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9/ La Grande Guerre et les Morel de Lavoine : correspondance familiale et témoignage historique

9e épisode (Juillet-Août 1915)

Le vendredi 20 juin 2025, par Jean Magnier

Au cœur de l’été 1915, les quatre frères Morel sont dans la tourmente. Bonnet le plus jeune est en Alsace avec le 53e Bataillon de Chasseurs alpins. Les deux Claude (Le Dode et Le Jeune) du 298e R.I. ont quitté Nouvron Vingré pour un nouveau secteur à Soissons dans l’Aisne, tandis que leur aîné, Gaspard, maintenu dans la Marne, a la charge d’une importante équipe de bûcherons dans le secteur d’Aubérive, près de Reims.
Les liens fraternels et familiaux sont maintenus par une correspondance suivie, à laquelle participe Maria, une de leurs sœurs.

Pour lire les épisodes précédents

Juillet 1915.
Une importante offensive se prépare, la 7è compagnie du 2è Bataillon du 104è Régiment d’Infanterie Territoriale y est particulièrement impliquée. Dans cette unité durement éprouvée, les qualités et les compétences du caporal Gaspard Morel, ainsi que son engagement, sont reconnus.
A la maison, Claudia son épouse et sa fille Célina sont au centre des échanges de courrier de la fratrie. Une proche permission va mobiliser les esprits.

|Auberive du 11 juin au 24 août 1915 [. . . ] le 30 juin ; chaque bataillon était affecté [. . . ] le 2è Bataillon à la 7è D.I. (Mourmelon, Jonchery, St-Hilaire, Côte 133) [. . . ] Les compagnies furent employées pendant ces premières semaines à divers travaux de fortification sous le canon ennemi. Les 5è et 7è compagnies furent particulièrement exposées. La fermeté et l’entrain dont ces deux unités firent preuve leur valurent le 5 août la citation suivante à l’ordre du régiment :
« Fournissent depuis quarante-cinq jours sans le moindre repos, un effort considérable pour l’organisation défensive d’un secteur. De jour et de nuit, au travail comme au cantonnement, toujours sous les obus et les balles, ont conservé un entrain et un moral qui font le plus grand honneur à tous les hommes et aux gradés. »
Historique du 104è d’Infanterie territoriale.|

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Carte secteur Auberive Reims
Source : Géoportail.gouv

Gaspard, confirmé à la tête de son équipe de bûcherons, devrait prochainement être nommé sergent. Il soupèse les avantages matériels et financiers de la promotion !

Le 3 Juillet 1915
[ . . . ] Chères petites amies j’ai une bonne petite nouvelle a vous annoncer mais si c’était la fin de la guerre ce serait bien encore meilleur il me semble vous avoir dit sur une de mes lettres que j’avais bien du travail et que j’en serais peut-être récompenser eh bien je viens de prendre encore plus d’embarras je viens d’être nommé directeur de tous les travaux du bois et il faut que je me le procure il faut le marquer et le faire exploiter seulement j’ai droit a prendre les gradés qu’il me faut pour m’aider j’espère m’en tirer facilement pour ma récompense l’on va me nommer sergent j’espère bien être nommé dans huit jours voilà ce que c’est d’avoir la confiance
Je vous assure que j’en ait des jaloux qui font le nez mais cela ne me fait pas grand-chose et je crois bien que cela ne vous feras pas d’honneurs et en même temp j’aurais l’avantage d’être mieux nourri et même mieux coucher en plus de cela mon prêts vat être de 17 f tous les dix jours qu’el bonheur pour vous mes chéries vous pourrez disposer de vos 67 francs car ça va faire 52 francs pour moi par mois j’en ait pas eus toujours autant ce qui vas nous faire en tout 119 francs Je parle bien un peu d’avance mais j’ai toujour bon espoir en tout cas j’ai toujour bien travailler pour y arriver il y en avait qui avait l’air de me charier en me disant tu pourras passer sergent si la guerre continue mais aujourd’hui je pourrai me moquer d’eux a mon tour tout ce que je vous recommande c’est de ne pas vous faire de mauvais sang et de bien vous soigner j’espère que vous pourrez vous soigner maintenant sur votre prochaine lettre vous me donnerez les nouveaux du pays et si le mitron* s’est tiré pour cette fois vous lui donnerez bien le bonjour de m’a part ainsi qu’a tout les amis et voisins.
Tachez donc aussi de m’envoyer l’adresse de Monsieur Terrenoire** pour aujourd’hui je termine et aussitôt que m’a nomination seras faite je vous le direz pour changer mon adresse
Je suis pour la vie votre petit mari et papa qui vous aime et vous embrasse mille fois bien fort.
Morel Gaspard

* le mitron. Son cousin, Antoine Lagnieu. Classe 1898. Boulanger de Lavoine. Mobilisé mais malade, il doit passer en commission de réforme.
** Monsieur Terrenoire. François Terrenoire. Classe 1899. Instituteur de Lavoine, mobilisé depuis peu.

Au 298è Régiment d’Infanterie : 1915 Aisne : plateau de Nouvron [Vingré] (juin) puis secteur de Soissons (mars-août) Vauxbuin, Saconin, Courmelles. Le Chtimiste

Au 298è R.I., dans le secteur de Soissons, sous le feu permanent des canons, les deux frères Claude Morel continuent de souffrir dans les tranchées et s’insurgent.
S’ils n’ont pas l’aisance d’écriture de leur compagnon d’armes le sergent Jean Giraudoux*, leurs pauvres mots suffisent à faire entendre détresse et révolte, mais aussi l’affection portée à leurs proches.

* Sergent Jean Giraudoux (1882-1944). Écrivain. Dramaturge. Rappelé, mobilisé le 3 août 1914, un temps rédacteur du Journal de Marches du Régiment, il a été blessé le 16 septembre 1914, à Vingré.

Lettre de Claude (Le Dode) et Claude (Le Jeune) Morel

En réponse à une lettre de Claudia et Célina du 27 juin.

le 3 Juillet 1915
Cher belle sœur et nies
nous répondons a votres lettres qui nous a bien fait plaisir de savoir de vos nouvelles et en même temp pour vous ens dôner des nôtres qui son toujour bonne pour le moment [ . . . ]
Cher belle sœur et nies nous avons resut une lettres de Bonnet en même temp que la votres et il est toujour en bonne santer lui aussi et Gaspard voilà deux lettres çon lui envoit et pas de réponse on ne c’est pas s’il a resût nôt lettres enfin vous lui dônerent de nôt nouvelles et vous lui dônerent bien le bon jour pour nous
Cher belle sœur et nies nous sommes toujour dans c’est modite trancher a faire toujour les même çonerie on nant temp rien que des fusiades de çanons de tout côter la nuit et le jour c’est bien dur çan même deresten dans une situation parriel si lomtemp.
Enfin espérons que sa finis bien vite pour nous revoir au quel beaux jour pour nous
deux beaux frères et oncles qui vous envoit un grand baisser du plus grand profon de leurs ceur M

Éprouvé par la chaleur et le travail, Gaspard est heureux de pouvoir acheter quelques bidons de vin pour se réconforter. Il joue avec brio son rôle de responsable et en attend une juste récompense honorifique . . . et pécuniaire ! Les pertes humaines d’un récent bombardement seraient limitées.

