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Retour au Soudan

Le vendredi 30 mai 2025, par † Léon Moron, † Michel Carcenac

Après l’Erythrée, l’escadre de la Diana et du Vimy continue sa remontée au Nord le long de la côte du Soudan.
L’étonnante ville de Souakim aux bâtiments en ruines serrés sur une île ronde au fond d’un chenal enthousiasme le commandant Moron.
A Port Soudan, la présence d’un amiral anglais va les entraîner dans diverses festivités avant le départ pour une traversée vers Yembo sur la côte de l’Arabie.

16 Mars :

Réveillé à 3 h 30 pour faire le passage du banc de Taclai. Le ciel est couvert, la lune est cachée derrière les nuages. Petite brise de Nord et houle assez sensible. Au lever du jour, la terre est cachée à demi dans la brumasse et le sable. Il ne va pas faire très beau, je crois.

En tout cas, le vent ne fraichit pas ; il y a de la houle et nous tanguons et il crachine. On se croirait en Manche… Nous ne voyons pas grand-chose de la terre et ce serait cependant utile, parce que nous naviguons avec un routier aux points imperceptibles dans des régions où les fonds sont particulièrement irréguliers.

L’Amiral décide de mouiller le soir à l’intérieur du chenal, dans une baie fermée par des îlots ; dite Mersa Mahlak.
Aperçu deux îlots vers le large à perte de vue. Puis Trinkitat, où sont mouillés des boutres. Nous mettons le cap sur la balise d’entrée du chenal de Souakim et pénétrons dans la Mersa, à moitié à l’œil parce que nos cartes sont insuffisantes. Mouillé à 5 h au sud d’une petite île couverte de buissons, dite Ile Longue ; Pour y arriver nous passons entre les galettes de récif immergé. Nous sommes revenus aux beaux jours du Grand Banc des Farisan.

Il reste encore une demi-heure de jour et je pars à terre avec l’Amiral dans le youyou. Je prends un aviron. On voit sur la lagune de l’île un groupe de flamants roses magnifiques. Le jour est déjà bas quand nous approchons du rivage. Nous nous échouons sur les coraux, naturellement.

Après avoir poussé en avant, en arrière avec les avirons, nous finissons par toucher la berge qui est verticale et de sable.

L’Amiral a emporté son fusil et aussitôt débarqué se défile dans la broussaille. Il tire et abat un malheureux oiseau de mer qui reste à se débattre au bord de l’eau. Le sol est trop vaseux pour qu’on puisse s’en approcher. La pauvre bête meurt la tête dans l’eau.

L’île est très basse et faite de sable. Elle est séparée en fer à cheval par une lagune où nous avions observé les flamants à la jumelle. Des régiments de crabe se précipitent en rangs serrés et dressés sur le côté à notre approche. La mer baisse et la lagune se vide dans la mer. Des poissons grouillent au déversoir.

La nuit vient et comme l’eau descend, l’amiral craint que nous ne puissions plus dégager notre youyou. Nous rentrons. En poussant et en se déséchouant nous nous dégageons. Je sue sang et eau à l’aviron. Il fait ce soir un ciel magnifique, la mer est parfaitement calme. Là-bas au-delà des îles un cargo a mouillé pour attendre comme nous le jour. Un homme joue de l’harmonica sur le pont. Je vais aller m’étendre parce que voilà dix-huit heures que je suis debout.

Nous avons retardé les montres d’une heure à midi. Appareillage à 5 h 15 demain matin pour Souakim.

17 Mars :

Levé à 5 h pour appareiller. Le ciel est chargé de nuages de pluie ; le vent du Nord souffle frais. Nous quittons notre mouillage à 5 h 15, le soleil est encore loin d’être levé, mais les lignes de récifs se voient bien. D’ailleurs le petit cargo qui a mouillé dans le Nord appareille lui aussi.

Joli passage entre les balises de l’île Gap. L’île Gap n’est qu’un bout de sable couvert de broussailles, fraction émergeante du récif. Un boutre est tiré au sec et sur le récif deux hommes pêchent probablement des trocas, car cela sent très mauvais sous le vent à eux. Tourné au récif du milieu et puis le chenal côtier NS qui conduit directement à Souakim. La brise est fraîche mais le ciel s’est nettoyé. Nous longeons la côte qui est bordée par un récif vert pâle de couleur épatante. Plaine sableuse et en arrière les lignes de montagnes successives, inévitables en Mer Rouge africaine.

Chenal d’entrée de Souakim, sinueux et assez étroit, mais dont les bords de récifs sont très visibles. Amarrés l’arrière à l’île de la Quarantaine. Le Vimy rentre dès que nous avons fini de manœuvrer et s’amarre un peu plus au fond dans le chenal nord.

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Le mouillage est complètement abrité et il y souffle une brise du nord très agréable.

La ville a l’air abandonné. On voit un peu partout des maisons qui n’ont plus que les murs. C’est dommage, car la situation est très belle, sur une île au fond d’un couloir aux berges basses, désertiques, parsemées de lagunes. Du bord, cette ville posée au ras de l’eau sur une île a un petit air vénitien. Sur les lagunes des quantités d’oiseaux et spécialement de beaux flamands, le bec enfoui dans la vase.

Le train arrive dans le bled et soulève un nuage épais de sable jaune. Il remorque deux superbes wagons blancs de voyageurs, on se demande pour qui.

