ami Robert Plard de Troyes en 1955.

Mais lequel ?

Des recherches plus approfondies ont montré que le Zygmunt Falecki, auteur de la publication

« Bases du moulage à partir de modèles en fonte » n’est pas Kitchi mais l’autre Falecki qui a été enseignant et Directeur du département Moulage et Fonderie de la faculté de Cracovie de 1990 à 2010.

Petite remarque : les deux noms sont légèrement différents, Falecki et Falęcki. Le « ę » est une voyelle de l’alphabet polonais qui se prononce différemment du « e ».

En résumé, à ce stade des recherches, aucune piste sur le devenir de Kitchi après 1963. Parallèlement, j’avais entrepris des recherches généalogiques, au final peu fructueuses.

La demande d’acte de naissance de Kitchi auprès de l’état-civil de naissance, né le 22 juillet 1923 à Jędrzejowice, près de Boria où sont nés ses parents, n’a pas abouti, la responsable de l’état-civil invoquant une impossibilité juridique… (acte datant de moins de 100 ans).

L’acte de naissance du père de Kitchi, Stefan, né le 21 décembre 1892 à Boria, apporte peu sinon que, rédigé en cyrillique, il rappelle que Boria, village de 400 à 500 habitants, entre Lublin et Cracovie, était sous domination de l’Empire russe, la Pologne ayant été partagée en 1795 entre trois puissances, l’empire Allemand, l’empire Austro-hongrois et l’empire russe. L’indépendance du pays n’a été retrouvée qu’en 1918 (traité de Versailles).

Les recherches sur le site Myheritage m’ont donné quelques faibles indications : les noms- prénoms, dates de naissance et de décès des parents de Zygmunt Falecki et de son épouse.

… ainsi que la mention de deux enfants : « Inconnu Goli » et « Inconnu Favy ». Entre parenthèses, les mentions « z.d. Falecka » signifient « z domu » en polonais, littéralement « de la maison ». Cette expression est employée pour les femmes, indiquant ainsi le nom de « jeune fille ». Ce sont deux filles.

Remarque : en polonais, les mots se déclinent et les noms s’adaptent au féminin ; Falecki au masculin, Falecka au féminin. Kitchi aurait donc eu deux filles.

Enfin, Kitchi serait décédé en 2003.

Bien entendu, reste à confirmer qu’il s’agit de la personne recherchée mais peu de doute, la date de naissance est très proche de celle portée par Jean-Rémy (23 au lieu de 22 juillet 1923) et le lieu de naissance est identique.

Les demandes adressées à l’auteur de l’arbre généalogique source n’ont rien apporté de plus.

Que faire avec les deux noms « Goli » et « Favy » ?

Je ne voyais pas d’autres solutions que de poursuivre des recherches sur Facebook pour essayer de trouver les fameux « inconnus ». C’est une démarche que j’avais entreprise pour mes propres recherches avec des résultats parfois intéressants.

Rien concernant « inconnu Favy ». En revanche, plusieurs « Goli » détiennent un compte Facebook. Comme pour mes propres recherches, je suis allé à la pêche, en croisant le nom avec la localisation « Katowice », siège de Węglokoks.

Le 28 mars 2022 j’envoie un message au moyen de la messagerie liée à Facebook, Messenger, à trois « Goli » demeurant en Pologne, message accompagné de la copie de l’article ci-dessous.

Suite à un second message envoyé un mois plus tard avec le même article, l’un des trois m’a répondu : « C’était mon grand-père. Il est mort en 2003. Je vais en parler à mes parents. »

Cette réponse confirme que Zygmunt Falecki et le Kitchi recherché sont bien la même personne.

Après quelques semaines, j’envoie à mon interlocuteur la lettre que Kitchi a adressé vers 1955 à Robert Plard, le père de Jean-Rémi.

La lettre étant rédigée en français, je l’accompagne d’une description en polonais de son contenu.

Enfin, un contact téléphonique avec une des deux filles de Kitchi [5].

Échanges pas très fructueux. J’ai retenu que Kitchi était extrêmement brillant. Adhérent au parti communiste polonais, c’était un idéaliste rationnel, que le Parti avait du mal à positionner. Kitchi était davantage un « technicien » qu’un politique.

Après son affectation à Genève jusqu’en 1966, il est reparti en Pologne puis a été affecté à l’Ambassade de Pologne à Paris. En 1972, il a pris les fonctions de Directeur de l’Institut central des Mines à Katowice.

Par la suite, il est Directeur de l’École Nationale d’ingénieurs des Mines à Gabès en Tunisie pendant une dizaine d’années.

Malheureusement, les messages adressés à ces deux instituts sont restés sans réponse…

Dommage que l’on ne sache pas comment Kitchi, l’idéaliste, a réagi aux soubresauts politiques en Pologne.
Comme l’éviction d’Edward GIEREK [6], qui a dirigé la section du Parti communiste de Katowice et a été secrétaire du parti communiste polonais (POUP) de 1970 à 1980, que Kitchi a très certainement connu, ou la reconnaissance du syndicat Solidarność .