Le 6 Juillet 1915
[ . . . ] Chères petites je viens de recevoir vos cinq francs j’ai toucher aussi mon mandat et je suis très content davoir un peu d’argent pour acheter quelques bidons de vin car avec le travail et la chaleur qu’il fait l’on est content de trouver un peu de vin autant il fait mauvais vers vous autant il fait chaud ou je suis j’ai toujour beaucoup de travail ce matin je suis été marquer et le reste de la matinée je l’ai passé avec le maire de la commune du capitaine et du lieutenant pour visiter les bois c’est une grande occupation ce soir j’attend des propriétaires pour leurs bois enfin je n’ai pas une minute a moi mais je vous assure que je sui très bien vu de mes chefs et j’espère que j’aurais mon deuxième galon bientôt [ . . . ] ce n’est pas tant au galon que je tiens c’est a la galette enfin j’ai toujours bon espoir pour quand a l’argent quand vous m’en enverrez mettez moi cinq francs dans m’a lettre c’est le moyen le plus simple
Pour quand au bombardement que je vous ait parlé il n’y a eu que deux ou trois hommes de morts ou blessés je ne les connais pas
Chère femme si tu occation de voir le Jean chasseur* demande lui donc l’adresse du Gaspard** [ . . . ]
Mon beau frère André*** m’a écrit lui aussi il se porte bien [ . . . ]

* Jean chasseur. Chasseur : surnom de la famille Barraud du Puy, village de Lavoine. Jean Barraud. Cultivateur, père de Gaspard :
** Gaspard. Gaspard Barraud. Classe 1913. Sergent au 43è Régiment d’Infanterie. Mort pour la France le 23/9/1916 à Combles dans la Somme.
*** beau frère André. André Barret, époux de sa sœur Marie. Classe 1890. Sabotier cultivateur de La Chabanne. Mobilisé au 13è R.I.T.

|Historique du 53è Bataillon de Chasseurs alpins : Alsace. (9 janvier 1915 au 14 mars 1916)
« Le lendemain, 18 juin, [ . . . ] un Bataillon aux ordres du Capitaine Tournade (7è et 8è du 53è ; 1re et 3è du 5è Bataillon) monte à nouveau à l’assaut et atteint tous ses objectifs »
« Les 7è et 8è se sont tout particulièrement distinguées »
« Du 21 juin au 3 septembre, le Bataillon occupe un secteur dans la vallée de la Lauch »
|

Lettre de Bonnet Morel.

En Alsace, son unité, la 8e Compagnie du 53è Bataillon de Chasseurs alpins, a livré, quelques jours auparavant, de très durs combats. Lourd silence, Bonnet n’en dira rien.
Gaston, son petit garçon, est en garde chez sa tante Claudia. Bonnet est heureux de le savoir bien portant.
Mobilisé trop récemment, il ne peut espérer une permission prochaine et souhaite surtout la fin de la guerre.

Vendredi (mardi ?) le 6 juillet 1915
Cher belle sœur et nièce
Je prend un môment pour vous faire réponse a votre lettre qui mas fait un grand plaisir de savoir de vos nouvel et de mon petit Gaston aussi que vous me dite qu’il profite bien et qu’il est si gentil que Je vouderait bien le voir que voilà bientôt huit mois que Je suis partit de mas famille
enfin entendons se heureux jour de délivrance pour se revoir tous en semble avec Dieu et la sainte Vierge. Cher belle sœur et nièce pour quant a moi Je suis toujour en bonne santée et que vous en soyer de même [. . . ]
Cher belle (sœur) tu me demande s’il y a des permission a mon Bataillon
il y en nas departi voilà déjà 8 jour il rentre demain et il en part encore aujourd’hui ils ont huit jour a passer chez eux ceux qu’il sent vont ses les plus anciens qui parte les premier Je ne ses a quant sa sera mon tour car si Je pouvet en avoir une Je serait tres content de vous revoir mais Je vouderait bien mieux la grande permission pour tous enfin il faut espérez qu’il arrive a bientôt enfin Je ne peut pas tout vous expliquer pour aujourd’hui Je finis en vous embrassent tout les deux de tout mon ceur et vous embrasserait bien mon petit gaston pour moi
Votre baux frère pour la vie M B

Autre lettre de Bonnet Morel
Il a reçu des nouvelles de ses frères et a une pensée pour son petit Gaston. Dans les tranchées, la vie est dure, les hommes sont las.

Jeudi le 8 juillet 1915
Cher belle sœur et nièce
Je répond a ta lettre qui mas fait un grand plaisir de savoir de vos nouvel et de mon petit Gaston que tu me dit qu’il est si gentil. Cher belle sœur pour moi Je suis toujpur en bonne santée. Je te dirai que mon frère Gaspard m’as écrit cette semaine il est toujours en bonne santé le Dode et le Claudi mon écrit aussi il son en bonne santé cher belle sœur mas situasion ses toujour la même chose d’être au trancher jour et nuit on se relève tout les trois jour et les trois jour con nas il nous fait travail la nuit et le jour on se repose mais sa nen pêche pas que le canon gronde presque tout les jour enfin ses bien dur quanmême que cette triste guerre dure si lontemp mais tous commence a sa nuyez de voir que sa ne fini pas enfin espéron doncque notre délivrance soit a bientôt. Je finis pour aujourd’hui en vous embrassent de tout mon cœur et un gros baiser à mon petit Gaston pour moi
ton baux frère pour la vie M B

Pour Gaspard, le courrier a repris normalement, sauf peut-être pour les colis. Sa nouvelle fonction de responsable de chantier l’a écarté de ses anciens camarades. La perspective d’une bien courte permission se fait jour.

Le 9 Juillet 1915
[ . . . ] J’ai reçu aujourd’hui vos deux lettres me donnant les renseignements du pays je vous en remercie vous me demandé aussi si j’ai reçu vos cinq francs Je les ai reçus il y a deux jours mais je n’ai pas encore reçu votre colis il pourrait se faire que je le reçoive demain et ausittot que je l’aurai reçu je vous en accuserai réception.
Vous me demandé aussi si j’ai l’occation de voir Pérard* il y a déjà longtemps que je ne l’ai pas vu ni le cousin de Marie Vallas** même que je les avait proposés pour rentrer avec mol mais je ne sais pas ce qui a empêcher mais je crois bien qu’ils sont toujours en bonne santée.
Chères petites amies je vous annonce qu’il y a des permissions d’accordé sur le front pour quatre jours mais hélas que c’est court et il ne part qu’un homme par compagnie et par jour ; un sous-officier par semaine ; un caporal par semaine aussi avant que tous y passe il faut compter 250 jours et dix-huit semaines pour les sous-officiers ou caporaux et comme moi qui suis très loin je n’aurais guère qu’une journée et demi a rester auprès de vous cela n’empêche pas si je peux en avoir une je serais heureux de vous revoir je veux faire la demande un de ces jours seulement il y a une chose avec l’emploi que j’ai je ne sait encore pas si je pourrai partir enfin je ferais mon possible ce ne serait que dans un mois et même plus je serais heureux.
Pour aujourd’hui je ne vois pas autre chose a vous dire [ . . . ]

* Pérard. Claude Camille Pérard. Classe 1895. Maréchal-ferrant de Lavoine.
** le cousin de Marie Vallas. Marie Vallas (1878-1959 ) épouse de Joseph Vallas. Voisins. Cultivateurs du bourg de Lavoine. le cousin ?? du village La Maison neuve.

Lettre de Maria Morel, sur papier à en-tête.

Elle associe au courrier sa fille Eva âgée de 3 ans. Maria est au centre de nouvelles, souvent alarmantes, de ses frères et beaux-frères. Son époux, Jean-Claude Chaussière, infirmier militaire, est mobilisé depuis peu.

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Lettre sur papier à en-tête.