Le moudir vient à bord. C’est la seule autorité du pays, les Anglais ayant abandonné toute idée d’exploitation de ce port depuis l’existence de Port Soudan. C’est un nègre qui ne parle aucune langue connue. Il est accompagné d’un interprète. Il est d’ailleurs farouche pour nos permissionnaires qu’il ne veut pas voir à terre après cinq heures. Peut-être est-ce parce que c’est vendredi.

Descendu à terre avec l’amiral l’après-midi, La ville est construite sur une île à peu près circulaire qui est réunie à la terre par une digue. Au-delà de la digue, le village indigène.

Curieuse impression de parcourir une ville complètement morte. Les rues et les maisons sont vides. Tout le monde est parti à Port Soudan. Des quantités de jolies maisons arabes à plusieurs étages, portes sculptées, fenêtres débordantes à moucharabiehs, escaliers extérieurs. Tout cela tombe en ruines. Silence absolu très émouvant. Je resterais volontiers circuler dans ces rues de labyrinthe et je voudrai pénétrer dans les plus belles.

De l’autre côté, la ville nègre, elle aussi à demi morte, sauf le bazar qui a quelque activité. L’Amiral est la proie des marchands et il achète des babouches, un poignard et une lance ; tout cela ira au grenier probablement.

18 Mars :

Je sens ce matin un changement très sensible de température ; bien que l’air soit parfaitement calme, j’ai une impression de fraîcheur que je ne connaissais plus.

Par ce calme, le soleil étant encore bas, les récifs se voient très mal. Le Vimy, qui s’est amarré le dernier sort le premier. Nous appareillons à 6 h 45.

L’eau est comme un miroir de plomb, sous le ciel gris. La chaîne de montagnes est rose dans le soleil levant. Nous longeons la terre à un peu plus d’un mille. A peine sortis des chenaux de Souakim, nous apercevons devant un arbre, que nous reconnaitrons pour être un groupe de palmiers, de près et qui restera visible jusqu’à Port Soudan. C’est un amer vraiment remarquable.

Des vols considérables de gros oiseaux, des grues, peut-être, viennent de la terre et passent très près de nous. Leur ruban ondule noir dans le ciel comme de longues houles. Leurs mouvements d’ensemble sont magnifiques. Ils vont se perdre au ras de l’eau dans la lumière de miroir.

Des boutres encalminés défilent le long du bord ; l’un d’eux a son veilleur à l’étrave en figure de proue.

Port Soudan se voit de très loin. Nous rentrons dans le port à 11 h. Derrière nous arrive le bâtiment des phares égyptiens avec à bord le CA Wells d’Alexandrie (H.E.M.S. Aïda).

L’Amiral voyage avec sa famille et des invités. Le poste d’inspecteur des phares égyptiens m’a l’air d’une belle truffe.

La présence de cet amiral anglais va encore nous entrainer à des diners et cocktails. J’aurais cependant beaucoup aimé rester tranquille à bord pendant ces trois jours. La chose m’eut été d’autant plus facile que j’ai vraiment épuisé tous les délices de Port Soudan.

Il y a déjà cet après-midi gymkhana à terre, l’Amiral a voulu m’y entrainer, mais j’ai résisté. Je n’ai aucune envie d’aller dans ce bled assister à des acrobaties d’imbéciles.

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19 Mars :

Réveillé avant le jour, je m’installe à travailler à mon bureau. J’ai à régler les déplacements du Vimy à partir de Tor et à l’envoyer caréner à Alexandrie. Il fait calme mais la houle rentre dans le port. Il ne doit pas faire beau dehors.

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Je pensais bien que cette houle présageait du mauvais temps. Dès huit heures, le vent du Nord s’est levé et il souffle très violemment toute la matinée. Nous sommes noyés dans la poussière de sable.
Je suis allé cependant à terre avec l’Amiral faire quelques achats. En rentrant, j’ai dû refaire complètement ma toilette, me rincer les yeux et la gorge.

Vers midi, la brise mollit un peu et hâle davantage au Nord ce qui fait cesser la poussière de sable.
Déjeuner à bord de la Diana avec l’Amiral anglais des Phares, le Résident et d’autres personnes.
A partir de six heures un smoking pour cocktail sur le bateau égyptien, cocktail chez le Directeur des Douanes et dîner chez le Résident. Cordialité britannique.

20 Mars :

Charbon.

Le vent est moins violent qu’hier matin et nous ne sommes pas envahis par le sable. Il fraichit cependant dans le voisinage de 10 heures. Reçu le deuxième courrier dirigé sur Port Soudan.

Il y a encore cocktail chez des gens à partir de 5 heures, mais comme je dine dehors, il me suffira d’aller passer dix minutes chez le plus important. Les Anglais sont bien gentils, mais je crois que c’est parce qu’ils s’embêtent ferme dans ce Port Soudan qu’ils sont si aimables.

Diner chez le Directeur des Douanes. Excellent diner anglais. Après, danse à l’hôtel et nous ne rentrons qu’à minuit.

21 Mars :

Très beau temps, le matin, légère brise. Le vent fraichit comme d’habitude à mesure que le soleil monte. Prise d’armes à 10 h pour remise de médailles militaires.

A midi, déjeuner sur la Diana.

Appareillage à 14 h 30. Brise du Nord fraîche, qui lève une mer assez forte dès que nous avons dépassé l’abri du récif Wingate. Au tournant de Sanganeb, nous entrons dans la plume. Le ciel est parfaitement pur. Le soleil disparait derrière une montagne à double sommet. La brise ne tombe pas avec la nuit. Nous tanguons durement et nous ne marchons que 6 nœuds.

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