De même, la destitution de Gierek en 1980, le coup d’état du général Jaruzelski instaurant l’état de siège en 1981... et bien entendu la suite !

Une dernière remarque (par Jean Rémi Plard)

Philippe et moi avons eu des contacts avec les deux filles de Kitchi : elles semblaient ignorer presque tout de son passé français, jusqu’au surnom de leur père.

Magdalena, qui a la nationalité française, réside occasionnellement à proximité du domicile de Philippe ! quel hasard ! Et je réside moi-même à quelques dizaines de kilomètres. Bien que l’organisation d’une rencontre fût évoquée, les descendants de Kitchi ne donnèrent pas suite…

L’intégral de la lettre de Kitchi

Kosciuszki 50 m3
Stalingrad
Pologne

Mon cher Robert
Je m’excuse de renouer nos relations amicales en te demandant de me rendre un service. Il a fallu cet incident pour que me décide à me replonger dans mon passé.

Le souvenir de ma jeunesse, de la France, de mes amis me hante sans cesse. Très souvent le soir, une ombre de nostalgie passe devant moi, la seule chose qui me permet de m’arracher à tous ces souvenirs, c’est le travail, c’est l’émotion qui me saisit devant les immenses perspectives de reconstruction, de construction qui sont en train de s’accomplir en Pologne. Il me serait extrêmement difficile de te retracer un tableau de tout ce qui se passe ici, de ma vie, en l’espace d’une lettre. Je me contenterai pour cette fois de te faire un résumé de ma vie jusqu’à présent.

Dès mon arrivée en Pologne, j’ai commencé à travailler dans une mine de charbon. Dès mes premiers pas en Pologne, j’ai été en proie à une immense difficulté, je parlais polonais tant bien que mal, mais je ne le sentais pas, je ne le connaissais pas du tout. Cet obstacle a été très dur à abattre, mais je m’y suis attelé, et petit à petit je suis parvenu à maîtriser cette langue. Après un an de travail dans le puits, j’ai été dirigé à Cracovie afin d’obtenir l’équivalent polonais de mon diplôme d’ingénieur anglais. Après un an de séjour dans Cracovie, j’ai obtenu mon diplôme d’ingénieur polonais. Après quoi, j’ai été dirigé dans un Centre d’Études des Mines où je travaille à l’heure actuelle en tant que travailleur scientifique. Depuis deux mois, je suis un « aspirant scientifique », c’est-à-dire que je reçois du gouvernement une bourse pendant deux ans afin de me préparer et d’acquérir le doctorat ès sciences.

Voilà, en quelques mots, le résumé de ma vie. Comme tu dois te douter, la vie, ici, repose sur des principes différents. La base de toute action, est avant tout l’industrialisation. Chaque coin de terre en Pologne est un chantier, quel que soit la direction que tu prennes, tu rencontreras partout des échafaudages. On bâtit partout, sans cesse. La vie est très agitée, mouvementée, remplie du matin jusqu’au soir, c’est, en un mot, une vie d’action. Toute cette action repose sur le principe du socialisme scientifique. Il est le moteur qui anime tous les rouages de ce mécanisme énorme. A l’instant même, je viens d’écouter un interview de Georges Sadoul, donné à la radio polonaise. Il ne se doute pas qu’il vient d’établir un lien vivant entre cette lettre et moi. Les films français sont extrêmement prisés par le public polonais. Je m’excuse de cette digression, mais chaque fois que j’entends le français, j’éprouve un délassement considérable, avec la sensation d’un regret qui ne s’effacera jamais. La vie est ainsi faite, on aime et on part.

Cher Robert, tu ne peux pas savoir combien je te suis reconnaissant du service que tu me rends. Pour l’instant, je finis cette lettre « introduction ». Dans quelques jours, je t’enverrai une lettre plus soignée. Pour l’instant, je te dis merci et te serre la main.

Zygmunt Falecki

P.S. Mes hommages à ta femme et à toute ta famille.


[1Philippe est l’auteur de « Terre noire et pain blanc » l’histoire de ses ancêtres polonais immigrés en France au pays des « gueules noires ».

[2La seconde était les Italiens.

[3Polski Korpus Przysposobienia i Rozmieszczenia (Corps polonais de formation et de développement). En Anglais :- Polish Resettlement Corps.

[4En dépit des réticences du gouvernement français, le premier accord bilatéral relatif au rapatriement est signé le 20 février 1946 en vertu des articles 1, 6 et 10 de la Convention sur l’émigration et l’immigration de 1919. Les articles 1 et 6 de cette convention garantissent, entre autres, la liberté d’émigrer et de revenir alors que l’article 10 contient des dispositions diplomatiques relatives à l’évolution du marché du travail. Par la suite, trois autres accords sont signés : le 10 septembre, le 28 novembre 1946, et enfin le 24 février 1948.

[5L’une est née en 1957, la seconde en 1963.

[6Anecdote : le hasard (?) fait que l’une des filles de Kitchi demeure à Katowice dans l’ancienne maison d’Edward GIEREK.

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