Le 11 juillet 1915
Cher frère et oncle
Je m’empresse à répondre à ta bonne carte [ . . . ] mais hélas comme tu me parle ça n’est guère encor quond aura se grand bonheur de s embrasser de vive voix !
Pourtan maintenant que tous on des permition j’espère que tu aura une et quond aura se grand bonheur mais hélas combien sa serait plus agréable si s’était la délivrance complète espéron que sa soi pluto quond ne le croit car sa commence a être long pour tous je ne peut pas croire que vous passier encor une hiver dans les tranchérs ho vite que sa se termine ses se que je souhaite de tous mon cœur
frère Bonnet à écrit ses jour il et toujour dans une bien mauvaise situation et sans changement
les deux frères Claude aussi toujour dans ses modites trancher Denis* soufre toujour beaucou il et toujour à lyon André** doit être toujour au même endroit aussi voilà deux fois que Je lui écrit les lettres me revienne je ne ses pas pourquoi ses tous de même bien dur de se voir si éloigné les uns des autres Quand a mon Epoux*** il et toujour à la Bourboule il leur et arriver des blessés ses jour !
Je l’attend dans le courant de la semaine à moin de contre ordre pour quelques jours
Mon beau-frère benoit**** et du côté d’arras il et en grand danger y trouve de rien et paye le vin 4fr le litre
Quand à mondière***** il et à l’hopital à Clermont pris d’une bronchite on espère que sa sera pas grave Voila quelques jour que Je n’est pas de nouvelles de Chez nous [ . . . ]
Reçois de ta sœur et nièçe leur baiser les plus doux Chaussière Eva

* Denis. Denis Dépalle, époux d’Annette Morel (sœur de Gaspard). Classe 1907. Sabotier, cultivateur de La Chabanne. Il a été blessé le 18/12/14 à Ypres - Plaie par balle à la jambe gauche. Il sera blessé à nouveau le 05/09/16 - Plaie par baïonnette, puis gazé le 04/10/18.
** André. André Barret époux de Marie Morel (sœur de Gaspard). Classe 1890. Sabotier, cultivateur de La Chabanne. Il a été rappelé, mobilisé le 29/03/15.
*** mon Epoux. Jean-Claude Chaussière, époux de Maria Morel. Classe 1902. Galochier de Ferrières. Rappelé mobilisé le 27/05/1915. Infirmier à l’hôpital militaire de La Bourboule.
**** Mon beau-frère Benoit. Benoît Chaussière, frère de Jean-Claude. Classe 1908. Galochier de Ferrières. D’abord exempté pour faiblesse irrémédiable, mobilisé le 20/01/1915. Blessé le 25/9/15. Mort des suites d’une autre blessure le 18/08/16.
***** Mondière. ??
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Benoit Chaussière (1915)
Archives familiales.
Cette photo a été prise alors qu’il est au 35e régiment d’infanterie, entre le 4 mars et le 26 mai 1915, date à laquelle il passe au 96e d’infanterie.

Le colis attendu n’est pas arrivé. Une permission est toujours à l’ordre du jour, ainsi que la nouvelle promotion de Gaspard. Le 14 juillet a été marqué par un menu amélioré. Un temps exécrable contrarie les travaux dans les bois.

Le 15 Juillet 1915
[ . . . ] Chères petites sur vos lettres vous me demandé si j’ai reçu votre colis je vous direz que nom mais il n’est peut-être pas perdu pour cela car il y a des colis qui trainent jusqu’à trois semaines et le votre pourrez bien faire de même.
Il y a aussi quelques permissions [ . . . ] un homme par compagnie tout les jours un sergent et un caporal tout les huit jours l’on a commencé par les plus vieux gradés moi qu’il n’y a pas encore quatre mois je ne suis pas des premiers a partir mais j’espère partir le courant du mois prochain ça m’a été promis d’ici ce temps j’aurai peut-être des nouveaux galons comme je vous l’ai déjà annoncé mais je donnerai bien tout les galons du régiment et que se soi la classe* mais que voulez vous c’est comme ça
Chères petites amies jusqu’a présent le temp a été très beau sauf les nuits qui sont très fraiches et les moissons sont presques terminées il ne reste que quelques pièces de froment mais subitement la pluie vient de succéder au beau temp voici deux jours qu’il pleut si ça continue ce seras embêtant pour nous dans le bois car ce n’est pas agréable dans les bois quand ça pleut je souhaite que ça ne durera pas mais c’est bien pris.
Sur votre réponse vous me direz si les travaux sont avancés chez nous comme permissionnaire du pays il y a le Dubizet** qui est marié avec la fille du Lila de Ferrières*** qui est partit d’hier
Hier comme c’était le 14 juillet nous avons toucher comme ordinaire cinq quarts de vin cent grammes de jambon confiture de fraise un cigare de deux sous et le café a midi
Chères petites amies au moment ou je vous écrit les hommes sont blottis sous les toiles de tantes et il tombe de l’eau comme ont en vois tomber rarement si ça dure nous sommes pas fiers [ . . . ]

* la classe : argot militaire pour désigner le retour à la vie civile.
** Dubizet. Famille de Ferrières ?
*** Lila de Ferrières. ??

Lettre de Claudia Bigay et Célina.

Leur récolte potagère est particulièrement réussie. Le petit Gaston ne cesse de faire des progrès. Des voisins mobilisés sont venus en permission.

Lavoine le 17 juillet 1915
Cher mari et cher papa
[ . . . ] Cher petit ami hier nous avons reçu ta carte du 11 sur laquelle se trouvait la vue de la gare de Mourmelon-le-petit qui nous a fait bien plaisir de voir que tu es en bonne santé et aussi que sous peu tu viendras nous voir et nous aider à manger nos pommes de terre tout le monde disse que c’est nous qui avons le bouquet des pommes de terre de la commune. Le grand-père se vantait d’en avoir des bien belles mais il a été voir les notre et il nous a dit quelles étaient bien plus belles. Nous espérons bien cher ami de manger des haricots quand tu seras vers nous.
Cher petit papa au moment ou je fais ta lettre, maman est montée en haut et elle a laissé le petit Gaston vers moi au bout d’un petit moment elle est descendue et elle a vu le petit qui était déjà monté à moitié des escaliers et je t’assure cher petit papa que pour son âge il est très fort
il en a pris beaucoup de force depuis que nous l’avons lorsque l’oncle Bonnet reviendra il sera content de voir que son petit est si grand et si dégourdi.
Cher petit ami il n’y a pas grand nouveaux au pays le Jean Tiétier* est revenu en permission, le Jean grand Pierre** a été blessé dans les Dardanelles, il était venu en permission pour huit jours mais il est déjà reparti pour les Dardanelles.[ . . . ]

* Jean Tiétier. (quelquefois prononcé Tchétché) : surnom d’une famille Vallas du village Chez Pion. Jean Mary Vallas, cultivateur. Classe 1904. Mobilisé, rappelé le 4.08.1914. Blessé par balle le 26.09.1914.
** Jean grand Pierre. ??
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Gare de Mourmelon le Petit
Collection J.M

Brève missive de Gaspard, sa charge de travail est bien allégée.

Le 18 Juillet 1915
Chère femme et chère fille
Votre aimable lettre du 13 courant en main je m’empresse de vous écrire deux mots [ . . . ] maintenant j’ai bien moins de travail que les premiers temps j’ai mis des caporaux au courant du travail ce qui fait que je ne m’occupe que de marquer mon bois avec mon Lieutenant nous marquons de deux a trois cent arbres par jours enfin le travail peux bien se faire je ne vois pas grand nouveaux a vous dire pour le moment les copains du pays se portent bien Mondière* et Jean Mary** vous envois bien le bonjour [ . . . ]

* Mondière. ??
** Jean Mary. Jean Fradin, dit Jean Mary. Classe 1896. Cultivateur de Lavoine.

Lettre de Claudia Bigay et Célina.

Les récoltes à Lavoine sont bien avancées. La venue en permission de Gaspard se confirme. L’obscur conflit de voisinage qui a touché les grands-parents aux Bicons provoque encore des réactions.

Lavoine le 18 juillet 1915
Cher mari et cher papa
Nous nous empressons de répondre à ta lettre du 15 [ . . . ]
Cher petit ami chez nous, il fait un temps ni vilain ni beau quant aux travaux ils sont déjà bien avancée pour les gens qu’il y a et si le temps le permet les récoltes se ramasseront toutes.
Cher petit ami nous sommes très contentes de savoir que tu viens nous voir [ . . . ] si tu pouvais nous avertir nous irrions t’attendre à la gare ou bien ou tu nous diras.
Cher mari aujourd’hui dimanche nous avons demandé l’adresse du Gaspard Barraud des Chasseurs* et la voici : Barraud sergent au 43e Régt d’Infanterie secteur postal 143
Les parents des Bicons** sont tous en bonne santé et t’envoient bien le bonjour. La Josephine*** voulait t’envoyer à toi et à moi une lettre de sotises parce que le frère Claude lui a écrit que c’était toi qui l’avait prévenu de ce qui se passait au Bicon mais elle n’a trouvé personne pour la faire.
Allons cher mari et cher petit papa nous ne voyons plus grand chose à te dire [ . . . ] Morel Claudia Morel Célina

* Gaspard Barraud des Chasseurs. Gaspard Barraud. Classe 1913. Sergent au 43è Régiment d’Infanterie. Mort pour la France le 23/9/1916 à Combles dans la Somme.
** Bicons. Lieu-dit de la maison familiale.
*** Josephine. Annette Joséphine Couperier. Épouse de Claude Morel dit Le Dode.

Lettre de Bonnet Morel.

Dans les tranchées, ses pensées vont vers son petit garçon. Les dernières nouvelles de ses frères sont bonnes.
Il espère la fin des combats.

Dimanche le 18 juillet 1915
Cher belle sœur
Je prend un môment técrire ses deux mots pour te faire passer de mes nouvel que Je suit toujour en bonne santtée et Je désire que vous en soiyer de même inssi que mon petit gaston si souvent que Je pense a lui
cher belle sœur mon frère Gaspard mas ecri ses jour passer il était en bonne santée le Dode et le Claudit mon ecrit hier il son en bonne santée et il me parle qu’il y a des permision et qu’il y en n’a de partir dans mon Bataillon on nas parle pour les plus encien [ . . . ] enfin ses toujour pour en courager les hommes mais il fauderait la grande permission qui devrait nous donnez enfin espéron qu’il arrive à bientôt. cher belle sœur mas situassion ses toujour la même dêtre en fâce des boches J’ai fini en attendant de vos nouvel. Ton baux-frère qui vous embrassent de tout mon cœur et un gros baiser a mon petit gaston pour moi et nièce
M B.

Gaspard va avoir la responsabilité d’un chantier d’abattage supplémentaire. Il escompte cependant avoir la permission espérée. Les cinq francs attendus lui sont bien parvenus, mais pas encore le colis.

Le 19 Juillet 1915
Chère femme et chère fille
Je répond a votre lettre du 14 courant [ . . . ]
Ce matin j’ai fait une belle promenade dans les bois Je suis aller reconnaître une forêt pour mettre une autre équipe en travaille ce seras des artilleurs qui vont faire l’exploitation demain matin je dois aller les mettre en chantiers cela me feras deux chantiers a surveiller les deux chantiers vont être a 7 a 8 kilomètres de différences mais je fait le parcours en bicyclettes sans cela mais chères petites je ne pourrai pas venir a bout pour la permission que vous me parlé j’ai bien espoir d’en avoir une mais il faut que j’attende mon tour peut-être que ce seras bientôt et puis c’est la question de me remplacer qui m’embête enfin soyez tranquilles je suis a peu près sur d’en avoir une pour les cinq francs que vous m’avez envoyé je dois vous avoir dit que je les avais reçu en deux fois j’ai reçu cinq francs et c’est le plus pratique si vous voulez m’en envoyer c’est comme ça qu’il faut faire [ . . . ] il n’y a que le colis que je n’ai pas reçu je pourrai des fois le recevoir aujourd’hui ou demain
Chères amies je suis heureux d’apprendre que vous avez de belles pommes de terre c’est déjà beaucoup pour votre ménage il fait un temp superbe pour le moment c’est très chaud le jour mais les nuits sont très fraiches.
Vous donnerez bien le bonjour au parents et amis
Je termine pour le moment le vaguemestre va partir [ . . . ]

Lettre de Bonnet Morel

Toujours dans les tranchées, il se réjouit d’avoir de bonnes nouvelles, en particulier de son petit Gaston. Il redit son souhait de voir la fin de la guerre.

Mardi le 20 juillet 1915
Cher belle sœur
Je fait réponse a ta lettre qui mas fait un grand plaisir de savoir de vos nouvel et de mon petit gaston pour quand a moi Je suis toujour en bonne santée. cher belle sœur mas situassion et toujour la même Je te dirai que sa ne fait pas bien chaud [ . . . ] enfin espéron donc que cette triste guerre finise a bientôt car ses bien long pour tous.
cher belle sœur mes deux frère mon ecrit la semaine passer il sont en bonne santée mais voilà quelque temp que mon frère Gaspard mas pas ecrit Je pense bien qu’il est en bonne santé lui aussi. cher belle sœur Je suis tres content que mon petit gaston est si gentil et quil vous amuse bien moi aussi Je serait tres content de le voir inssi que toute la famille mais esperon avec Dieu et la Sainte Vierge que sa viendra un jour con sera délivré de cette painible guerre. Je fini en atendent de vos nouvel ton baux frêre qui vous embrasse de tout mon cœur et un gros baisser a mon petit gaston. M B

Lettre de Célina

Sa maman, Claudia, est allée aider un voisin pour la fenaison. Elle manque l’école pour garder le petit Gaston.
Quelques voisins sont venus en permission, mais celle de son père fait l’objet de toutes les attentions !

Lavoine le 20 juillet 1915
Cher petit papanouce
je m’empresse de te transmettre ces deux mots pour répondre à ton aimable carte du 14 [ . . . ]
Cher papa aujourd’hui mardi je ne vais pas en classe car maman est allé au foin pour le Blondin* et hier aussi elle y était nous avons retrouvé le beau temps [ . . . ]
L’on nous a dit que le Nély des Murs**, celui que tu ne savais pas au 104, était venu en permission et si nous l’avions su plus tôt nous y serions allé pour demander des nouvelles. Le Jean Pérard*** est venu en permission pour huit jours. L’Antonnin du Jean Basmaison**** est reparti ce matin et ça lui savait bien mal.[ . . . ] Cher petit papa Je ne vois plus grand nouveau au pays . Le cousin Mitron, la cousine Francine, Madame Terrenoire, les voisins Vallas se joignent a nous pour te donner bien le bonjour. Tous les jours cher petit papa les gens disent qu’ils rèvent que tu es venu en permission. Hier encore le cousin Mitron est venu voir si s’était vrai et il nous a dit qu’il y avait révé. Madame Terrenoire aussi et les Vallas aussi nous l’ont demandé. Enfin cher petit papa tout le monde sont content que tu viennes en permission.[ . . . ]

* Blondin. Surnom de la famille de Mathieu Mondière, cultivateur du Bourg de Lavoine.
** Nély des Murs. Antoine Nély. Sabotier. Classe 1907. Rappelé, mobilisé le 4 août 1914. Les Mûres : village de La Guillermie.
*** Jean Pérard. Jean Pérard. Classe 1903. Maréchal-ferrant de Lavoine.
**** Antonnin du Jean Basmaison. Antonin Basmaison, fils de Jean et Michelle Nelly. Classe 1916. Cultivateur de Lavoine. Mort pour la France le 09 avril 1916.

De retour de tournée d’inspection, Gaspard est pressé. Courte réponse à la lettre du 17 juillet.

Le 21 Juillet 1915
[ . . . ] Chères petites femmes
Je viens de recevoir votre aimable lettre du 17 courant (ci-dessus)
Je ne vous tiendrez pas longtemps aujourd’hui en conversation car je viens d’arriver de ma tournée journalière il est onze heures je n’ai pas encore mangé la soupe et si je veux vous répondre il faut que je le fasse avant de manger car le courrier va partir [ . . . ] ce soir si j’ai le temp je vous ferai une petite lettre allons chères amies courage et de la patience cette modite guerre finira peut-être bien [ . . . ] Bonjour a tous les amis et parents [ . . . ]

Lettre de Claudia et Célina

Elles transmettent des nouvelles de voisins permissionnaires, trop souvent il s’agit de blessés ou décédés !
La modeste activité d’aubergiste de Claudia transparaît dans ses propos.

Lavoine le 21 juillet 1915
Cher mari et cher papa
A l’instant nous venons de recevoir ta lettre du 17 courant [ . . . ]
Cher petits ami nous sommes très contentes de savoir que tu as reçu tes 5 francs au moins si tu en as besoin tu t’en servira. Quant à ton colis nous l’avons expédié le 30 juin par la gare et cela nous étonne bien que tu ne l’ais pas reçu il n’a pourtant pas resté à Lavoine car cher papa j’ai vu que la cheffesse de gare le donner au chef de train.
Cher ami aujourd’hui nous avons appris que le Jacques le charron de Ferrières* avait été blessé et qu’un des fils de la Blanc épicier** était mort. Le Matthieu Barraud du petit Louis*** est revenu en permission pour 15 jours il nous a bien demandé de tes nouvelles et de te donner bien le bonjour. Le père des petites qui mangent la soupe a été blessé au genou la blessure va mieux [ . . . ] Le mari de la Nélie de la Bine**** qui avait resté chez nous a été blessé à une jambe.[ . . . ] Morel Claudia Morel Célina

* Jacques le charron de Ferrières. Jacques Thévenet. Classe 1901.
** un des fils de la Blanc épicier. ??
*** Matthieu Barraud du petit Louis. Matthieu Barraud, fils de Louis, cultivateur de Lavoine. Classe 1898. Mobilisé au 104è R.I.T.
**** Le mari de la Nélie de la Bine. ??

L’organisation de la proche permission n’est pas simple. Gaspard apprécierait d’être accompagné par un « pays ». Il prend ses distances face au différend avec sa belle-sœur Joséphine.

Le 23 Juillet 1915
Chère femme et chère fille
Je répond a votre lettre du 18 Juillet (ci-dessus) [ . . . ]
au moment ou je fait votre lettre il tombe de l’eau a pleins temp je ne suis pas allé au bois ce matin car il faisait trop mauvais.
Chères petites femmes vous me dites sur votre lettre de vous dire le jour que j’irai en permission ce n’est pas facile car je ne sait pas a quand ce seras nous autres l’équipe de Bûcherons nous ne partons pas avec nos compagnies l’on vas nous faire partir a part je viens de l’apprendre a l’instant le temp me dure bien de ne pas partir car vous ne croiriez jamais combien je serez heureux de faire un tour auprès de vous enfin le jour viendra bien c’est bien beau parait-il de faire un tour chez soi mais c’est bien pénible il faut compter trois jours et même plus de chemin de fer il faut se nourrir cela fait une dépense mais n’importe je ferez mon possible pour aller vous voir.
Mondière* et Jean Mary** voudrait bien eux aussi aller faire un tour je voudrez bien qu’il en ait un du pays quand je partirai le temp dure moin.
Vous me dites aussi que Joséphine*** veux m’envoyer une lettre de sottise mais laissé l’a donc faire cela ne me gêne guère cela ne prouve pas son intelligence car si elle avait resté rien que une heure sur le front a la place de ceux qui y sont et voir pendant cet heure ce qu’eux vois elle serait peut-être plus douce elle ne serait pas si agitée. Enfin ne parlons pas de ça songeons a la délivrance. [ . . . ]

* Mondière. Jean Mondière ??
** Jean Mary. Jean Fradin dit Jean Mary. Classe 1896. Cultivateur de Lavoine.
*** Joséphine. Annette Joséphine Couperier. Épouse de Claude Morel dit Le Dode.

Lettre de Claudia et Célina.

A Lavoine, c’est la pleine fenaison un peu contrariée par un orage. Quelques nouvelles de mobilisés ou prochainement mobilisables rappellent l’emprise de la guerre. Des « douceurs » sont mises de côté pour la proche permission de Gaspard !

Lavoine le 23 juillet 1915
Cher petit mari et cher petit papa
Nous nous empressons de répondre à ta lettre du 19 courant (ci-dessus) [ . . . ]
Cher mari hier je suis allée au foin pour le Mathieu* mais aujourd’hui je n’y vais pas car il ne fait pas beau celà ne durera peut-être pas parce que ce n’est qu’un orage mais malgré cela les gens ne peuvent pas travailler le foin ce matin il n’a pas plut tout de suite ce qui fait que les gens ont put ramasser le foin qui était sec d’hier et mettre en tas celui qui n’était pas tout à fait sec. Le Mathieu* aurait fini cette semaine si ça ne pleuvait pas, sur l’eau** aussi n’en aurait pas bien laissé pour la semaine prochaine et beaucoup d’autres avec.
Cher petit ami hier le facteur nous a apporté notre allocation et un de ces jours nous t’enverrons 5 francs dans une lettre.
Sur l’eau** était bien resté 15 jours sans nouvelle du Claude** mais hier ils en ont reçues et il est toujours en bonne santé il est toujours en Belgique.
Le cousin Mitron*** n’a encore pas reçu sa feuille pour partir [ . . . ] ceux de la classe de 17 ans non plus n’ont pas encore reçu les leurs. Monsieur Ternoire**** est toujours à Roanne.
[ . . . ] Pour ton arrivée nous te conservons une bonne salade et une bonne douzaine d’œufs très frais que tu pourras biber. [ . . . ] Morel Claudia Morel Célina

* Le Mathieu. Mathieu Barraud. Classe 1898. Cultivateur de Lavoine.
** Sur l’eau. Claude. Sur l’eau. Surnom d’une famille, lire « sur l’or ». Claude Mondière. Classe 1907. Cultivateur de Lavoine, fils d’Antoine.
*** Le cousin Mitron. Son cousin, Antoine Lagnieu. Classe 1898. Boulanger du Bourg de Lavoine.
****Monsieur Terrenoire. François Terrenoire. Classe 1899. Instituteur de Lavoine, Mobilisé depuis peu.

Gaspard commet un lapsus en écrivant Francine pour Célina. Sa charge de travail a augmenté, faute d’eau potable, quelques bidons de vin le réconfortent. En prévision des dépenses de trajet pour venir en permission, un peu d’argent serait nécessaire.

Le 24 Juillet 1915
[ . . . ] Chère petite (Francine prénom rayé) Célina
Aussitôt le reçu de ta lettre (20 juillet) je m’empresse de te faire réponse [ . . . ] je vois que vous êtes très courageuses que Dieu vous conserve ce courage pour moi je suis toujour en bonne santée et j’ai toujour mon même turbain au contraire j’ai trois équipes de plus a surveiller une du 26e D’artillerie une du 31e l’autre du 46e en plus la 8e compagnie [ . . . ] la marche que j’ai a faire tous les jours et mon bois a marquer c’est bien pénible heureusement que je trouve quelques bidons de vin a acheter cela me donne un peu de forces l’on ne peus pas boire de l’eau elle est plus rare que le vin et d’abord elle ne vaut rien.
Pour ma permission dont vous me parlé je pense bien partir un de ces jours si vous pouviez m’envoyer un peu d’argent de suite car en route l’on ne sait pas ce que l’on peux avoir besoin enfin le jour que je partirer je vous avertirais
Chère petite Célina ne fait pas attention si j’ai mis en tête de m’a lettre Francine* c’est le nom de ta pauvre petite sœur je ne l’oublie pas et j’y pense souvent elle prie Dieu pour nous tous.
Allons ma chérie espérons que les rêves de nos amis se réaliseront [ . . . ]
Embrasse bien la chère petite maman pour moi et le petit Gaston aussi [ . . . ]
J’espère que vous serez contentes que je vous renvois vos lettres** comme ça vous verrez si je reçois toutes les lettres que vous m’envoyez

* Francine. Fille aînée de Gaspard décédée à sept ans en 1907.
** Gaspard écrit au verso des lettres reçues.

Carte de Bonnet Morel à son frère Gaspard.

Bref envoi de nouvelles, simple signe de vie et d’affection.

Samedi le 24 Juillet 1915
Cher frère Je técrit ses deux mots pour te faire passer de mes nouvel que Je suis toujour en bonne santée et Je désire que tu en soit de même et en même temp que tu me donne de tes nouvel pour quant a moi ses toujour du même que sa fait un temp pas bien chaud cher frère j’ai sut des nouvel des parent ses jour ci il sont en bonne santée
Je fini ton frère qui tembrassent de tout cœur. M B

Lettre de Claudi et de Dode Morel.

Leur éprouvant séjour dans les tranchées se poursuit, en attendant la fin de la guerre, ils espèrent une prochaine permission.

Le 24 juillet 1915
Cher belles sœur et nies
[ . . . ] Cher belles sœur et nies nous sommes toujour dans les trancher et toujour a la même plasser et nous fessions toujour le même boulôt et nous ne savons pas cantesse quil va finir ce . . . (?) de maitiers on ni trouve rudement lons enfin esperrons que sa finirra bien un jour et petetres plutôt que lon neçrois mais il faudrait bien
Cher belles sœur nous avons ecrit a Gaspard voilà déjas quelque jour il nous a pas fait réponse encore.
pour les permissions il y anna mais les çonvoix son pas fort a la fois il y an na partis que 7 par compagnie en deux fois et notre tour a rivera bien tôt mais on ne peux rien dire encore tant çons n’est pas partis [ . . . ]
Cher belles sœur je suis aubliger de finir pour aujourd’hui car on nest aubliger de partir au boulôt. [ . . . ]
vot deux beaux frères et oncles pour la vie Morel
tu tait tromper dadresse c’est 20è compagnie 2è section nous sommes tout les deux en sembles

La venue en permission de Gaspard se précise. Une perte malencontreuse le pousse à renouveler une demande d’aide financière.

Le 26 juillet 1915 (Réponse sur la lettre du 21)

Bien chère femme et chère fille
[ . . . ] Chères petites amies aujourd’hui je viens de classer les hommes qui sont avec moi pour partir en permission le Mondière va partir le 7 Août le Jean Mary le 13 septembre et moi je n’en sais rien c’est a dire que je peux partir quand je voudrais seulement j’aime mieux que les hommes partent avant moi j’avais envie de partir pour le 15 Août* mais comme la fête seras cette année comme l’année dernière je partirai avant le 15 je vous écrirai le jour peut-être ce seras comme Mondière**
envoyez moi donc un peu d’argent pour faire m’a route Je n’ai pas eu de chance j’avais mis deux billets de cinq francs dans mon calepin [ . . . ] il m’en manque un [ . . . ] c’est bien malheureux mais que voulez vous je ménagerai un peu plus.
Si vous m’envoyez de l’argent envoyez moi une lettre recommandée pour le colis que vous m’avez envoyé je ne l’ait toujour pas reçu.[ . . . ]
Voici 10 jours que Mondière n’a pas reçu de nouvelles le temp lui dure beaucoup [ . . . ]

* 15 Août. Jour de la fête patronale de Lavoine. Festivités sans doute annulées pendant la guerre.
** Mondière. ??
Arrêt sur image : saisissant rapprochement !

En quête d’illustration sur les sites où la guerre a entraîné les frères Morel, je découvre une carte postale rédigée en allemand. Ce même jour 26 juillet, mais de l’autre côté de la ligne de front dans le secteur de Soissons, face aux deux Claude Morel, Paul Gall, un soldat allemand tente d’ouvrir une correspondance avec une jeune fille.

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La lettre de Paul



Se conjuguant avec les aléas de la transcription et les anachronismes, s’impose sans doute l’habituel constat : traduire c’est trahir !

Le mois suivant, arrivés à Pontavert, les deux frères ne seront séparés de cet ennemi que par quelques kilomètres. Ils sont postés là pour s’entre-tuer et pourtant leurs pensées vont ailleurs. Paul est-il rentré indemne ?

|Positions du 298è Régiment d’Infanterie en 1915 : Aisne : plateau de Nouvron [Vingré] (juin) puis secteur de Soissons (mars-août) Vauxbuin, Saconin, Courmelles, Aisne (sept. oct.) : Pontavert puis Soissons). Source : Le Chtimiste.
J.M.O du 298è R.I. : « 27 août . Le régiment est enlevé en automobile, départ de Noyant [Noyant-et-Aconin] à 5h30.|

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Périples des frères Morel

Dans la Marne, la météo est changeante mais les récoltes satisfaisantes. La préparation de la venue en permission se poursuit, l’affaire n’est pas simple.

Le 27 juillet 1915
Chère femme et chère fille
Je répond a votre aimable lettre ci-jointe (23 / 07) [ . . . ]
Chères amies vous me dites qu’il ne fait pas bien beau chez nous c’est bien la même chose ou je suis le temp n’a pas de tenu un jour il fait beau a ne pas pouvoir y tenir le lendemain c’est la pluie pour les orages il en fait point ou presque point dans certains endroits les récoltes ne sont pas mauvaises l’on sème froment orge et avoine pas beaucoup de pommes de terres il ne reste que lavoine a moisonner.
Chères petites amies mon travail devient bien moins pénible je ne fait plus que marquer et a surveiller un peu mais ça durer quelques temp je n’avais pas engraisser.
Mes chéries vous seriez bien aimable de me dire les heures des trains de Vichy a Lavoine il y en a qui disent qu’il y a que trois train par semaine si je m’envai en permission et qu’il faille marcher jusqu’à Lavoine* ce seras bien long enfin renseigné moi donc de suite
Chère femme et chère fille comme je vois les récoltes vont être plus tot rentrés cette année que l’année dernière vous avez du en mettre tous comment sur l’eau** ont put faire et quels sont leurs ouvriers.
Allons mes chéries nous causerons mieux un de ces jours Je dit un de ces jours s’il n’y a pas de changement car dans l’armée c’est vite changé
mais j’ai toujours bon espoir en attendant vous donnerez bien le bonjour aux parents et amis ainsi qu’au voisin Vallas [ . . . ]

* Trajet Vichy-Lavoine : 32 km.
*** Sur l’eau. Surnom, lire « sur l’or ». Famille d’Antoine Mondière. Cultivateur de Lavoine.

La perception d’un mandat est reportée, un colis égaré ? Sauf contre-ordre, le départ en permission est proche.

Le 30 juillet 1915
Chère femme et chère fille Je répond a votre aimable lettre du 25 courant [ . . . ]
Chères petites amies j’ai reçu votre mandat de 10 francs mais je ne crois pas le toucher avant de m’en aller en permission car j’espère arriver a Lavoine dimanche (8 août) dans la journée vous ne me ferez pas réponse a cette lettre car je ne pourrai pas voir votre réponse
Donc a Dimanche en cas de contre-ordre je ne vous entrediendrez pas longtemps pour aujourd’hui je n’ai pas le temp
Mes chères petites je n’ai pas encore eu de nouvelles de votre colis je le considère comme perdu.
Allons bon courage et a dimanche [ . . . ]

Après dix mois d’une séparation douloureuse, le projet d’une permission devient réalité pour Gaspard. Départ imminent, il reste à préciser les modalités de la dernière étape Vichy-Lavoine (32 km).

Le 6 Août 1915
Chère femme et chère fille
Il y a aujourd’hui trois cents quinze jours que je vous ait quitté pendant cette longue espace mon cœur n’a cessé de soupirer en ayant le regard et la pensée tournée vers vous je les ai trouvé bien long ces trois cent quinze jours.
Eh bien mes chéries aujourd’hui je vais m’embarquer pour aller vous rejoindre s’il y avait eu un train de Vichy a Lavoine le matin je serais arriver a L vers vous a neuf heures du matin dimanche (8 août) car j’arriverais a Vichy a cinq heures du matin si je n’ai pas de train je prendrai une byciclette mais il y a Mondière* qui seras avec moi et lui ne sait pas monter enfin je vais me renseigner peut-être que je passerai par Lapalisse [ . . . ]

* Mondière. ??

Claudi le Jeune a, lui aussi, bénéficié d’une permission.

Carte de Claudi Morel : le 10 Août 1915
Cher belle saure je mans prese a tecrire [ . . . ] pour te dire que j’est fait un bon voyage le voyage été très bon mais seulement on eu beaucoup de chaleure pour revenir en fin sa ses bien paser qu’an même j’est rentrer verre 5 heure du soir je te direz que le régiment été en repos pour quelque jours Cher sœur tu me dirai si mon frère* est venu en permision je fini ses deux mot pour aujourd’hui en tembrassent de tou mon cœur ton frère pour la vie Claude Morel

* mon frère : Gaspard.

Heureux de sa courte escapade, Gaspard est de retour dans son unité.

Le 15 Août 1915
Chère petite femme et fille
Je suis arrivé ce matin a 7 heures du matin en très bon port et en bonne santée j’ai trouvé tous les copains en bonne santée aujourd’hui je me suis reposer toute la journée je suis heureux d’avoir fait cette petite tournée maintenant le temp me durera moins et j’espère que nous aurons pas pour longtemp de cette maudite guerre Bonjour a tous les parents et amis. [ . . . ]

Gaspard a repris ses fonctions. La séparation lui pèse à nouveau, l’attente du courrier redevient pressante.

Le 17 Aout 1915
Bien chère femme et chère fille [ . . . ]
vous savez que j’étais bien enrhumé quand je suis partit et même dans le train j’étais mal a mon aise eh bien mes amies le lendemain que je suis été arrivé je suis été guérit et je me porte a merveille pourvu que ça continu j’ai repris mon même travail qu’auparavant nous sommes toujours les mêmes je suis arrivé dimanche matin au cantonnement vous devez avoir reçu m’a lettre que je vous ait envoyé en arrivant tout ces temp ci il a tomber de la pluie mais le temp s’est remis au beau.
Chères petites amies tant que je n’aurais pas reçu de vos nouvelles
écrivez moi donc bien souvent le temp me dure déjà de ne plus vous revoir les jours me paraisse des semaines les nuits je rêve tout le temp que je suis auprès de vous ah ce bonheur a été bien court mais espérons qu’avec l’aide de Dieu nous ne resterons pas longtemps sans nous revoir qu’el bonheur d’être auprès de celles que l’on aime.
J’espère mes chéries que vous ne vous ferez pas de mauvais sang et que vous vous soignerez bien c’est tout mon plus grand désir de vous savoir en bonne santé [ . . . ] Dites moi si vous avez fait un bon voyage*.

* Claudia et Célina l’ont sans doute accompagné jusqu’à Vichy ?

A mots couverts, Gaspard laisse entendre qu’une importante opération militaire se prépare, toutefois il n’y serait pas mêlé. Il rêve déjà d’une nouvelle permission.
Gestionnaire familial avisé, il suggère une discrète petite opération commerciale.

Le 19 Août 1915
Chère petite femme et chère fille [ . . . ]
Si vous saviez mes chères petites combien le temp me dure de ne pas savoir de vos nouvelles et en même temp de savoir si vous avez fait bon voyage pour moi je suis toujours occupé a mon même travail [ . . . ] en tous cas il y aura du changement avant huit jours je ne peux pas vous donner d’explications mais soyez tranquilles je ne crois pas que je participe a rien de ce qui vas ce passer et ne dites rien que Dieu aide la France et ses Français
j’ai bon espoir sur ce qui va se passer mais je vous le répète ne craignez rien je ne suis pas en danger.
Chères petites femmes en ce moment je ne peux pas vous causer de vive voix vous dire que je marque du bois vous le savez en même temp
rien ne me manque en ce moment vous pouvez être tranquilles il n’y a que vous mes chéries mais il faut espérer qu’a la prochaine permission elle seras plus longue et vous serez toutes a moi et moi a vous.
Soignez vous donc bien surtout il faut bien manger c’est le principal.
Chère femme au sujet de tes pommes de terre comme tu en a beaucoup si elles sont si chers comme tu me disait et que tu puisse avoir le tuyau pour les passer fait les arracher et n’en dit rien a personnes tu auras davantage de bénéfice que d’acheter un cochon et elles te feront un bon peu d’argent enfin tu verras.[ . . . ]

Le 20 août, pour Claudia et Célina le lien épistolaire est rétabli, tandis que Gaspard se morfond.

Lettre de Claudia et Célina

Lavoine le 20 Août 1915
Cher mari et cher petit papa
Nous venons de recevoir ta carte lettre dattée du 15 courant qui nous a fait un plaisir infini de savoir que tu es arrivé en bonne santé et que tu n’as pas changé d’endroit. Cher petit ami nous deux nous sommes arrivées à Lavoine à la nuit et comme tu dois t’en douter ça nous a était bien dur de rentrer sans toi mais enfin c’est comme ça et espérons que dans sous-peu nous irons t’attendre. Cher petit ami les huit jours que nous n’avons pas eu de nouvelles nous ont duré un an.
Dimanche Antonin Barraud* nous a apporté une photographie et nous te l’envoyons avec notre lettre nous espérons bien que tu la recevra dans sous-peu.
Cher petit mari et papa les nouveaux du pays sont toujours à peu près les mêmes. Tout ce que nous avons de plus a te recommander c’est de ne pas te faire de mauvais sang car tu as bien vu que nous ne sommes pas malheureuses. Dimanche Monsieur et Madame Terrenoire sont venus et ils ont été bien attrapés de voir que tu étais reparti [ . . . ] Morel Claudia et Célina Morel

* Antonin Barraud. Classe 1914. Instituteur public. N’est pas mobilisé.

Le 20 Août 1915
Chère femme et chère fille [ . . . ]
Je n’ai pas encore reçu de vos nouvelles et le temp me dure beaucoup vous auriez du m’écrire de suite au moins le surlendemain que je suis été parti je crois que vous êtes malades ou bien vous êtes brouillées qu’esque je pourrai donc vous avoir fait enfin écrivez moi je vous en prie car c’esy pénible pour moi de ne pas savoir de vos nouvelles.
Je suis toujours au même endroit et je crois que nous ne bougerons pas d’où nous sommes et je souhaite que nous puissions y rester
Enfin mes chères petites Je ne vois pas grand nouveaux a vous dire pour aujourd’hui vous donnerez de mes nouvelles a tous les parents et amis.[ . . . ]

Lettre de Bonnet Morel

Il se dit très ému par la réception d’une photo de la famille. Il a reçu des nouvelles de ses frères bénéficiaires d’une permission. Quant à lui, en Alsace, huit jours de repos lui ont permis d’apprécier la boisson locale, avant de remonter dans les tranchées sous la pluie.

Lundi le 23 août 1915
Cher belle sœur et nièce
Je fait réponse a ta lettre qui mas fait un grand plaisir de savoir de vos nouvel et de mon petit qui toujour genti et pour te donnez des miennes que je suis toujour en bonne santée [ . . . ]
Cher belle sœur Jeanne mas envoyer la carte que vous ettes fait fotografié tout les sept que je suis était si content de vous voir que j’ai trouvez mon petit Gaston si gentil et que vous étté tous bien tirer que Je vous est embrasser si de cœur que Je n’est put m’artenir de pleurait enfin avec la pacience sa viendera bien un jour pour sant brasser et se revoir plus depré et se causer de vive voix tous ensemble.
Cher belle sœur mon frère Gaspard mas écri aujourdehui il est tre content de son voyage pour voir la famille. moi Je ne ses pas a quant Je n’aurait une
mon frère Dode mas écri aussi qu’il a etait en permision et que mon frère Claudit se penser de y aller a bientôt
Cher belle sœur Je suis était au repos pour huit jour on ais bien passer on na bût des bon coup de bierre de lalsace
Je suis remonter hier par la pluie qui a tomber toute la matiner mais la situation ses plus la même au trancher et vivement que sa finisse enfin Je ne texplique pas tout atendon se jour de délivrance pour se causer de vive voix
Je fini en atendant de vos nouvel et de mon petit et les nouveaux du pays [ . . . ]M B

Lettre de Claudia et Célina

A Lavoine, le beau temps favorise moisson et lessive. Quelques jeunes voisins viennent d’être mobilisés.

Lavoine le 23 Août 1915
Cher mari et cher papa [ . . . ]
Cher ami chez nous il fait un temps splendide pour les moisson depuis le jour de ton départ il n’a pas tombé une goutte d’eau ; aujourd’hui cher petit ami je fais la lessive et si demain il fait beau comme aujourd’hui je l’aurais parfaitement bien réussi. Tu donneras bien le bonjour à Mondière* de notre part et tu lui diras que ses parents se portent bien qu’ils ont fini de rentrer le blé nous les voyons tous les jours au champ tu donneras bien le bonjour à Jean Mary**.
Le Gaspard du Beduche*** à reçu sa feuille pour partir il va à Nice dans les Alpes Maritimes les deux petits Brodé**** aussi ils vont ensemble à Montluçon.
Bien cher petit ami nous ne voyons plus grand nouveau à t’annoncer tout ce que nous souhaitons c’est que tu ne te fasses pas de mauvais sang que tu es une bonne santé et que cette maudite et terrible guerre soit bientôt finie [ . . . ] Claudia Morel Célina Morel

* Mondière. ??
** Jean Mary. Jean Fradin, dit Jean Mary. Classe 1896. Cultivateur de Lavoine.
*** Gaspard du Beduche. Gaspard Blettery. Classe 1915. Charpentier de Lavoine, incorporé le 08/09/1915
**** deux petits Brodé. Brodé ou Broda, surnom de la famille Desvernois de Lavoine. Antoine Desvernois. Classe 1913 et Denis Desvernois. Classe 1915.

Dans le secteur où se trouve Gaspard, les préparatifs d’une nouvelle offensive s’intensifient. Tout à la joie d’avoir enfin reçu du courrier, il fait silence sur les combats en cours, pourtant sa compagnie est sous le feu ennemi.

|Historique du 104e R.I.T. : « Le 24 août au soir, on commence sur tout le front du secteur, devant Auberive, les travaux d’approche en vue de l’offensive prochaine. Le 1er Bataillon, préalablement rassemblé au bois de la Fourche, y participe en entier. Les 1re et 2e compagnies creusent, au cours de la nuit, deux boyaux et un élément de tranchée sans éprouver aucune perte malgré le bombardement et le feu des tranchées ennemies situées à 200 mètres de là. »|

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1916 Auberive en ruines après les tirs d’artillerie français.
(collection JM)

Le 24 Août 1915
Bien chère femme et fille
Je ne saurai jamais vous exprimer la joie que j’ai éprouvé en recevant votre aimable lettre accompagnée de la photographie qui me feras m’a distraction. Oui je suis été content car j’ai resté 12 jours après le départ de m’a lettre sans nouvelles de vous et je commencer a me faire un mauvais sang terrible vous ne devez pas ignorer que le temp dure quand l’on tarde si longtemp sans recevoir de nouvelles de ceux ou de celles que l’on aime.
Chères petites amies je me porte toujours bien pour le moment [ . . . ]
Bien chères petites
j’ai fait ma lettre trop matin c’était a peine clair voyez j’ai écrit du mauvais côté le mal n’est pas irréparable je vai utilisé une enveloppe bien le bonjour a tous les parents et amis
Célina m’a acheté des cartes avec timbres au Mayet je vais vous les renvoyer elles pourront vous êtres utiles et a moi c’est de l’argent perdu*

* Il bénéficie de la franchise militaire.

Lettre de Claudi Morel

Claudi a rejoint son unité depuis quelques jours. Bien qu’au repos, les exercices épuisants ne leur sont pas épargnés.

Le 25 août 1915
Cher belle sœur et nies
Je fait réponse à vôtres aimables lettres qui nous a bien fait plaisir [ . . . ]
cher belle sœur tu dit que mon frère arent etens bien content de passer sa permission en même temp que moi et moi aussi esperrons que la grande viene bien vite pour nous revoir tous ensembles
cher belle sœur nous sommes au repôt de puit quelque jour [ . . . ] le repôt çon na il nous fons faire des 20 a 25 Kiomètre par jour et il fait bien chaux [ . . . ] vivement que sa finis çar tout le monde an non asait.
cher belle sœur je nent pas le temp maitre plus lons pour aujourd’hui [ . . . ] Morel

Gaspard se veut rassurant quant à sa santé, cependant ses dents le font souffrir.

Le 26 Août 1915
Bien chère femme et chère fille
[ . . . ] Chère femme et chère fille vous me dites sur votre lettre que vous craignez que je soi toujour malade mais soyez tranquilles je vous dis la vérité je suis tout a fait bien portant il y a que les dents qui me font mal de temp en temp mais si ça continue je les ferez arracher car il y a des bons dentistes je demanderai pour aller a Châlons mais je n’y tient pas beaucoup [ . . . ] rien ne me manque que vous mais comme je vous ait en photographies cela me console un peu.
Pour le moment il fait un temp splendide ça fait chaud comme il n’a pas encore fait de l’année tachez donc de vous soignier du mieux que vous pourrez en attendant qu’il vienne des jours meilleurs [ . . . ]

Gaspard a repris ses fonctions et déjà se résigne à passer un nouvel hiver au front alors que l’été s’achève.
Réponse à la lettre du 23 août.

Le 28 Août 1915
Chère femme et chère fille
[ . . . ] les camarades du pays se portent tous bien aussi il n’y a aucun changements de situation pour le moment je fais toujour mon même travail et maintenant je comprend très bien que nous resterons l’hiver
tâchez de ne pas vous en faire de mauvais sang nous n’avons qu’a y prendre du bon côté.
Chères petites c’est dur mais que voulez vous il y aura peut-être bien une fin tout ce que je désire c’est de m’en tirer sain et sauf. Aujourd’hui il a fait un grand orage mais ça n’a pas duré mais je crois que les grandes chaleurs sont finies encore heureusement que les récoltes se ramassent bien c’est déjà une bonne chose.

A Lavoine, Claudia prépare des conserves. Un voisin est venu en permission. Les poux n’ont pas épargné Gaspard !

Lettre de Claudia et Célina

Lavoine le 28 Août 1915
Cher mari et cher petit papa
Aujourd’hui samedi nous venons te dire que nous sommes toujours en bonne santé [ . . . ]
Cher mari j’ai salé deux pots d’haricots et je suis après d’en saler un troisième qui est bien aussi grand que les autres deux ensemble [ . . . ]
Sur ta prochaine lettre tu nous diras si tu as reçu notre colis si tu ne l’as pas reçu nous ferons la demande pour le faire revenir. Le Gilbert des Bel* est venu en permission du front pour six jours mais je t’assure qu’il amuse les gens avec ses discours.
Cher mari tu nous diras sur ta prochaine lettre si le savon que nous avons pris au Mayet pour les poux a fait effet et si tu en as toujours. Chez nous il fait un temps superbe hier le temps c’était brouillé mais ce n’était qu’un orage ça a tonné mais il n’a presque pas plut. [ . . . ]
Claudia Morel Célina Morel

* Gilbert des Bel. Gilbert Faure. Classe 1900. Cultivateur du bourg de Lavoine.

Claudia relaie les nouvelles reçues de ses beaux-frères. Elle s’est procuré du « bois de chauffe » et s’assure que Gaspard n’ait besoin de rien.

Lettre de Claudia et Célina

Lavoine le 30 Août 1915
Cher mari et cher papa
[ . . . ] Cher ami ton frère Claude et Claudi et le Bonnet nous ont écrit ils sont toujours en bonne santé Bonnet dit qu’il a été très content de recevoir de tes nouvelles et aussi que tu es content de ton voyage. Bien cher petit mari aujourd’hui je suis allée chercher une charreter de branches de sapins avec le Badinguet* et j’en ai amené une bonne. [ . . . ]
Cher petit ami sur ta réponse tu nous diras si tu as encore bien de l’argent et s’il faut t’en envoyer ou bien si tu as besoin de quelque chose autre et nous te l’enverrons de suite. Les parents et amis se joignent à nous pour te donner bien le bonjour.[ . . . ] Claudia Morel Célina Morel

* Badinguet. Surnom de Mary Basmaison. Classe 1888. Charron de Lavoine. Classé dans le service auxiliaire, il n’est pas mobilisé.

A suivre.

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